Night Shot : Angoisse nocturne en plein Sanatorium

L’horreur n’est pas le genre de prédilection en France bien que les productions dans le domaine soient souvent de belles propositions. Et malgré tous les samedis animés par le contenu de la plateforme Shadowz sur le site, il faut admettre que les films français y restent assez discrets. C’est pourquoi aujourd’hui, il nous a semblé intéressant de revenir sur une petite pépite française et fière de l’être en ce long-métrage nommé Night Shot. L’histoire se déroule au sanatorium d’Aincourt. Une blogueuse (Nathalie Couturier) adepte des urbex nocturnes décide d’emmener son cadreur (Hugo König) dans un trip urbain aussi insouciant que dangereux. Une seule contrainte, ne jamais couper la caméra.

Hugo König, qui est aussi le réalisateur, s’impose deux choix pour son film. Le premier est assez évident puisqu’il s’agit de filmer en direct une visite d’un lieu abandonné, Night Shot est donc un film found footage. Le second est qu’il s’agisse d’un seul long plan séquence d’une heure et demie sans trucage. Ils ont ainsi passé plusieurs nuits à filmer des prises entières dans le noir jusqu’à avoir la bonne prise. Et si le sous genre found footage est assez fréquemment utilisé et rapidement casse-gueule, le doubler d’un plan séquence est d’autant plus impressionnant.

À vrai dire, rien qu’avec ça, la production force le respect. Night Shot ne renouvellera malheureusement pas le found footage mais il peut effectivement être fier de sa prestation, d’autant qu’il s’agit d’un film à budget restreint et que cela se ressent. Il n’y a donc pas ou peu d’effets spéciaux ni de CGI. Tout est réel et fait à la main. C’est alors une véritable chorégraphie à laquelle se livrent les protagonistes. Tel un jeu de piste dont ils subissent les indices plutôt que de les suivre, Nathalie et Hugo avancent et traversent les pièces au gré d’évènements de plus en plus angoissants. Le réalisateur n’a pas à rougir face aux plus grands classiques du genre auxquels son film est souvent comparé. Le Projet Blair Witch a complètement défini le genre et [REC] possède un budget nettement plus important, au même titre que Grave Encounter.

Dans sa conception, il est vrai, Night Shot n’apporte que peu de choses au genre. On remarque notamment qu’il y a une part d’improvisation et d’hésitation pour la blogueuse comme pour le cadreur. Comme il s’agit de jouer une véritable partition, cela implique une certaine organisation dans les déplacements et un sens du timing optimal. De fait, les hésitations de jeu, les pertes de rythmes, les déplacements et gestes parasites ne sont pas gênants. Au contraire, ils apportent une forme de véracité au film qui le rend d’autant plus crédible. Les amateurs de chaînes youtube d’Urbex le savent, les youtubeurs en question ne sont jamais des acteurs. Nathalie Couturier s’en sort donc admirablement bien et ses potentielles erreurs de jeu renforcent finalement son rôle. Par ailleurs, l’environnement ultra-angoissant d’une zone désaffectée, de nuit, plonge le climat dans une frayeur encore plus palpable.

Paradoxalement, c’est plutôt le réalisateur qui a du mal à se plonger complètement dans son rôle. L’exercice est certainement plus difficile pour lui malheureusement, mais il manque certains aspects les plus fondamentaux de l’urbex. En dehors des youtubeurs à sensation forte qui font facilement l’impasse sur les passages les moins sensationnels, ce sont avant tout les décors, l’environnement, l’histoire visuelle et les lieux qui sont intéressants à voir. Les Youtubeurs urbex ont en général ce désir de filmer tout sur tout pour rendre compte au maximum de ce qu’ils voient, ici, le long-métrage manque de véritable contemplation. La nuit n’aide pas évidemment et le film est en vision nocturne noire et blanche, empêchant de profiter pleinement des vues extérieures notamment. Cependant, Hugo König fait trop souvent l’impasse sur les zones inintéressantes, trahissant parfois l’attente d’un événement à venir. Même une salle prétendument vide et sans issue aide à l’immersion et à se figurer le lieu, son passé et son architecture. Par ailleurs, il centre trop fréquemment son cadre sur son accompagnatrice, ce qui nuit par instant au naturel de la situation. Par exemple, lorsque l’on entend un bruit derrière soi, n’importe qui de sainement constitué se retournerait en un quart de seconde. Certainement pour les besoins de la mise en place des évènements, le cadreur prend du temps avant de filmer l’endroit suspect. Une contrainte difficilement esquivable lors d’un plan séquence sans effets numériques, mais qui malheureusement peut frustrer le spectateur à quelques reprises.

Dans le fond, il s’agit d’une production qui reflète assez fidèlement ce que n’importe quel vidéaste faisant de l’urbex serait capable de proposer. Le lieu est bien trouvé pour offrir une vraie perte de repère, même au spectateur, et jouer sur la mise en scène. Les protagonistes tournent en rond sans vraiment qu’on se rende compte à quel point il s’agit d’un labyrinthe. Il y a même un effet de caméra au milieu du long-métrage qui se produit sans qu’on se rende compte du changement, avec un artifice parfaitement imperceptible. Les plans sont plutôt bien étudiés, car il y a souvent de longues distances pour des profondeurs de champs qui laissent place à l’imagination sur des évènements qui pourraient survenir. Tout cela aide à instaurer ce climat angoissant et anxiogène. Il s’agit réellement du scénario le plus cauchemardesque que n’importe quel urbexeur pourrait vivre et que n’importe quel internaute espère voir en lançant une vidéo d’urbex.

Le scénario esquive d’ailleurs avec brio le piège dans lequel tombent tous les films en found footage, à savoir l’irrationnel. L’urbex est également une admirable excuse à la chasse aux fantômes et au spiritisme. Des éléments qui ont une fâcheuse tendance à réduire l’angoisse à de simples éléments surnaturels auxquels les plus sceptiques et pragmatiques ne croient pas. La peur se joue plus facilement de ce qui est incertain, mais crédible, or si tout devient surnaturel, on ne peut plus croire en rien, ni en la peur. Sur ce point, Night Shot prend particulièrement aux tripes. L’attente, l’expectative, l’absence de sensationnel nous tend et nous pétrifie devant l’écran. Chaque petit détail n’en devient que plus glaçant et vous remercierez le réalisateur de pouvoir regarder le film sur une plateforme comme Shadowz plutôt qu’au cinéma. Même si vous éteignez la lumière de votre chambre ou de votre salon, ce n’est pas dans une salle obscure que vous pourrez appuyer sur le bouton pause pour reprendre votre souffle. Ce qui régit toutes les vidéos d’urbex est la rationalité de ce qui semble inexplicable. Un bruit qui grince ? Le bois est une matière vivante. Un cri dans la forêt ? Celle-ci est peuplée d’animaux dont on ignore parfois les cris. Un murmure au bout du couloir ? Le souffle du vent est une note de musique que beaucoup d’instruments connaissent. Une pierre qui tombe ou une porte qui s’effondre ? Quand la nature reprend son droit, une bâtisse n’a pas besoin d’être vieille pour se désagréger rapidement. Vous l’aurez compris, tout ce qui échappe à notre clairvoyance dans un contexte d’effroi est un argument supplémentaire pour justifier l’injustifiable. Le pire scénario n’est souvent rien d’autre que la rencontre malencontreuse d’individus mal intentionnés. Vous découvrirez donc ici que chaque élément peut s’expliquer raisonnablement. Même si certains passages paraissent totalement invraisemblables, de l’ordre de la manifestation d’une entité malveillante, rien ne prouve son existence. Jusqu’au plan final, tout peut être perçu comme crédible et réaliste.

La narration quant à elle est plutôt propre. La blogueuse nous raconte l’histoire du lieu avec beaucoup d’aisance et de clarté. Elle parsème son récit de légendes difficilement vérifiables, mais tout à fait vraisemblables. De toutes manières, ce ne sont que des légendes, peu nous chaux de savoir si elles sont réelles ou non, l’important est qu’elles soient suffisamment crédibles pour renforcer le folklore du lieu en question. Il y a en revanche un point sérieusement imputable sur la mise en scène générale du film concernant l’interaction avec les fameux viewers. Nathalie intime à de multiples reprises les viewers de commenter et de regarder en arrière s’ils n’ont rien vu d’étrange. De plus, Night Shot est largement vendu comme étant une exploration live. Le problème étant qu’ils n’utilisent jamais leurs téléphones, qu’ils n’ont aucun moyen de vérifier le nombre de viewers et leurs interactions avec le chat (système de communication), ni si le live fonctionne toujours. Il s’agit là d’un assez gros bémol dans la mesure où un live, quelqu’il soit, est majoritairement régi par les interactions avec son public. S’il n’y en a pas, autant alors se contenter d’une simple vidéo enregistrée, montée et uploadée. Ajouter un nombre de viewers et une interaction avec eux peut à la fois relancer l’intrigue et ses enjeux, et mettre le spectateur dans une position totalement différente. Il devient ainsi lui-même un viewer, et est donc directement impliqué dans le processus. Cette mécanique pourrait instaurer un jeu entre ce que le spectateur voit et que les acteurs ne voient pas et ainsi relancer ou multiplier les intrigues, en plus d’approfondir le genre found footage qui manque cruellement de renouvellement. En plus de cela, il est de notoriété publique maintenant que les internautes sont de vrais sociopathes lorsqu’il s’agit de débunker une situation ou découvrir une zone géographique. Leur débrouillardise efficace et organisée aurait pu amener une trame de fond supplémentaire dantesque. Dans la même lignée, le plan final aurait pu être plus travaillé. Bien qu’il soit relativement tétanisant tel qu’il est, le couper une seconde avant et allonger l’attente aurait décuplé son impact. Le film joue pourtant régulièrement sur la suggestion, c’est assez surprenant de le voir ici succomber au spectacle plus qu’au frisson. En franchissant le pas de cette conclusion, il libère le spectateur de cette emprise et achève l’ambiance horrifique, même si visuellement, la scène jette quand même son petit frisson.

Comme on aime parfois chipoter, on terminera sur un tout petit détail quant à la scène d’introduction du long métrage. Night Shot démarre en plein milieu d’une embrouille entre la blogueuse et son cadreur. Une entrée en matière surprenante dans le monde des vidéos sur internet, l’effet est effectivement assez rare. Cependant, cette scène jette le film dans une sale ambiance et rebute instantanément le spectateur. C’est peut-être inhabituel, mais risqué de commencer son film dans ce genre de contexte un peu morose. À part cela, il s’agit tout de même d’une prouesse notable avec une ambiance particulièrement glauque et bien menée. Pour les plus méfiants d’entre vous, sachez que la même année, sur une autre plateforme bien connue est sorti un film allemand très similaire intitulé Fear Challenge qui est, quant à lui, une véritable déjection inhumaine. Le long-métrage de Hugo König n’est donc pas exempt de défauts, mais le résultat est clairement à la hauteur des promesses. Vous aurez votre lot de frissons à n’en pas douter.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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