Brick : La première folie de Rian Johnson

Présenté au Festival du Film de Sundance en 2005 où il gagnera le Prix Spécial du Jury, Brick s’est, depuis, traîné une solide réputation au sein de la sphère cinéphile. Appartenant au cercle fermé des premiers longs métrages auréolés de plusieurs succès en festivals (il sera nommé pour le Prix John Cassavetes qui récompense les meilleurs films au budget de production inférieur à 500 000 dollars lors de l’Independent Spirit Award de 2006), il a permis à Rian Johnson de se faire repérer rapidement. Le temps de confirmer l’essai en 2008 avec Une Arnaque Presque Parfaite, puis s’enchaîneront les succès critiques et/ou publics avec Looper en 2012, Star Wars, Épisode VIII : Les Derniers Jedi en 2017, A Couteaux Tirés en 2019 et sa suite sortie sur Netflix récemment, Glass Onion. Rian Johnson est de ces réalisateurs qui divisent. Certains crient au génie lorsque d’autres déplorent totalement plusieurs aspects de son métier tant au niveau de la mise en scène que de l’écriture. Nous avions un sérieux penchant quant à notre ressenti concernant ce réalisateur, mais nous attendions d’enfin pouvoir mettre la main sur son premier long métrage afin d’émettre un avis définitif. Maintenant que Brick est disponible via Shadowz, nous pouvons enfin avoir un regard complet sur la filmographie actuelle de Rian Johnson. Nous avons tenté de nous armer de notre meilleure plume afin de vous retranscrire notre ressentiment le plus précisément possible, ce pourquoi nous avons opté pour une forme de lettre épistolaire…

Lycéen d’une intelligence hors norme, Brendan Frye est un garçon solitaire qui préfère se tenir à l’écart de ses camarades. Jusqu’au jour où son ex-petite amie, Emily, tente de reprendre contact avec lui, avant de disparaître. Toujours amoureux d’elle, Brendan se met en tête de la retrouver.

Très cher Rian,

Voici maintenant plusieurs années que nous guettons ta carrière du coin de l’œil. Nous avons enfin rattrapé notre retard sur l’ensemble de ta filmographie. On ne te cache pas le nombre incalculable de fois où l’on nous a vendu Brick comme un film formidable. Désormais, notre regard est limpide et nous tenons à te féliciter. Quel bel arnaqueur tu es ! Il va falloir nous donner ta recette parce qu’en terme de high concept qui ne va jamais plus loin que son énoncé sur papier, tu es passé maître. Passons rapidement sur ton épisode de Star Wars dans lequel tu filmes l’une des pire courses-poursuites de l’Histoire pendant plus de deux heures. Tu fais fi des rares bonnes idées de l’épisode précédent (et il n’y en avait pas des masses) pour nous offrir l’art d’un spectacle mort. Un vaisseau inanimé, statique, qui prend la fuite aussi rapidement qu’un tétraplégique sous morphine, c’est là ton idée de l’urgence ? Mais gare à nous car notre ami Aymeric veille au grain, et il risque fort de nous taper sur les doigts. Gageons que nous avons compris ton intention : tu veux renverser les codes, bouleverser le confort du spectateur. Te crois-tu suffisamment qualifié pour exploser les codes à ce point ? Tu sais, par chez nous, il y a eu des petits malins qui s’y sont frottés avant toi… Loin de nous l’idée de vouloir relancer le débat sur un type comme Godard, mais les faits sont là quoi qu’on en pense : Godard est resté dans les mémoires, ce que tu ne feras probablement pas. Admettons que tu veuilles vraiment retourner les codes, et au risque de nous mettre tes adorateurs à dos, Looper ce n’était vraiment pas folichon non plus. Sous couvert de déstructurer la façon de mettre en scène un récit de science-fiction, tu en oublies l’essentiel : savoir écrire. Il te tient à cœur de vouloir mettre en scène les histoires que tu écris, grand bien t’en fasse. Sans vouloir te blesser mon petit Rian, il n’y a pas de honte à déléguer parce que tu es vraiment un très mauvais conteur. On en veut pour preuve : tes deux derniers essais qui entendent reformuler la manière d’appréhender le genre du whodunit. La chance que tu as eu avec A Couteaux Tirés était d’avoir de très bons acteurs, parce qu’on avait grillé ton coupable dès le premier tiers du film. Malheureusement, tu t’es fourvoyé dans ta confiance puisque Glass Onion, au dépend de son cast, ne se cache même pas pour nous donner la solution en début d’enquête. Tout est trituré, étiré et déchiqueté pour donner l’illusion d’un récit dense parce que tu sais pertinemment que si tu vas à l’essentiel, tu n’as pas de quoi tenir plus de 40 minutes. Mais, une fois encore, bravo, tu fais un bel arnaqueur, car tout y était depuis Brick.

Pour en revenir à notre intéressé, on te répète qu’on nous a inlassablement dit à quel point ton premier film est formidable. Nous nous permettons une petite nuance si tu le veux bien : ton film est formidablement chiant ! Tu as en ligne de mire le néo-noir comme base de travail, sujet qui nous intéresse. Mais jamais, ô grand jamais, tu n’en comprends la substantifique moelle. De fait, comment veux-tu offrir un nouveau souffle à un genre que tu ne comprends/connais/maîtrises (rayes la mention inutile) pas ? Premièrement, et c’est un fait qui saute aux yeux dès les premières minutes de ton film, il nous est impossible de croire que nous avons affaire à des lycéens. Et puis, pourquoi t’évertuer à placer le récit au cœur d’un lycée de toute façon puisque tu te branles complètement les noix du lieu ? L’environnement dans lequel évoluent tes personnages est terriblement banal pour ton récit, d’ailleurs tu t’en détaches rapidement, preuve que ce n’était pas un choix judicieux. Ensuite, il y a un vrai souci de temporalité dans ton film. On passe d’un lieu à un autre sans vraiment de lien percutant et la nonchalance de tes personnages n’aide en rien. Autant ton héros qui se déconnecte de la réalité peut accuser le coup en justifiant un trouble du spectre autistique, ce qui pourrait légitimer son extrême intelligence, autant tous les autres personnages sont malheureusement soit mal castés, soit mal interprétés. La brute épaisse qui joue des muscles, c’est un peu stéréotypé comme choix, mais ça reste diablement plus plausible face au parrain qui semble s’être trompé de plateau de tournage. Pour le coup, Rian, on ne peut pas t’enlever ton humour. Nous faire croire qu’un fils à maman qui se fait servir son cookie sur une serviette en papier en guise de goûter est un cerveau diabolique, ça ne manque clairement pas d’audace. Mais, une fois encore, pourquoi t’entêter à tout prix à vouloir glisser de l’humour quand il n’en faut pas ? Quel est le but de cette course-poursuite entre Brendan et un assaillant armé d’un couteau qui se termine comme un gag de Tex Avery ? Quel est le message caché derrière la gaudriole ? On le répète, tu as l’art de duper ton monde. Les illuminés qui aiment sentir leurs propres pets crieront au génie. En revanche, les gens de mon espèce se doivent de te faire remarquer combien notre temps est trop précieux pour le perdre à te voir vaquer à ce genre d’inepties furibondes. On te reconnaît des envolées de mise en scène. Certains plans font preuve d’une belle ingéniosité et collent parfaitement au slapstick de la situation comme ce moment où Brendan se laisse tabasser par la brute épaisse. Seulement, fais-toi une raison mon petit Rian, il te faut un vrai coup de main sur comment élaborer un récit solide, maîtrisé et palpitant. Parce qu’il devient urgent de te le clamer une bonne fois pour toute : on en a marre de se faire avoir par tes promesses aguicheuses. On n’en peut plus de croire qu’on va manger une belle et juteuse côte de bœuf et que tu nous serves la même vieille soupe fade et insipide. Ton cinéma est à l’image de notre gouvernement actuel : une sodomie douloureuse non-consentie qu’un simple 49,3 ne suffit plus pour cacher son immense indécence.

Affectueusement, un spectateur lassé par ton inaptitude.

Vous l’aurez compris, Brick est à l’image de tout le cinéma de Rian Johnson : inconsistant, vide de toute construction scénaristique, mais surtout vide d’identification creusée et réfléchie concernant ses personnages. Ne restent que quelques belles idées de mise en scène, mais le tout demeure bien maigre pour en être pleinement satisfait. Le cinéma de Rian Johnson nous indiffère au plus haut point, nous en sommes désormais convaincus.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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