Cannibal Man – La Semaine d’un Assassin : 7 jours à Tuer

Rendons à César ce qui appartient à César : le sous-titre de cette chronique pour la sortie en vidéo du rare Cannibal Man, est tiré d’un des bonus du digipack édité par Artus Films, disponible dans toutes les bonnes crémeries, notamment sur le site internet de l’éditeur.
Pour commencer, ne vous fiez pas à ce titre racoleur exploité à l’époque pour essayer de vaguement vendre le film lors de son exploitation en salles, pas le moindre croc de cannibalisme n’est à trouver dans ce film réalisé par Eloy De La Iglesia en 1972. Le film a plutôt subi les accrocs d’une censure franquiste lors de sa production. Sa première mouture est expurgée de ses allants homosexuels vieillissant son protagoniste principal avec l’arrivée de l’acteur populaire espagnol Vicente Parra dans le rôle-titre, mais surtout de ses pépettes, l’homme s’associant à la production fragile du film. La Semaine d’un Assassin est dans un premier temps remanié tout en perdant un brin de sa verve, puis censuré par le gouvernement franquiste voire totalement interdit en Angleterre enregistré dans la fameuse liste des Vidéos Nasties sous l’ère Tatcher n’appréciant guère les titres aux consonances « Cannibale ».

Finalement de quoi parle La Semaine d’un Assassin ? Des tumultes d’un ouvrier d’abattoir habitant une bicoque dans un bidonville madrilène où s’érigent des tours HLM et qui tombe dans un engrenage meurtrier suite à une altercation mortelle avec un chauffeur de taxi. Eloy De La Iglesia ne cherche jamais l’horreur, mais entraîne son spectateur dans le drame d’un homme au cœur d’une spirale meurtrière cachant des cadavres sous son lit avant de les découper pour les broyer au boulot. L’intrigue boule de neige se déroule sur un espace-temps d’une semaine sous le poids d’une chaleur caniculaire. Pour la première fois, La Semaine d’un Assassin est proposé dans une version quasi intégrale non censurée. Une rareté dont nous fait bénéficier Artus Films depuis une édition VHS par Scherzo que les plus fidèles vidéoclubistes auront bien connu. Eloy De La Iglesia, malgré une trentaine de longs métrages à son actif, a été ignoré depuis de longues années. Dans le bonus de présentation, Emmanuel Le Gagne nous gargarise un jour de pouvoir jeter un œil à La Criatura narrant la relation ambiguë d’une femme délaissée par son mari avec son chien noir ponctué notamment par une séquence zoophile fragile, mais réussie. 

Enchainé par une censure stricte, Eloy De La Iglesia réussit à tirer le meilleur d’un scénario brouillon et bouillant. L’auteur s’insère au cœur du film via le personnage du voisin, Nestor, qui d’emblée est présenté comme un voyeur regardant du haut de sa tour avec ses jumelles les jeunes hommes torses nus jouant au football sur le terrain vague. Il braque son regard sur Marcos dont il a une vue exclusive sur la maison. Nestor – incarné par Eusebio Poncela (vu chez Pedro Almodovar ou chez Carlos Saura) – force les rencontres avec Marcos. Ce dernier malgré ses failles est un aimant sexuel attirant notamment dans sa toile la tenancière du bodega qui a posé son regard chaud et ses fantasmes tout aussi brûlants sur son client. C’est le cas également de ce Nestor, projection du réalisateur, qui se colle au protagoniste jusqu’à une belle séquence de piscine d’une ambiguïté folle. Selon certains, des séquences coupées existent, via des photos et les dires du réalisateur, montrant les deux hommes s’embrasser. L’état franquiste coupera ces séquences aujourd’hui disparues. 
Sous le joug de la censure d’état, Eloy De La Iglesia limite sa vision, ses fantasmes et ses excès à l’image d’un Alfred Hitchcock sous le joug du Code Hays lors de sa carrière américaine. Un lien fort se tisse entre les deux réalisateurs surtout que le second est une source d’inspiration forte pour le premier. De La Iglesia est un fervent adorateur du maître Hitchcock reprenant Fenêtre sur Cour et Vertigo pour son précédent long métrage El Techo de Cristal, succès à sa sortie permettant d’enchainer avec La Semaine d’un Assassin où il réitère cette idée de voyeurisme avec ce voisin troublant. 

De son titre sulfureux et frauduleux, Cannibal Man n’est pas la curiosité pointée du doigt éditée insolemment par Artus Films, mais la découverte d’un drame proche du cinéma de Claude Chabrol (souvenez-vous du film Le Boucher avec Jean Yanne) où un homme vrille au cœur d’une spirale meurtrière moite. Un drame gore exploité tel un film d’horreur sans queue ni tête broyé par un système d’exploitation ne sachant que faire de ce film sec, brutal, mais surtout bouleversant. Preuve en est avec ce plan final sur Marcos seul se débattant psychologiquement avec ses actes à l’entrée de la maison des horreurs en attente de son verdict. Que va-t-il devenir ? Nous ne le saurons jamais.

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