Titan : Petit frère veut grandir trop vite

Dans l’Histoire du Cinéma, le format du court métrage a connu une grande importance tout au long de l’évolution du médium. Au temps du muet et des premières expérimentations cinématographiques, le format long n’existait pas encore et les premiers magiciens du Septième Art ont commencé par inventer et créer à travers le format court. Plus tard, dans l’Amérique des années 40, 50 et 60, le format court était surtout destiné aux films d’animations : les célèbres cartoons de Tex Avery et d’un certain Walt Disney, encore au début de sa carrière. Aujourd’hui, ce sont les plateformes de streaming, et particulièrement Netflix qui remettent le format du court métrage au goût du jour, notamment avec des séries d’anthologie aux épisodes indépendants comme l’extraordinaire Love Death and Robots ou la récente Guillermo del Toro’s Cabinet of Curiosities. En clair, le format du court métrage, bien que devenu mineur par rapport à son frère le long métrage et sa sœur la série, reste une composante importante du paysage cinématographique mondial. Un de ces atouts est qu’il constitue la carte de visite de nouveaux auteurs comme Valéry Carnoy, réalisatrice de Titan, un court métrage qui était éligible aux Césars 2023, mais qui malheureusement n’a pas été retenu dans la sélection finale.

Brutal, froid et naturaliste sont les trois mots qui permettent de qualifier ce film d’une vingtaine de minutes traitant de l’enfance perdue. Nathan, surnommé Titan (Mathéo Kabati), est un jeune garçon de treize ans embarqué par son ami Malik (Killyan Guechtoum Robert) dans un rituel violent pour prouver sa force et impressionner des délinquants. En moins d’une demi-heure, Valéry Carnoy arrive à dresser un portrait universel de la bascule de l’innocence vers l’obscurité, de la pression de la masculinité toxique qui pousse à des actes de criminalité. Grâce à une esthétique proche du documentaire, une couleur froide et métallique et des décors oscillants entre la campagne française et les friches industrielles, la réalisatrice évite le piège d’un autre film de banlieue. Tout le film est construit comme un léger décalage avec ce genre typiquement français à l’esthétique très marquée, à commencer par ses acteurs.

Quatre personnages masculins, très jeunes (entre 13 et 15 ans) constituent le principal casting de ce court métrage. Le choix de garçons si jeunes permet d’adapter un propos sur la délinquance juvénile, en confrontant le spectateur à des personnages fragiles de pré-ados, à peine touchés par la puberté. Le message est celui de l’espoir, la jeunesse devenant l’ouverture des possibles, et donc un frein à la fatalité qui les guette et les condamne à un destin carcéral ou criminel. Valéry Carnoy filme le moment où il n’est pas encore trop tard pour renoncer et changer de voie, comme en témoigne la conclusion du film dont il est ici question.

Autre décalage qui démarque son œuvre des films de banlieue est le choix de son décor. Sans situer précisément son intrigue, elle sous-entend un lieu plutôt rural qui élargit l’horizon du genre au-delà des banlieues parisiennes. Bien évidemment, ces lieux demeurent le théâtre d’injustices sociales et de colère générationnelle, mais ils ne sont pas les seuls endroits où germent le désœuvrement et la violence en France. La réalisatrice parle d’un autre public, d’une autre partie des citoyens qui n’ont pas les mêmes réalités urbaines que celles des habitants des banlieues.

La réalisatrice nous propose un concentré d’émotions et d’humanité, avec des acteurs enfants dont le jeu est criant de vérité et un personnage principal qui porte sur son corps toutes les contradictions de l’identité en pleine construction : la force et la faiblesse, le courage et la peur, la fierté et la honte.

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