Houria : À la pointe des conventions

Après un premier long métrage joliment nommé Papicha (succès d’estime de la réalisatrice néanmoins sans réelle transcendance de notre point de vue cinéphile, ndlr) Mounia Meddour nous revient cette année avec l’intrigant et prometteur Houria, drame familial sur fond de danse classique et de résilience visible dans nos salles obscures dès ce mercredi 15 mars… À l’instar de Papicha ce deuxième essai est de cette race de films portant de belles promesses sur le papier mais s’oubliant finalement assez rapidement une fois leur découverte dépassée.

Clairement orienté du côté d’un certain cinéma français progressiste et indépendant celui de Mounia Meddour n’a toutefois rien d’un Art exécrable et dépourvu de qualités… finissant pourtant de nous décevoir sur la longueur, sans doute par manque d’audaces réelles et de jusqu’au-boutisme souvent bienvenus. Narrant la trajectoire de la jeune Houria, de sa condition de danseuse classique et de femme de ménage tombant malencontreusement sur un individu recherché par les services de police algériens puis perdant l’usage de ses jambes et de la parole des suites d’un traumatisme ledit film bénéficie d’une interprétation sans fausses notes de la part de Lyna Khoudri, impeccable en jeune femme entièrement impliquée dans son Art puis dans sa convalescence ; retrouvant la réalisatrice pour la seconde fois (elle défendait déjà le rôle de l’héroïne de Papicha, ndlr) Lyna Khoudri semble visiblement indissociable du nom de Mounia Meddour tant elle semble s’investir corps et âme dans un univers mêlé de beauté, de violence et de belles revendications sociétales et politiques.

Mais d’emblée – et de manière un rien dommageable – Mounia Meddour affiche une certaine propension à l’esbroufe visuelle lors d’une séquence inaugurale au coeur de laquelle la jeune Lyna Houria Khoudri exécute une série de pointes avec caméra embarquée et contre-jour lumineux à l’appui : on sent la volonté de la jeune cinéaste à vouloir nous plonger sans ambages dans le quotidien de son héroïne, d’être dans le vif de son sujet mais sa stylisation semble bien trop démonstrative et m’as-tu-vu pour emporter notre entière adhésion. En outre bon nombre de thématiques sont esquissées mais survolées par Mounia Meddour, celle-ci tentant un peu vainement de courir plusieurs lièvres à la fois sans jamais aller au bout de ses (belles) idées : un patriarcat algérien qu’il était nécessaire de développer mais à peine évoqué au détour du récit de la mère de Houria (interprétée par l’excellente Rachida Brakni, parfaite en professeure de danse et mère de famille veillant à la carrière prometteuse de ses deux filles, ndlr) concernant son passé de femme automobiliste ainsi qu’un terrorisme ambiant représenté sommairement par la figure de Ali, l’agresseur de Houria. Seule la question de l’exil demeure intelligemment et rondement traitée par la réalisatrice, par l’entremise du personnage de la soeur de Houria : un exil aux issues du reste bien souvent terribles et tragiques, se soldant par la mort des figures concernées…

En empruntant un registre en demi-teinte, à la fois grave et non dénué d’humour dans le même temps (le premier quart d’heure amuse à sa façon bien particulière en retournant le quotidien d’une jeunesse algérienne désœuvrée contre lui-même en la forme d’une leçon de hitisme plutôt savoureuse et comiquement bienveillante) Houria est un film de facture tour à tour honorable mais aussi passablement consensuelle, ne prenant pas la peine de prendre de véritables risques artistiques et idéologiques. Et si par ailleurs ledit métrage souffre inévitablement de la comparaison avec le récent En corps de Cédric Klapisch avec lequel il partage peu ou prou le même schéma narratif (une danseuse en proie à une fracture ou à une agression suivie de longs mois de résilience et de remise en question) il ne parvient pas à en atteindre l’efficacité psychologique ni la portée proprement divertissante, plombée de ce point de vue par une scène finale faisant plus l’effet d’une vidéo institutionnelle qu’autre chose. Un déception relative, ni plus, ni moins.

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