The Devil’s Conspiracy : Plus proche des enfers

Des anges et des démons suffisent-ils à faire une bonne histoire ?

The Devil’s conspiracy, c’est l’histoire de Laura, étudiante américaine en histoire de l’art à Turin qui se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment. Dernière visiteuse de l’exposition dédiée au suaire de Turin, elle se fait capturer par une secte sataniste, qui a développé grâce à la science la possibilité de cloner les plus grands personnages historiques à partir de leur ADN. La jeune femme est sélectionnée pour être la nouvelle Vierge Marie, afin de mettre au monde un clone de Jésus, capable de servir d’hôte à Lucifer. Comme le raconte la légende, l’Archange Michel se dresse face à Lucifer, cette fois-ci via le corps d’un prêtre pour arrêter cette pagaille. C’est le pari que se donne le réalisateur Nathan Frankowski, habitué des documentaires et biopics, en adaptant et imaginant l’une des plus grandes rivalités des temps de l’Apocalypse, soit celle de l’Archange Michel et du fameux Lucifer, mais ressuscités dans notre temps.

Frankowski nous livre une œuvre ambitieuse, parfois jubilatoire, mais qui atteint aussi ses limites. The Devil’s Conspiracy a tout d’un potentiel blockbuster à l’américaine : un certain budget, un thème accrocheur revisité, et bien sûr un titre intriguant. L’intemporelle Italie comme cadre ou encore la représentation de l’Enfer donnent un ton et une atmosphère propres à l’œuvre, qui se veut mélange de moderne et d’ancien, mais aussi mélange des genres. L’esthétisme se base sur des fortes couleurs qui nous transportent dans un autre monde, basculant des couleurs assemblées du romantisme italien, au rouge flamboyant sur fond sombre de la secte sataniste associée aux laboratoires. L’on bascule aussi de la science-fiction à l’horreur, de l’horreur au comique, mais parfois de manière maladroite, évidente (ce qui vient frôler la parodie) et sans trop de transition. Tout ceci garde comme fil rouge un fond de musique religieuse, relique des films d’horreur des années 80 qui mettaient à l’honneur l’exorcisme. Celle-ci est utilisée à outrance, ce qui génère parfois un effet too much pouvant nuire à l’immersion voulue, immersion qui s’avère essentielle dans cet univers si particulier. De ce fait, c’est comme si la sauce ne « prenait pas » : notamment lors des discussions entre Laura et la servante de Lucifer, qui deviennent vite absurdes, ou encore des screamers assez convenus. 

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Revenons en au mélange des genres, prégnant dans cette œuvre : on croit parfois déceler de potentielles références cinématographiques éloignées les unes des autres, sans pour autant être sûr qu’elles en soient : l’on pense évidemment a L’Exorciste lors de la fin de la grossesse de Laura, cette dernière étant possédée par Lucifer et donc totalement vulgaire, ou encore à Drive lorsqu’elle éclate à coups de pied la tête d’un homme au sein de la secte.

Pour ce qui est du “fond”, le Manichéisme religieux assumé devient un motif tout aussi utilisé par le réalisateur, pour faire émerger un monde, un esthétisme. Ce dernier met en parallèle les couleurs bleue et rouge, symboles respectifs de Michel et de Lucifer, lui-même connecté à la secte scientifique. Cette dernière est implantée en Italie dans un vieux monument, proposant donc l’esthétisme particulier de l’ancien, et du moderne de la science. Enfin, il y a ici les bons et les mauvais, Lucifer et Michel, bien que celui-ci soit quelque peu revisité.

Le montage quant à lui nous propose un jonglage quelque peu dérangeant entre des plans d’intérieur d’ensemble et des plans rapprochés, notamment lors de la présentation des clones, ce qui donnera le tournis à plus d’une personne. Il en est de même pour les plans qui présentent le fœtus dans le ventre de Laura  un peu étonnants, mais surtout pas très réalistes. La croissance du fœtus qui affaiblit sa mère n’est pas sans rappeler la fameuse Bella dans l’avant-dernier Twilight, sauf que cette fois, les plans in utero ne sont pas du meilleur goût. C’est certainement lorsque l’on ne voit pas le monstre, mais qu’on le suggère, qu’il est véritablement effrayant. Dans ce registre, le serpent de fumée représentant Lucifer (que l’on peut au passage percevoir comme une allusion au viol) est une réussite, à l’exception du moment où il engloutit la caméra en guise de transition. 

Cependant, Frankowski opère de manière certes maladroite mais audacieuse un rapprochement entre deux mondes, qui ne sont pas le monde terrestre et les enfers, mais la religion et la science, perçus par notre société comme antagonistes. A l’image de l’ancien et du moderne illustrés par la cage transparente de Laura dans un monument religieux, les deux vont de pair pour questionner les limites éthiques du monde d’aujourd’hui : ce film donne à réfléchir sur les sujets que sont le clonage et la sélection génétique, mais aussi sur certains effets pervers de la religion, celle-ci pouvant embrigader les croyants, les menant tout droit à des dérives sectaires.

Une vraie réussite de cette œuvre est la réinterprétation moderne de l’Archange Michel, à l’allure d’un Néo avec son long manteau en cuir, qui dégomme les portes à l’aide d’un fusil pour la plus grande surprise du public. De toute manière, qui a dit que le chef des anges devait être lisse, voire parfait ?  Il faut souligner l’acting intéressant de Joe Doyle, qui campe tout aussi bien le prêtre manichéen que le chef des anges totalement rock’n’roll, bien qu’il passe son temps à courir durant une bonne partie du film.

The Devil’s Conspiracy nous laisse donc sur notre faim : de nombreux sujets et problématiques sont amenés au fil de l’œuvre, sans pour autant être développés comme ils le méritent. L’on reste à la surface, frustrés face à une déambulation de Michel et à la grossesse monstrueuse de Laura. Quid des problématiques et idées sous-jacentes qui pourraient tant bien être présentes dans l’œuvre qu’inexistantes ? Est-ce un long-métrage jubilatoire pour le réalisateur ou peut-on entrevoir un discours sur la position des femmes dans la société et surtout au sein de la religion, qui les renvoie par exemple constamment à leur devoir primaire : celui d’enfanter ? L’on ne sait presque rien de Laura, qui devient subitement docile au moment où elle tombe enceinte. La seconde femme est quant à elle dépeinte comme une personne soumise à l’homme qu’elle idolâtre, jalouse de Laura, voulant à tout prix porter la progéniture en l’honneur de Lucifer. Sommes-nous face à une potentielle diatribe sur quelques travers de la religion, ou à une œuvre qui prend celle-ci comme sujet principal à des fins divertissantes ?

En définitive, Frankowski parvient à dépoussiérer une histoire d’anges et de démons pour en faire un divertissement assez efficace, qui atteint cependant ses limites. L’on convient donc de l’efficacité de la présence d’anges et de démons dans un long métrage, ce qui le rend ici divertissant ( comme le souligne d’ailleurs le professeur qui s’oppose à la thèse de Laura), bien que ses limites soient bien visibles. Peut-être est-ce parce que le but premier est bien cette certaine volonté de divertir, récemment répandue dans les productions américaines, ou encore l’approche américano-centrée des potentielle problématiques, propres aux Etats-Unis. 

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