Dennis Hopper : The American Dreamer + Along for the ride

Chez Close-Up, nous aimons beaucoup Dennis Hopper, autant l’acteur versatile que le cinéaste, dont la maigre filmographie se résumant en une poignée de films demeure totalement passionnante, dévoilant le regard d’un véritable artiste sur le monde qui l’entoure. Nous avions déjà écrit un dossier sur sa carrière de réalisateur lorsque Carlotta Films avait eu la bonne idée de sortir dans une superbe édition The Last Movie, son second long métrage longtemps resté introuvable. Forcément, nous ne pouvions résister lorsque l’éditeur a sorti, en octobre dernier, deux documentaires et un livre autour de Dennis Hopper, permettant de nous offrir un panorama complet sur sa carrière.

The American Dreamer

D’un côté il y a donc The American Dreamer, docu-fiction réalisé alors que Hopper est en plein montage de The Last Movie et donc en période de doute créatif, visiblement plus intéressé par son rôle dans le documentaire et par la façon dont il le présente plutôt que par le bouclage de son propre film. De l’autre, nous avons Along for the ride, documentaire réalisé en 2017 (mais aussi un livre de 240 pages truffé d’entretiens, de photos et d’archives) revenant en détails sur la carrière de Hopper à travers les yeux de son mystérieux ‘’bras droit’’ Satya de la Manitou (ça ne s’invente pas !) et de plusieurs personnes ayant croisé son chemin.

Si l’on passera assez rapidement sur le film Along for the ride, qui se montre intéressant (quoique potentiellement répétitif pour quiconque s’est déjà un peu penché sur la carrière d’Hopper) mais globalement hagiographique et totalement subjectif sur le parcours de Dennis Hopper (que certains intervenants définissent comme l’un des plus grands artistes du 20ème siècle, n’exagérons rien), on lui préférera le livre éponyme truffé de témoignages et d’archives passionnantes levant peu à peu le voile sur un personnage décidément insaisissable, à la fois autodestructeur (il faut clairement avoir un désir de mort pour accomplir le Russian Dynamite Death Chair Act – on vous laisse taper ça sur Youtube) mais également capable d’un formidable discernement sur ses contemporains et sur les bouleversements de son pays, acteur tout à la fois ingérable comme traversé par des coups de génie.

Extrait d’une page du livre Along for the ride

Le plus intéressant reste cependant The American Dreamer puisqu’il n’a aucune vocation hagiographique et profite de la participation de Dennis Hopper qui se consacre entièrement à ce projet. ‘’Si on va faire un documentaire ou une sorte de film sur mode de vie […], on devrait tout montrer. En ce qui me concerne, il s’agit à la fois d’un acte destructeur et d’un acte créatif.’’ Cette phrase que prononce Hopper donne bien le ton du film et en même temps prophétise presque celui de sa carrière et de sa vie où créations et destructions semblent toujours s’être mêlées. En s’attardant sur les méditations du cinéaste alors qu’il a du mal à monter un The Last Movie sur lequel il a eu les pleins pouvoirs, The American Dreamer capte un artiste en plein doute, en pleine crise existentielle, luttant pour l’intégrité de son film, pour conserver intact son processus de création sans pour autant réellement savoir où il va (spoiler alert : ça se voit quand on découvre The Last Movie).

Le film de Lawrence Schiller et de L.M. Kit Carson, réalisé avec la complicité d’un Hopper impliqué et décidé à alimenter son statut de nouvelle icône de la contre-culture, permet d’approcher de près l’intériorité d’un artiste bouillonnant qui, au sommet de sa gloire, n’a pourtant jamais semblé aussi fragile. Ce film précieux, que Carlotta nous a dégoté avec gourmandise, permet de compléter la filmographie de Dennis Hopper, offrant un nouveau point de vue à son travail, nous aidant à encore mieux cerner toutes les complexités d’un artiste dont on ne saura jamais totalement tous les secrets et toutes les blessures mais dont la riche vie aura laissé une carrière passionnante, à découvrir dans ses hauts aussi bien que dans ses bas.

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