Abattoir 5 : J’étais / Je suis / Je serai à Dresde en 1945

« Ce n’est qu’une illusion terrestre de croire que les minutes s’égrènent comme les grains d’un chapelet et qu’une fois disparues elles le sont pour de bon. »

De George Roy Hill, nous connaissons surtout ses deux films cultes, articulés autour du duo de légende formé par Paul Newman et Robert Redford. Mais saviez-vous qu’entre Butch Cassidy et le Kid et L’Arnaque, le cinéaste avait réalisé Abattoir 5 ? Désormais grâce à Carlotta, autant pourvoyeur de grands classiques que de fabuleuses découvertes, vous le savez mais vous pouvez également vous procurer le film dans une super édition Prestige Limitée, disponible depuis le 18 avril dernier !

Réalisé en 1972, Abattoir 5 adapte le roman éponyme de Kurt Vonnegut Jr. paru trois ans plus tôt. Soit l’un des grands récits de science-fiction du XXème siècle, dans lequel son héros somme toute banal, le bien nommé Billy Pilgrim, kidnappé par des extra-terrestres de la planète Tralfamadore ne cesse de voyager dans le temps. Il est tantôt un vieil opticien américain, tantôt un jeune vétéran en lune de miel et surtout un soldat américain prisonnier à Dresde en 1945 dans un ancien abattoir, bientôt témoin de la destruction de la ville par bombardements…

Réflexion à la fois fataliste et pleine d’ironie sur le sens de l’existence, roman passionnant et farouchement antimilitariste empruntant à tous les genres, Abattoir 5 offre une nouvelle perspective sur l’espace et le temps (pour les tralfmadoriens, le temps n’est pas linéaire et chaque action s’inscrit à la fois dans le passé, le présent et le futur, elle a toujours été là et le sera toujours) et nous attache aux pérégrinations d’un personnage qui n’est jamais réellement le moteur de sa propre vie, condamné à faire des sauts dans le temps et à n’être que l’instrument d’une existence qu’il contrôle à peine. Aidé par un scénario de Stephen Geller, George Roy Hill surprend par sa capacité à adapter fidèlement le roman, n’en gommant rien, embrassant totalement son côté déstructuré et aléatoire, allant même jusqu’à pousser l’audace d’expliquer les différents sauts dans le temps de Billy dans le dernier tiers du long métrage, perturbant les spectateurs qui pourraient arriver devant le film sans connaître l’œuvre de Vonnegut.

De fait, en étant extrêmement fidèle au roman, Abattoir 5 ne surprendra pas ceux l’ayant lu et c’est le seul reproche que l’on pourrait faire au film qui se montre autrement pertinent sur tous les plans. Pour ceux connaissant George Roy Hill par ses films plus classiques (on a cité Butch Cassidy… et L’Arnaque en début d’article mais l’on vous conseille également La kermesse des aigles, La Castagne et Le monde selon Garp), il est étonnant de voir le cinéaste s’emparer d’un récit aussi ambitieux et à priori éloigné de son univers. Il s’avère pourtant être le réalisateur idéal pour mettre en scène cette adaptation, captant justement la versatilité des registres abordés dans le livre pour les transposer à l’écran de façon assez savoureuse, étant aussi à l’aise dans le registre dramatique (les scènes à Dresde suintent la mort et le désespoir) que comique quand il s’agit de dépeindre la banale vie d’opticien mené par Billy à son retour de la guerre, vie pimentée par son enlèvement et sa captivité forcée sur Tralfamadore avec l’actrice Montana Wildhack (campée par la superbe Valerie Perrine). Ces changements de ton, aidés par un montage intelligent et une photographie épousant chacun des genres abordées au sein de la vie de Billy ( photo signée Miroslav Ondříček, collaborateur régulier de Milos Forman) achèvent de faire le piment d’un film aussi singulier que le roman qu’il adapte, découverte chaleureusement recommandée et qui propose une belle réflexion existentielle à consommer sans modération à tout moment, passé, présent ou futur !

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*