BDE : Very bad bronzés font du ski

Est-ce que les plateformes de SVOD sont en train de devenir les nouvelles salles de cinéma ? Question qui revient régulièrement au cœur des débats depuis l’épidémie de COVID-19 et qui soulève moult interrogations depuis. S’il était étonnant de voir de grands réalisateurs céder aux offres de ces dernières, il n’est pas moins rare d’y retrouver des réalisateurs aux réputations plus « modestes » s’essayer à l’exercice. Ainsi, Michaël Youn et ses habituelles 600 000 entrées (en moyenne) s’est vu « privé » de salles obscures pour voir atterrir son dernier projet directement au sein du catalogue Amazon Prime Video. A en juger par le sujet de son dernier film, BDE possède, sur le papier, tout ce qu’il faut pour taper en plein cœur la cible des spectateurs qu’il vise. Résolument adressé aux adolescents et jeunes adultes, il n’est pas étonnant qu’un service de consommation utilisé principalement par cette niche de spectateurs fasse appel à des réalisateurs comme Youn afin d’embellir leur catalogue. Est-ce que le projet ravira le public cible ? Rien n’est moins sûr.

Bob, Max, Vinz et Romane, quatre potes, se sont rencontrés en école de commerce en 2001. A l’époque, ils dirigeaient le Bureau Des Étudiants (le BDE) et rêvaient de changer le monde. Mais vingt ans plus tard, ils n’ont rien changé du tout et la vie les a même un peu séparés. Heureusement, quoiqu’il arrive, ils se retrouvent tous les ans pour un week-end régressif de fête, le week-end « BDE ». Cette année, direction le ski à Val Thorens dans le magnifique chalet que Bob a piqué à son beau-père sans le lui dire. Mais, ironie du sort, en station, ils tombent sur les 150 étudiants enragés de leur ancienne école en plein Spring Break. Entre duel de générations et fontaine de jouvence, anciens et nouveaux étudiants vont partir dans une nuit de folie apocalyptique et mettre la station à feu et à sang.

Vous avez aimé Divorce Club et ses quadragénaires paumés qui s’adonnent à des orgies festives démesurées ? Vous adorerez détester son remake avec BDE. S’il a rarement eu vocation à changer son fusil d’épaule du point de vue de son humour, Michaël Youn possède cette aura sympathique qui lui est si chère et qui nous réconforte en tant que spectateur. Nous savons délibérément où nous mettons les pieds (et c’est souvent dans la gueule !) et n’attendons pas spécialement grand chose de sa part si ce n’est de nous divertir le temps de son film. Comme d’habitude, Youn réunit ses éternels acolytes et s’entoure des meilleurs comédiens du moment pour le suivre dans des aventures rocambolesques qui, même si elles ont le mérite d’offrir de vrais moments de rigolade, montrent néanmoins un sacré essoufflement. Michaël Youn ne se cache pas pour asséner toutes ses références comiques afin d’appuyer les situations qu’il met en scène. D’une parodie de Terminator 2 aux Bronzés Font Du Ski en passant par Very Bad Trip, Projet X et toutes les autres comédies US dans lesquelles une situation festive tourne au cauchemar, BDE s’inspire d’un éventail populaire qui a su faire ses preuves et qui possède bon nombre de disciples. Pour autant, est-ce que BDE donne envie d’y revenir par la suite ? Rien n’est moins sûr. Michaël Youn grossit absolument tous les traits de ses personnages au point d’en devenir risible à défaut de vraiment se moquer avec bienveillance. S’il nous ressert sa vieille imitation de Hitler, ce n’est que pour nous faire oublier à quel point sa parodie de la famille juive qui a réussi dans les affaires est absolument ratée. Gilbert Melki nous fait même oublier comment il pouvait être savoureux dans La Vérité Si Je Mens tellement il ressemble à un ersatz de Scarface paumé en plein cœur du Marais. Quand bien même il a été reconnu comme une force d’écriture chez Youn que de pousser les potards au maximum sur la caractérisation de ses personnages, on aurait pu lui pardonner la mauvaise écriture de sa bande de potes quadragénaires s’il y avait eu une vraie composition en face.

BDE cherche à reproduire la douce saveur cocasse d’un choc des générations sauce Nos Pires Voisins sans jamais en adapter les codes inhérentes à une fête étudiante française. Nous ne doutons pas que le modèle américain du Spring Break compte pour beaucoup dans l’élaboration des fêtes étudiantes actuelles, mais jamais Youn ne s’approprie le sujet pour y insérer des vannes ou des situations proches de notre culture. Il se persuade qu’un comique visuel vaut mieux qu’une vraie écriture. Rayane Bensetti qui se balade avec une prothèse lui octroyant un énorme pénis, c’est drôle une fois, mais lorsqu’il ne s’agit que de son seul attribut comique, ça fait un peu léger. Il en sera de même pour chacun des protagonistes principaux de la bande de jeunes. On ne coupera évidemment pas au dealer accro à toutes les drogues qui existent sur Terre, la teufeuse toujours collée aux platines, au souffre-douleur qui ne doit son existence qu’aux humiliations qu’il accepte de subir… Le tout est enveloppé dans une liberté sexuelle qui, certes, prône un amour libre et sans dictat d’orientation sexuelle, religieuse ou ethnique, mais qui n’en fait jamais un vrai sujet qui prête à la réflexion. En gros, les jeunes ont soif de liberté et l’assument pleinement, et Rayane Bensetti a une grosse bite ! C’est tout de même plutôt léger pour un choc générationnel qui doit se montrer mémorable. D’autant que le film bascule dans sa moitié afin d’unir les deux camps contre d’autres détracteurs qui, eux, ne sont pas en reste non plus. Entre les gitans complètement lessivés des neurones et la mairesse autoritaire (Virginie Hocq est impeccable par ailleurs), Youn se lance dans une course à l’autodestruction qui semble sans limite. Bien sûr, BDE sent le vu et revu à plein nez et les vannes ne volent pas haut… Et pourtant, affirmer que nous avons passé un mauvais moment devant BDE reviendrait à affirmer que nous adorons nous insérer des fourmis dans l’urètre : c’est totalement faux. Oui, nous avons ri, oui, nous avons aimé retrouver des comédiens comme Héléna Noguerra ou Lucien Jean-Baptiste en roue libre, mais, non, BDE ne saura pas satisfaire amplement son public cible. Autant il ravira les fans de Michaël Youn de la première heure et ceux à l’aise avec son humour régressif, autant il passe complètement à côté de son sujet en y restant inlassablement en surface là où il avait un gigantesque matériau de base pour nous concocter des réflexions acides sur l’état actuel du monde et des stéréotypes qui s’en dégagent…mais, heureusement, Rayane Bensetti à une grosse teub !

BDE est le succès du moment sur Amazon Prime Video, c’est un fait. Seulement, comme la plupart des films du catalogue qui rencontrent un sérieux succès, il finira par prendre la poussière au fond d’une liste longue comme le faux sexe de Bensetti et nous n’entendrons plus parler de lui par la suite. Michaël Youn a la capacité de pouvoir réunir de vrais bons artistes. Il sait écrire de vraies tranches de vie qui ont du mordant. Il sait doser subtilement, parfois, son humour bas du front. A quand LA comédie qui mettra tout le monde d’accord ? En attendant qu’elle arrive, nous nous contenterons de vous affirmer que Rayane Bensetti possède une immense verge !

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