
Montréal, 2022. Noémie a 15 ans. Adolescente rebelle mise au ban du cadre familial classique elle passe ses jours dans l’intimité peu fiable d’un foyer de l’assistance publique ; rejetée, non-reconnue par une mère l’ayant visiblement « eu beaucoup trop tôt » Noémie rue dans les brancards, se rebiffe contre un système voué à l’éduquer « par défaut » au point de fuguer de l’institution sus-citée. Le soir même de son escapade elle retrouve son ami Léa de trois ans son aînée et rejoint un groupe de jeunes adultes encanaillés et peu fréquentables, parmi lesquels se trouve Zach et pour lequel Noémie tombe instantanément sous le charme. Un matin, un peu au même moment où le Grand Prix de Formule 1 est annoncé dans la capitale, Zach propose à la jeune fille se vendre son corps pour de l’argent. Juste comme ça, deux ou trois jours, le temps de pouvoir amasser un petit pécule afin de prendre le large dans l’espoir d’une vie meilleure. D’abord réticente, Noémie finit par dire « oui »…

Tel est l’argument fracassant du premier et magnifique long métrage de la jeune réalisatrice Geneviève Albert, cinéaste québécoise livrant avec Noémie dit Oui un petit bijou de sensations brutes laissant littéralement exsangue au sortir de la projection. Plongée et descente aux enfers dans le quotidien craspec et dégradant de la prostitution sur mineurs ce premier essai agit à la manière d’un tour de force émotionnel sans appel et dévastateur, sublimé par la toute jeune Kelly Depeault dans le rôle-titre. Commençant dans le vif de son sujet, de façon pratiquement documentaire voire dardennienne Noémie dit Oui collera singulièrement aux basques de son héroïne d’un bout à l’autre d’un récit avec une caméra oscillant habilement entre énergie et fausse accalmie, mouvements d’appareil exécutés à l’épaule et science du cadre subtilement composée…
A la manière d’un récit duquel le point de bascule demeure pour le moins ambigu et insidieux celui proposé par Geneviève Albert parle à sa façon d’emprise psychologique tacite et destructrice, emprise personnifiée par la figure de Zach interprété par l’excellent et indiciblement terrifiant James-Edward Métayer, personnage banalisant quelque chose de proprement horrible et déstructurant. Et si Kelly Depeault – de toutes les séquences et dont la justesse et l’énergie sont de tous les instants – porte entièrement l’intégralité dudit film sur ses épaules le reste des actrices et des acteurs n’est pas en reste face à ce jeune et remarquable talent, servant à merveille un propos à même d’interpeller tout un chacun. En bon film immersif Noémie dit Oui nous laisse partager le quotidien d’une adolescente aux journées scandées par des passes intelligemment représentées au travers du point de vue des clients tour à tour salaces et grossiers, violents et méprisants, dé-sexualisant en permanence le personnage de la jeune Noémie…

C’est du reste en cela que ce premier film saisit au corps et au coeur : exempt de racolage et de sensationalisme ce drame réfute toute forme de voyeurisme, bien loin de vouloir nous séduire ou – pis – nous exciter au regard de la situation viscéralement vécue par l’adolescente. Et si certains gimmicks de mise en scène et de montage laissent parfois place à une certaine forme de trivialité (les intertitres rythmant les différentes passes à renfort de cumul numérique en sont un exemple frappant, mettant en évidence l’écoeurement éprouvé par Noémie, ndlr) l’ensemble est suffisamment efficace et prenant pour que cette rudesse de registre n’empiète pas sur l’empathie que nous sommes censés ressentir pour l’adolescente.
En ce sens Geneviève Albert réalise un premier long métrage saisissant de vérité, impeccablement interprété par tous les comédiens (Léa, l’amie de Noémie campée par Emi Chicoine, est quant à elle très touchante de vulnérabilité également sous-emprise) et superbement réalisé par une réalisatrice que nous devrons suivre de près dans les années à venir. Un tour de force logiquement récompensé au dernier Festival du Film d’Angoulême qui sera visible dans nos salles obscures dès ce mercredi 26 avril… Un must.
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