Link : Gare à l’orang-outan

Sujet de fascination qui a nourri l’imaginaire de nombreux scénaristes : les animaux tueurs ont eu droit à de sacrés chefs-d’œuvre. De King Kong aux Dents de la Mer en passant par des séries B de bonne facture parmi lesquels Piranhas ou encore Razorback jusqu’aux projets les plus farfelus comme Zombeavers (un film avec des castors zombies, littéralement) ou le prometteur Crazy Bear (dans lequel un ours ayant consommé une importante quantité de cocaïne saccage tout sur son passage) qui sort dans nos salles d’ici quelques jours ; les animaux tueurs ont toujours eu le vent en poupe. Dans le haut du panier, un film revient souvent au sein des recommandations. Lauréat du Prix Spécial du Jury lors du Festival d’Avoriaz en 1986, Link vient s’offrir une seconde jeunesse au sein du catalogue de Shadowz. Il était évidemment impensable de ne pas revenir sur le meilleur film (avec Patrick) de Richard Franklin tant il regorge de malice et d’inventivité. Séance Shadowz familiale qui plus est puisque le film s’inscrit dans cette tradition de projets comme Gremlins qui proposent un sous-texte horrifique avec de belles idées de désamorce afin de divertir sans traumatiser. Quoiqu’à la réflexion, Link se doit d’être encadré par un adulte si d’aventure il se retrouvait devant de très jeunes yeux…

Jane Chase, une étudiante en zoologie au collège des sciences de Londres, est engagée par le professeur Steven Phillip afin de s’occuper de sa villa sur la côte. Arrivée sur place, elle rencontre les trois singes qui vivent avec Phillip : Imp (une jeune chimpanzé), Vaudou (une femelle non dressée) et Link, un vieil orang-outan qui fut, jadis, la vedette d’un cirque. Ce dernier fait office de majordome et paraît bien impressionnant. Peu après, le professeur disparaît mystérieusement. Jane se retrouve isolée dans la maison avec Link qui se montre de plus en plus menaçant. Très vite, l’atmosphère devient pesante.

Ce qui rend Link si unique et marquant provient du dressage hallucinant des primates qui cohabitent avec les acteurs. Bien évidemment, Imp impressionne par une fougue débordante, mais la véritable star du film reste Link. L’orang-outan fait preuve d’une humanité à couper le souffle. Richard Franklin n’a d’yeux que pour son antagoniste et il nous le fait savoir à de multiples reprises. Le choix des cadres s’avère toujours payant. Lorsque l’on décortique le découpage technique du film, on comprend rapidement qu’un plan équivaut à une émotion. Tantôt il va capter le regard du singe, tantôt s’attarder sur une action. Tout est fait pour nous faire comprendre immédiatement ce qu’il se joue dans la tête de cet orang-outan si particulier. Avec Link, Richard Franklin conte et décortique ce qui fait une histoire d’amour. Link s’apparente à un orphelin. Malgré son très grand âge, il est en quête perpétuelle d’une image parentale, d’une reconnaissance paternelle et d’un amour maternelle. Doté d’un caractère bien trempé, il ne tolère pas la frustration. Comme un enfant, il défie en permanence l’autorité parentale, quitte à vouloir l’annihiler totalement. Jaloux également, il a bien du mal à accepter une nouvelle fratrie, ce qui sera l’un des éléments déclencheurs de sa folie frénétique. La langage technique doit énormément au film. Comment faire comprendre au spectateur ce qui est en train de se jouer au sein de psyché de l’orang-outan ? Tout simplement avec des effets de mise en scène simples et percutants. En ce qui concerne la direction artistique de Link, il n’y a rien à redire. Une fois encore, l’animal surplombe toutes les séquences qui le mettent en scène. Son aura naturelle est mise en valeur par un sound design de très bonne facture. Ses râles font menaçant, sa respiration transpire le danger et les coups qu’il envoie sur les murs résonnent dans un fracas qui ne rassure pas.

Link instaure un climat oppressant que le film va s’évertuer à alimenter minutieusement afin de ne pas lâcher les chiens trop rapidement. Il y a un lien insidieux qui opère entre Jane et Link. Le moment de bascule provient de la scène de la salle de bain dans laquelle l’orang-outan épie avec une envie malsaine le corps nu de sa mère de substitution. Une séquence qui fait basculer le film vers sa seconde moitié qui n’aura de cesse de relancer les enjeux en utilisant tous les moindres recoins des pièces de la maison. Il y a une double idée du huis-clos qui se dégage du film. D’abord, l’enfermement de l’héroïne dans la maison, qui n’a aucun moyen de locomotion afin de s’échapper. Ensuite, il y a l’isolement de la maison, perchée sur une colline, comme une prison à ciel ouvert. A plusieurs reprises, Jane tentera de s’enfuir à pied et elle sera irrémédiablement rattrapée par un animal (singe ou autre) qui l’obligera à rebrousser chemin. Ce qui rend le film si trépident réside aussi dans la composition de Elisabeth Shue. Elle est bien consciente qu’une chose ne va pas, mais elle ne cède jamais à la panique facile. Ses choix se montrent toujours cohérents, elle nous embarque dans son calvaire avec un jeu toujours très juste. Autre point positif du film, la partition musicale signée Jerry Goldsmith. Le célèbre compositeur confère au film une atmosphère qui conjugue à la fois des thèmes issus d’inspirations de l’univers du cirque et des thèmes bien plus sombres et inquiétants. En dépit du fait qu’il semble se singer lui-même en donnant l’illusion de répéter son travail sur Gremlins, il est le seul élément qui permet au film de ne pas sombrer vers une horreur traumatisante. Lorsque nous évoquions l’aspect familial du film c’était uniquement parce que le score de Goldsmith possède une chaleur réconfortante. Quand bien même nous sommes effrayés qu’il arrive un malheur aux victimes que Link prend en grippe, la musique désamorce bien des situations qui permet au film de rester sur un fil tendu qui ne tombe jamais dans aucun excès.

Link fait toujours mouche grâce aux prouesses animales qu’il filme et l’intelligence de sa mise en scène. Richard Franklin propose un film emprunt d’un immense réalisme qui le rend unique et, de facto, indispensable.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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