Le prix du passage : L’humanité peut-elle se monnayer ?

Natacha habite dans une ville près de la Manche où beaucoup de migrants se sont installés en attendant de pouvoir passer en Angleterre. Mère célibataire au caractère bien trempé, elle peine à joindre les deux bouts et doit fuir son propriétaire à qui elle doit déjà plusieurs loyers en retard. Quand elle se fait virer de son travail, elle se retrouve aux abois, prête à tout pour offrir une vie meilleure à son fils Enzo. Sa rencontre avec Walid va tout changer : venu d’Irak il attend que son frère le rejoigne avant de passer en Angleterre. En attendant, ils ont besoin d’argent et organisent donc une filière artisanale de passages clandestins. Les risques sont grands mais les profits peuvent l’être également…

Pas grand-chose de palpitant à première vue dans Le prix du passage, réalisé par Thierry Binisti, cinéaste discret travaillant régulièrement pour la télévision et dont le dernier long métrage pour le cinéma, Une bouteille à la mer, remonte à 2012. Il faut dire que si le sujet est de grande importance, il est loin d’être le plus alléchant. Reconnaissons alors le grand travail de recherche fourni par la co-scénariste Sophie Gueydon (à l’origine du projet) qui s’est inspirée de son vécu et de ses expériences passées dans des associations dans le Nord de la France. Ce soin apporté au réalisme du vécu des migrants et de leurs conditions de vie évite tout manichéisme et toute tendance à virer au mélo facile. Le prix du passage a donc le mérite de ne tirer aucune corde sensible, évitant habilement les pièges qui lui tendent les bras.

Les personnages, écrits et interprétés avec justesse, déjouent également les clichés. Natacha est ainsi loin d’être totalement sympathique au début, trop préoccupée par ses problèmes pour être aimable, mère faillible mais aimante, acceptant uniquement d’aider Walid pour l’argent. Celui-ci, cultivé et conscient des dangers qui les attendent, est plus mesuré et moins nerveux. S’étant bien entouré d’Alice Isaaz (qui porte toutes les contradictions de son personnage avec fougue) et d’Adam Bessa (dont la présence face à la caméra est lumineuse), Thierry Binisti fait essentiellement reposer son film sur eux, visiblement conscient des limites de son récit sur le plan cinématographique.

Car s’il évite le manichéisme, Le prix du passage n’en demeure pas moins un film relativement prévisible dans sa construction narrative, enchaînant les péripéties sans grandes surprises et Binisti n’a pas les épaules nécessaires pour transcender son sujet à travers sa mise en scène. Celle-ci offre de beaux moments mais reste essentiellement trop sage pour offrir une réelle proposition capable de porter le film à un niveau supérieur. Le sujet appelait certaine à une certaine sobriété mais l’on aurait tout de même voulu que l’émotion nous happe un peu plus, plutôt que de suivre une route solide mais néanmoins bien balisée et déjà empruntée maintes fois. Reste que Le prix du passage traite en toute humilité son sujet et offre de belles partitions à ses acteurs, assurant le divertissement tout en sensibilisant sur la situation des migrants, en dehors des gros clichés véhiculés par les chaînes télévisées. Rien que pour ça, le film mérite d’être salué.

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