Luther – Soleil déchu : Le retour du flic dépressif

Depuis ses débuts en 2010, la série Luther a su captiver l’attention des téléspectateurs en maniant deux éléments auxquels il est difficile de résister : des enquêtes criminelles bien glauques et Idris Elba, dont le charisme ne cesse d’impressionner, absolument parfait en policier au bout du rouleau, prêt à tout pour arrêter les tueurs qu’il traque quitte à en épouser la noirceur. Sur le papier, pas grand-chose d’original mais le goût du créateur et scénariste de la série Neil Cross pour les meurtriers sadiques et l’investissement total de Idris Elba ont assuré à Luther une certaine popularité même si la série a rapidement trouvé ses limites au terme des saisons 4 et 5, usant et abusant de la carte de la vraisemblance au point de transformer son personnage comme le Batman de Londres, veillant sur la ville et sur ses criminels tous plus dérangés les uns que les autres, se tenant lui aussi un peu plus au bord de l’abîme à chaque enquête sans pour autant être réellement mis en danger.

Avec Luther : Soleil déchu, le film tiré de la série (et disponible sur Netflix depuis le 10 mars dernier), Neil Cross assume complètement la dimension comics de son héros et de son univers. Il ne faudra donc guère s’attendre à ce que tout soit vraisemblable et on n’aura jamais réellement peur pour notre héros, le film se refusant systématiquement à le mettre en danger aussi bien sur le plan physique que psychologique alors qu’il y avait pourtant de la matière avec son séjour en prison (d’où il s’évadera d’ailleurs aussi facilement que le grand méchant échafaude ses invraisemblables plans) et la déchéance de son titre de policier.

Cela dit, une fois que l’on a compris comment le film allait fonctionner, il est difficile de bouder son plaisir tant Soleil déchu est un polar pur et dur comme on les aime avec son héros tourmenté, ses meurtres inventifs, son méchant cabotin (Andy Serkis qui passe visiblement un bon moment dans une partition en roue libre) et ses nombreux rebondissements. Maintenant en haleine de bout en bout tout en nous faisant régulièrement lever les yeux au ciel face à tant de grosses ficelles, le film reste un divertissement hard boiled comme on les aime, nous rappelant aux bonnes heures des polars américains des années 90 une fois que Seven avait créé ses émules. Le charisme de Idris Elba dans le rôle qui lui colle merveilleusement bien à la peau (quel formidable James Bond il aurait pu faire !) achève de rendre le tout hautement recommandable tant l’acteur, n’ayant pas vraiment une glorieuse carrière cinématographique, se montre parfaitement à son aise, embrassant toujours les contradictions et la noirceur du personnage avec une implication qui fait plaisir à voir.

Et si la réalisation n’est pas toujours à la hauteur, le climax a néanmoins la bonne idée de quitter l’Angleterre pour un décor enneigé particulièrement soigné où quelques visions d’horreur bien senties viennent effleurer le récit. L’ennui n’est donc pas de mise et Soleil déchu, tout en exposant en plein jour les évidentes limites avec lesquelles la série jouait, parvient à proposer un divertissement somme toute honorable à condition de lui pardonner ses grosses ficelles. Espérons cependant que les aventures de John Luther ne s’arrêtent pas là tant la conclusion du film, amenant vraisemblablement vers une sixième saison, pointe le personnage vers une direction inédite. En perspective d’un nouveau souffle ?

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