Aka : Coups de poing et fusillades

Depuis la chute d’EuropaCorp, difficile de trouver son compte lorsqu’il s’agit de cinéma d’action français. S’il y a bien quelques vieux de la vieille qui essaient tant bien que mal de garder le cap (dixit Olivier Marchal qui se trouve sur une pente descendante depuis plusieurs films), il faut saluer un petit vivier de jeunes prodiges qui entendent faire parler leurs références afin de redorer le blason de l’exercice au sein de notre pays. Alban Lenoir a, premièrement, été vivement repéré par les spectateurs pour ses talents humoristiques (Kaamelott, Hero Corp). Une image de bon gars, parfois beauf sur les bords, mais terriblement attachant qui le suivra sur une flopée de longs métrages (Goal of the Dead, Brice 3, Les Crevettes Pailletées) qu’il entrecoupera de rôles un poil plus musclés afin de mettre en œuvre ses talents de cascadeur (Taken, Antigang). Parce que c’est définitivement lorsqu’il peut laisser exprimer toute son admiration pour des acteurs comme Tom Cruise qu’il se sent le plus épanoui, Alban Lenoir est en train de devenir un nom incontournable lorsqu’il s’agit d’évoquer la nouvelle castagne à la française. La sortie de Balle Perdue sur Netflix l’a installé confortablement et lui a fait profiter d’une visibilité conséquente auprès de toutes les générations. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, Lenoir reprend du service aux côtés de Morgan S. Dalibert, le chef opérateur de Balle Perdue, qui l’a recruté pour son second long métrage en tant que réalisateur, Aka.

Adam Franco est un agent infiltré qui effectue le sale boulot partout où il est nécessaire. Sa nouvelle mission : intégrer une organisation mafieuse en France afin de déjouer un attentat terroriste imminent dans la capitale.

La formule semble déjà toute faite, à croire que le cahier des charges de Netflix doit se conformer à une seule et même formule. Qui dit film d’action produit pour la plateforme, dit inévitable plan-séquence, diverses scènes qui rendent le héros invincible et surtout un épilogue cathartique. Certains crieront à la fainéantise quand d’autres apprécieront se retrouver en terrain connu. Seulement, malgré le fait qu’il ne sorte jamais des sentiers battus, il est impossible de ne pas adhérer à la proposition. Aka tire son épingle du jeu par la maîtrise de la mise en scène. En effet, Morgan S. Dalibert répond aux attentes de Netflix tout en y insufflant ce petit complément qui rend son long métrage surprenant par moment. L’ouverture du film offre le fameux plan-séquence que nous attendons. S’il se rapproche de son héros, Dalibert fait rapidement le choix de se détacher de ce dernier afin de venir se focaliser près d’un terroriste qui assiste impuissant au démembrement de toute son unité. Il attend sa fin inévitable, mais Dalibert se montre malin en jouant avec le hors-champ pour nous expliquer la détermination du personnage campé par Alban Lenoir. Choisir de ne pas coller son héros dans chacun de ses mouvements, le réalisateur le répétera lors de la scène de la bagarre aux portes du club. Il installe le spectateur dans une ambiance mutique qui lui permet de bien prendre du recul sur les objectifs de Adam. Ce dernier a un ordre de mission, il fera tout pour y arriver. Dès lors que le film nous a bien fait cerner Adam, son histoire devient un prétexte pour aligner des séquences issues des influences de son réalisateur. De Man on Fire à Heat en passant inévitablement par John Wick (l’association de cascadeurs au service d’un film d’action qui ne veut pas tromper sur ses scènes musclées, le héros taiseux et surentraîné…), Aka va piocher dans les plus gros titres du cinéma américain afin de parfaire ses scènes d’action. Morgan S. Dalibert se sert de son expérience aux côté de Guillaume Pierret (le réalisateur de Balle Perdue) afin de maintenir une tension constante au cœur de son histoire.

Si le nerf de la guerre demeure l’action, et le savoir-faire de Lenoir et Dalibert s’en ressent grandement, Aka pêche lorsqu’il s’agit de faire vivre les personnages ensemble. Fort heureusement, le film s’épargne les sempiternels flashbacks qui justifient l’état psychologique du personnage, mais il ne parvient pas à trouver le corps nécessaire pour parvenir à nous attacher pleinement à ce dernier. La comparaison avec Man on Fire en est le plus bel exemple puisqu’on parle d’un héros meurtri par la vie qui va reprendre espoir dans la relation qu’il entretient avec un enfant. Mais ce n’est pas tant dans la relation qui se noue entre Adam et le fils de son patron que le bât blesse, mais surtout sur les relations entre tous les personnages qui gravitent autour d’eux. Eric Cantona semble s’amuser comme un enfant en parrain tout droit sorti d’un polar de Olivier Marchal, avec option accent chantant, mais il ne convainc jamais vraiment de sa suprématie. Ses hommes de main sont d’un ridicule effarent, de vraies racailles de bac à sable comme diraient nos amis bobos bourgeois. L’unité qui devrait les lier ne se ressent jamais, d’autant que le film se débarrasse rapidement du seul homme de main qui faisait un tant soit peu réaliste, kidnappé par les flics en couverture chargés de protéger Adam. Mais ce qui achève de nous convaincre que le film manque de subtilité dans son écriture provient de son envie de retourner la situation lors du dernier acte. Pour une fois qu’un film sur un tel sujet essaie de ne pas jouer la carte de la menace islamiste comme la cause de tous ses malheurs, il ne parvient pas à nous satisfaire pleinement de son twist. Non seulement, Aka balaie d’un revers de la main tous les tenants et aboutissants qu’il a voulu créer autour de la famille mafieuse, mais il ne relance pas totalement les enjeux afin de conclure parfaitement tous ses arcs narratifs. Dès lors que Adam fait le choix de la raison plutôt que le choix de la patrie, Aka referme tous ses chapitres en l’espace de quelques séquences sans âme qui nous laissent sur un goût d’inachevé. Aka aurait dû être une série, et le potentiel y était clairement, ce qui expliquerait la sensation de charcutage ressentie en fin de film.

Si Aka aurait mérité une écriture plus fine, difficile de faire la fine bouche lorsque l’on constate la maîtrise de la mise en scène et l’implication solide de son acteur vedette. Il surnage de belles idées dans la manière de construire les séquences d’action qui, elles, renouvellent les enjeux à chaque fois là où les dialogues tournent souvent en rond. Le film est à l’image de ce que l’on attend d’une production Netflix : de l’action solide, des personnages simples (pour ne pas dire simplistes), mais surtout des artisans qui en veulent et qui ont de la suite dans les idées. Alban Lenoir confirme qu’il est de ces acteurs sur qui l’on peut compter afin d’en mettre plein les mirettes avec une efficacité redoutable. On trépigne déjà de la suite de Antigang et le remake du Salaire de la Peur pour nous conforter dans tout l’amour que nous lui portons.

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