Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse : Trois contes de Michel Ocelot

N’importe quel enfant ayant grandi dans les années 90 a forcément grandi avec Kirikou et la sorcière, long métrage d’animation inlassablement vu, revu et re-revu. Depuis il nous est impossible de ne pas nourrir beaucoup de tendresse envers Michel Ocelot, cinéaste singulier dans le paysage cinématographique français, doté d’un style reconnaissable entre tous, merveilleux conteur attaché aux récits modernes au sein d’époques qui ne le sont pas forcément. Nous avions loupé en salles Le Pharaon, le Sauvage et la Princesse, sa sortie récente en vidéo chez Diaphana le 21 février dernier nous a permis de rattraper cette erreur.

Le film est divisé en trois récits distincts, chacun se déroulant durant une époque spécifique et chacun réalisé avec un style d’animation différent. Liant ses récits, des passages (dispensables) avec une conteuse auprès de qui on réclame des histoires viennent justifier un peu maladroitement le film mais attestent de la volonté de Michel Ocelot de revenir à cette tradition du récit et à la puissance évocatrice que l’on peut en tirer. On pourra certes reprocher au cinéaste de ne pas se fouler et d’user encore des mêmes personnages (des princes et des princesses, forcément) et des mêmes thématiques sans avoir l’envie de se transcender. Il est vrai qu’après Dilili à Paris qui offrait un certain vent de fraîcheur, on attendait le réalisateur sur autre chose qu’un simple film où il semble se reposer sur ses acquis. Mais n’en déplaise à ses détracteurs et aux bougons de service, l’enchantement, bien qu’un brin mécanique, demeure intact.

Il faudra cependant passer le premier récit, se déroulant en Egypte et n’offrant guère d’originalité, aussi bien dans son déroulement que dans son animation. Une entrée en matière savamment posée en début de film afin de laisser les deux autres histoires prendre leur envol. La deuxième, la meilleure des trois, nous transporte en Auvergne au Moyen-Age et confronte le fils d’un seigneur à la cruauté de son père. Réalisé en ombres chinoises dans des décors simples, volontairement lugubres mais joliment travaillés, ce récit enchante par son univers visuel et la puissance évocatrice de son récit, incitation à la révolte contre l’injustice et la violence. Avec ce court métrage, Michel Ocelot semble redonner vie à certains fantômes du passé et convoque une forme de récit que l’on ne fait plus, dénué de tout cynisme et de second degré, offrant une véritable parenthèse de bonheur.

Le troisième récit, se déroulant en Orient, en fait autant. S’il est moins réussi sur le plan visuel à cause de quelques lacunes sur les effets 3D, ses couleurs éclatantes viennent réveiller nos pupilles, surtout après la noirceur du segment précédent. Ici, tout brille de mille feux et cette histoire d’amour entre un prince exilé déguisé en vendeur de beignets et une princesse éprise de liberté vient se parer de modernité quand la morale finale vient à l’encontre des conventions habituelles, nos deux héros choisissant volontairement de se soustraire au destin attendu d’eux à leur naissance, préférant écrire leur propre destinée selon leur volonté. La preuve que malgré les années qui passent et les artifices plus ou moins voyants de son cinéma, Michel Ocelot reste définitivement un conteur dont notre époque a besoin.

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