The Children : Massacres en couche-culotte

On ne va pas se mentir. La période des fêtes de fin d’année possède une autre saveur lorsque l’on avance en âge. D’abord, il y a l’insouciance de l’enfance et la joie d’être recouvert de cadeaux sous le regard bienveillant de ses parents. Ensuite viennent l’adolescence et la vie de jeune adulte pour lesquels tout devient prétexte à faire la fête pour peu qu’une bonne biture soit au cœur du projet. Et puis, il y a le fameux tournant qui ne pardonne pas, l’approche de la trentaine où l’irrépressible envie de partager Noël avec ses propres progénitures devient l’ultime quête. Pour le réalisateur britannique Tom Shankland, voilà un modèle courant de la vie qu’il réfute totalement et son second long métrage, The Children, en est la parfaite illustration. Sorti récemment au cœur du catalogue de Shadowz, on se congratule de voir ce film refaire surface dans une période de notre propre vie où nous nous retrouvons confronté à ce fameux stade de la trentaine avec une petite tête blonde de plus dans notre vie là où nous n’avions pas revu le film depuis sa sortie en salle en plein cœur de notre période fiesta à foison. L’occasion pour nous de revisiter un film qui en a dans le ventre, qui n’a pas peur d’y aller frontalement avec son sujet, mais qui se révèle bien plus malin qu’il n’y paraît. Attention aux estomacs fragiles, The Children est de ces séances Shadowz qu’il faut appréhender au bon endroit, au bon moment et accompagné des bonnes personnes.

Deux familles se réunissent dans une maison à la campagne pour célébrer les fêtes de Noël. Un havre de repos pour les parents, un parfait terrain de jeu pour les enfants. Très vite, ce moment privilégié prend une tournure qu’aucun des adultes n’aurait pu envisager : leurs propres enfants, sous l’effet d’un mal mystérieux, se retournent contre eux avec une cruauté et une ingéniosité implacables.

La Malédiction, Le Village des Damnés, Chromosome 3, Les Démons du Maïs ou plus récemment The Innocents… Rares sont les films qui ont osé aborder l’horreur de manière primaire en la mettant entre les mains de très jeunes enfants. S’il est plus « conventionnel » de confier une telle tâche à des adolescents, montrer délibérément des enfants massacrer froidement leur prochain est à peu près aussi risqué que de s’essayer à la pratique de la sodomie juste après avoir mangé épicé : l’excitation peu rapidement tourner au fiasco et laisser de sérieuses traces indélébiles. Pour The Children, il est étonnant de remarquer l’immense aplomb dont fait preuve Tom Shankland. Il instaure un climat poisseux et dérangeant, fait monter la pression avec une minutie chirurgicale, flirte sans cesse avec l’image de trop sans jamais céder au piège. S’il y a bien une qualité évidente qu’on ne peut pas enlever à The Children c’est la précision de son montage. Dynamique et nerveux, il se montre, paradoxalement, réfléchi et posé et sait prendre le temps de faire naître l’effroi chez son spectateur. Les coupes font mouche à chaque fois. Certes, vous allez assister à des séquences où des enfants torturent leurs parents. Certes, vous allez assister à des ripostes qui entraîneront les morts, brutales, de certains des enfants. Seulement, Shankland compte sur la force de son montage et le pouvoir de votre imagination pour recréer les quelques dixièmes de secondes qu’il ne dévoile jamais, lui permettant de rester sans cesse sur un fil tendu et qui ne fait jamais basculer le film dans un voyeurisme qui aurait été insupportable et simplement gratuit. De plus, si vous vous attendiez à un simple slasher, sachez que vous êtes loin du compte.

The Children a beau ne durer que moins de 90 minutes, il renferme une ribambelle de thématiques que son réalisateur s’attarde à développer. Le film prend le temps pour construire ses personnages. Les adultes vont, en quelque sorte, mériter leur funeste destin. The Children aborde l’irresponsabilité de certains parents sans prendre de pincettes. A commencer par le beau-père qui rejette sa belle-fille par simple dédain puisqu’il est incapable de sonder les maux qui la ronge. Ce même dédain qu’il reporte sur son propre enfant qui montre des signes de troubles autistiques qu’il se persuade pouvoir soigner par une médecine chinoise miraculeuse et expérimentale. Sa femme qui ferme totalement les yeux sur l’attitude abjecte de son époux dans le but de protéger ses enfants. Les deux forment un couple au bord de la défaillance qui vient se confronter à un autre couple qui paraît sain, mais qui cache de gros défauts également. Lui veut se donner l’image de l’oncle sympa et décontracté alors qu’il nourrit secrètement une attirance plus qu’ambiguë pour sa nièce de 16 ans (il ne serait pas étonnant qu’elle soit le fruit d’une adultère entre lui et sa belle-soeur, mais le doute persiste et demeure flou). Quant à son épouse, elle est le prototype de la mère ultra protectrice, qui couve ses enfants plus que de raison, qui ne croit pas aux punitions mais plutôt en l’autonomie de ses bambins sans s’apercevoir qu’elle les abandonne en permanence et n’entend pas les avertissements du danger qui guette sa cadette. Face à un monde adulte qui délaisse clairement les problématiques inhérentes à n’importe quel enfant, quelle est la réponse la plus radicale ? Une révolte virulente à l’image du mal psychologique infligé par les adultes. S’il y a un prétexte dans le film qui évoque un certain virus transformant les enfants en monstres, on ressent rapidement que ce mal est plus pernicieux et bien plus profond. Toute cette analyse, nous la devons au fait que Tom Shankland prend le temps de préparer le terrain. Il n’est pas intéressé par la violence graphique, il veut nous bousculer et nous faire comprendre pourquoi il y a une violente réponse de la part d’êtres censés incarner l’innocence. S’il démarre comme un film d’horreur psychologique, The Children convoque fièrement le slasher ainsi que le home invasion afin de nous entraîner dans un dernier acte brutal et sans concession histoire d’enfoncer définitivement le clou des propos qu’il défend.

The Children est un film qui explore moult thématiques et qui se montre terriblement moderne dans sa façon de concevoir l’abandon parental. Les adultes en prennent sacrément pour leur grade et Tom Shankland ne se prive jamais pour dresser le portrait d’odieux personnages qui méritent ce qui leur arrive. L’efficacité du film doit énormément à son montage dirigé d’une main de maître et son intelligence à toujours vouloir nourrir le malaise sans jamais aller chercher le voyeurisme. Quel dommage que Tom Shankland n’ait pas réitéré l’essai par la suite, préférant se cantonner à la réalisation de nombreux épisodes de séries télévisées parmi lesquelles The Leftovers, House of Cards, Luke Cage ou plus récemment Le Serpent sur Netflix qui viennent gonfler un CV sur lequel il manque cruellement un troisième long métrage qui viendrait confirmer qu’il est un réalisateur qui compte dans le paysage horrifique. Tom, reviens, le cinéma d’horreur a besoin de ton radicalisme !

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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