Dashcam : Uber of the dead

Souvenez-vous de notre séance Shadowz de Noël dernier dans laquelle nous vous vantions tout le bien que nous pensions de Rob Savage et de son film Host. Dans cette chronique, nous évoquions son dernier long métrage en date, Dashcam, qui nous avait fait forte impression. Il est désormais temps de revenir en détail sur ce film qui vient de faire sa rentrée au sein du catalogue Shadowz. On ne va pas répéter la sempiternelle analyse qui revient sur les (non) qualités des différents found footage ayant rencontré un succès public indéniable, vous savez déjà ce que nous pensons de la plupart d’entre eux. En revanche, nous n’allons pas nous priver pour scander haut et fort que nous trouvons que Rob Savage fait parti de ceux qui redonne un vrai coup de neuf à l’exercice. Après avoir tourné Host durant le confinement, il se sert de cette période pandémique afin d’alimenter le sujet de son dernier film. Tourné intégralement avec l’aide d’une dashcam et d’un iPhone, Dashcam est une co-production Blumhouse. Quand on voit le potentiel du film qui coche toutes les cases inhérentes aux productions financées par Jason Blum, il est étonnant de ne pas avoir retrouvé Dashcam dans nos salles. Qu’importe, Shadowz se charge de réparer cet affront pour notre plus grand bonheur.

Au début de la Pandémie, une musicienne, qui a pour habitude de diffuser du contenu en direct sur internet, abandonne Los Angeles pour Londres. Sur place, elle vole la voiture de son ancien membre de groupe et prend la mauvaise décision de conduire une femme âgée qui n’est pas ce qu’elle semble être.

Nous pensions véritablement le found footage mort et enterré. Voilà plusieurs semaines que Shadowz nous prouve le contraire. Force est de constater nos coups de cœur pour Host, Deadstream ou tout récemment Spree pour nous conforter dans l’idée que le genre connaît un certain regain d’intérêt puisqu’il est abordé de manière signifiante et propose de nouvelles choses à dire sur notre époque. A l’heure où le streaming est devenu une pratique banale et où l’immersion de milliers d’inconnus au cœur de la sphère privée a fait tomber tous les tabous, Rob Savage entend se nourrir de l’incongruité de la situation afin de remettre les pendules à l’heure. En effet, nous sommes tellement abreuvés par des milliers de contenus en permanence qu’on ne se donne même plus la peine de se détacher de l’absurdité voyeuriste dans laquelle, nous, spectateurs, nous mettons parfois. Dashcam suit dont le quotidien de Annie, rappeuse vulgaire et complotiste au possible, qui ne doit sa popularité qu’à son antipathie assumée. En choisissant de faire de son héroïne une personne détestable, Rob Savage s’assure de deux choses essentielles et qui font fonctionner à merveille son concept. La première est que Annie est détestable et mérite tout ce qui lui arrive, Savage titille notre perversité qui n’attend qu’une chose : la voir s’en prendre plein la tête. La seconde est qu’il offre à Annie Hardy, son actrice principale, l’occasion de mettre en parallèle son image médiatique avec ce qu’internet a fait d’elle. Avant d’être actrice, Annie Hardy est avant tout une chanteuse, guitariste et compositrice. Leader du duo Giant Drag, elle a été en ligne de mire d’énormément d’associations conservatrices qui pointaient du doigt des titres tels que YFLMD (You Fuck Like My Daddy) ou encore My Dick Sux. Quand bien même les titres de ses morceaux sont indéniablement graveleux, les paroles ne le sont pas tant que cela. Par le biais de son rôle quasi-éponyme dans Dashcam, elle remet à leur place toutes ces associations qui n’ont pas pris le temps d’analyser son travail en devenant la carricature qu’elles ont fait d’elle. Dans le film de Rob Savage, elle est impertinente, grossière, détestable et particulièrement hautaine. Elle se régale à improviser des textes rappés avec une vulgarité bas du front. On la sent fière de son génial pied-de-nez, d’autant que sa provocation sert le récit d’une merveilleuse manière.

Outre les frasques hilarantes de Annie Hardy, Dashcam n’en oublie pas d’être un véritable film d’épouvante. Une fois de plus, Rob Savage met ses nombreuses influences à contribution de son film. Biberonné par de nombreux classiques divers et variés allant du Projet Blair Witch à The Thing en passant les meilleures séquences de body horror empruntées à Cronenberg, Dashcam ravira autant les initiés que les néophytes. Savage concentre, une nouvelle fois, ses efforts à rendre l’exposition la plus claire, rapide et concise possible afin de mieux déjouer les attentes lorsqu’il ouvre les vannes de l’horreur. Dascham est un roller-coaster magistral. Les enjeux sont relancés toutes les cinq minutes. Dès lors que la vieille dame fait son apparition, on ne soufflera plus jamais jusqu’au générique de fin. Rob Savage exploite tout ce qui est possible de créer avec les contraintes qu’il s’est imposé. Son imagination semble sans limite. En l’espace de moins de 80 minutes, il parvient à maintenir une tension infernale, il met les nerfs du spectateur à rude épreuve, tous les sens sont en alerte. Tantôt nous rions de l’absurdité d’une situation, tantôt nous nous recroquevillons d’effroi. Le film titille savoureusement la corde sensible des amateurs de sensations fortes et ne ment clairement pas sur la marchandise lorsqu’il décide d’être gore. Les attaques sont particulièrement sauvages et les morts brutales. Mention spéciale pour un accident de voiture que nous ne sommes pas près d’oublier. Avec un budget dérisoire de 100 000 dollars, Dashcam renoue avec l’artisanat qui a fait la renommée de réalisateurs de la veine de Sam Raimi. Il y a un vrai goût de la débrouille, mais surtout une véritable envie de saisir et marquer son spectateur. Budget fauché ne veut pas dire film fauché dans le monde de Rob Savage, on en a clairement pour notre argent. On saluera également la maîtrise de l’absurdité jusque dans les commentaires qui défilent à gauche de l’écran lors du live stream. Tout est minutieusement travaillé pour donner une illusion réaliste allant jusqu’à créer tous les stéréotypes que l’on peut rencontrer lors de tels événements. Entre les mâles alpha lourdingues toujours présents pour balancer les pires vannes graveleuses ou les illuminés qui hurlent au fake face à ceux qui prennent vraiment peur de la situation, il y a une vraie illusion de communauté qui défile à l’écran. Savage analyse le monde moderne et le met en adéquation avec l’horreur des situations qu’il dépeint si bien qu’on se demande où se trouve la vraie monstruosité. Est-elle dans ce que l’écran nous montre ou se trouve-t-elle chez le spectateur qui se rince l’œil de ces atrocités ? Qu’importe la conclusion à en tirer de cette question, Dashcam demeure avant tout un vrai bon film d’horreur. Son impact sociétal est un bonus, un héritage des films adulés par son auteur qui ne contentent pas uniquement de faire peur bêtement, là est l’essence même d’un vrai bon film d’horreur.

Vous l’aurez compris, nous validons entièrement ce nouvel essai de Rob Savage. Le jeune réalisateur continue de décortiquer la malversation des réseaux sociaux en y insufflant toutes ses influences fantastiques avec un savoir-faire indéniable. Dashcam ajoute une nouvelle belle pierre à l’édifice du genre qui promet de beaux jours à venir lorsque l’on constate l’envie de la nouvelle génération à vouloir rendre hommage à leurs ainés tout en se montrant résolument moderne. Une fois encore, Shadowz met en avant un solide artisan promis à un bel avenir…c’est du moins, tout le mal que nous lui souhaitons.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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