Ailleurs si j’y suis : Un pas de côté dans la forêt

Il y a des films comme ça qui ne paient pas de mine et qui n’ont pas la vocation d’être des chefs-d’œuvre mais qui touchent en plein cœur par leur histoire et la façon dont ils savent la raconter. Ailleurs si j’y suis est de ces films-là et alors qu’on commence le visionnage du film en se demandant pourquoi nous l’avons choisi (la lassitude du critique guette parfois, il faut être vigilant), nous finissons enchantés par la découverte de cette œuvre fantaisiste, véritable ode au pas de côté, important à prendre régulièrement au cours de notre vie pour avoir sur elle une meilleure perspective.

Mis sous pression par sa famille (sa femme veut divorcer, son père se croit sans cesse mourant) et par son travail (son patron lui a proposé de reprendre sa boîte alors qu’un chantier ne se passe pas comme il faut), Mathieu, sur un coup de tête, s’enfonce dans la forêt pour y rester. Sans rien faire là-bas en plein milieu de la nature, Mathieu profite de lui et de son temps libre. Et la première chose maline que va faire le film, c’est de délaisser assez rapidement Mathieu pour aller s’intéresser à tout ceux gravitant autour de lui et que son départ met face à leurs propres peurs, à leur propre existence. Catherine, sa femme, envisage un voyage avec un potentiel amant. Stéphane, son meilleur ami, se demande s’il est réellement fait pour être père. Guy, son patron, songe à vendre sa société à son pire ennemi.

Alors que tout ce qui se déroule autour de Mathieu est contraire à toute forme classique de narration (il ne se passe rien, un aspect du scénario ayant d’ailleurs gêné certains financiers comme le souligne le réalisateur François Pirot), c’est tout ce qui se déroule à côté qui intéresse car les remises en perspective que traversent les personnages sont proches des interrogations que l’on peut nous-mêmes avoir. Qui n’a jamais songé à prendre du recul sur soi et à changer de vie ? Qui s’est déjà demandé si l’existence qu’il menait était réellement celle voulue ? Des interrogations saines permettant de mieux se regarder en face et de définir les objectifs que l’on se fixe afin de continuer à avancer et que le film met en avant de façon légère dans un récit fantaisiste ‘’mélancomique’’ pour reprendre les termes du réalisateur.

Difficile de ne pas s’attacher à cette galerie de personnages en perdition d’autant qu’ils sont parfaitement touchants dans leurs maladresses et incarnés par de fabuleux acteurs (Jérémie Renier, Samir Guesmi, Jean-Luc Bideau, Jackie Berroyer et Suzanne Clément qu’on ne voit décidément jamais assez) capables de leur donner corps instantanément avec une profonde empathie. La mise en scène de François Pirot, jouant sur deux formats différents (le cadre se resserre dans la forêt, prenant une dimension onirique volontairement assumée, le lieu servant de catalyseur et de point de chute à quasiment tous les personnages à un moment ou un autre) achève de donner au film une saveur particulière et en fait une découverte tout à fait précieuse, idéale bouffée d’air frais dans une période troublée.

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