Baxter : Confessions d’un bull-terrier

Le chien est le meilleur ami de l’homme, fidèle, obéissant et aimant inconditionnellement son maître ou sa maîtresse. Mais il y a toujours une exception qui confirme la règle, et cette exception s’appelle Baxter. Film réalisé par Jérôme Boivin, dont le scénario est écrit par Jacques Audiard (que l’on n’a plus besoin de présenter), il connaît un échec commercial à sa sortie puis finit par acquérir le statut de film culte au fil des ans. Pas étonnant qu’il soit disponible en ce moment sur la plateforme Shadowz, promotrice de grands crus cinématographiques.

Le film raconte l’histoire de ce fameux Baxter, un bull-terrier dont le spectateur entend les pensées, grâce à la voix-off de l’acteur Maxime Leroux. Dans un récit construit en triptyque, ce chien en pleine introspection va confronter sa vision du monde à celle des trois foyers successifs dans lesquels il sera accueilli. Ce que nous découvrons rapidement c’est que Baxter est un chien plutôt pessimiste et misanthrope qui n’hésitera pas à alimenter sa haine envers des humains au comportement absurde et futile. Grâce à leur proposition pour le moins loufoque, Jérôme Boivin et Jacques Audiard vont adapter le roman noir de Ken Greenhall Des tueurs pas comme les autres. On comprend tout de suite la raison de son échec commercial : Baxter est certainement sorti un poil trop en avance sur son temps. Il s’agit là d’un film qui met en avant une réflexion sur le genre humain, l’intrigue et les personnages constituant ici un prétexte pour la structure de ce discours. Baxter, c’est le genre de film qui ne raconte pas grand-chose, pour finalement en dire énormément. L’assimilation du spectateur au point de vue animal de ce bull-terrier permet d’adopter une posture nécessairement distancée afin d’optimiser cette réflexion et adhérer à l’incompréhension du chien sur les actes dérisoires des personnages qu’il côtoie. Enfermé dans la tête de Baxter, nous sommes bien obligés de reconnaître le manque de sens de nos existences, en tentant de combler certains vides avec des choses sans intérêt et pulsionnelles, bien plus proche d’un comportement animal que de notre prétendue humanité.

Le choix de la construction en triptyque permet au bull-terrier de vivre trois expériences : la première aux côtés d’une vieille dame aigrie et solitaire qui le prend pour son doudou ; la seconde auprès d’un jeune couple solaire et libidineux ; la troisième comme le meilleur ami d’un enfant isolé et misanthrope, exactement comme lui. Cette narration en différents épisodes successifs reprend la forme d’une réflexion existentielle au contact d’expériences vécues. L’opinion de Baxter, qui pourrait devenir aussi la nôtre, va se préciser ou être réfutée au fur et à mesure que ses maîtres très imparfaits se vautrent dans la noirceur de ce qui fait aussi notre humanité. Bien évidemment, en tant qu’humains, nous comprenons certains de leurs actes. Ce que le personnage de Baxter représente, ce serait une sorte de concentré de pessimisme, au sens philosophique du terme, c’est-à-dire la doctrine qui consiste à penser que dans le monde, le Mal l’emporte toujours sur le Bien. Baxter est une jauge pessimiste, qui permet de mesurer à quel point les personnages qu’ils croisent sont méprisables ou non.

Le film de Boivin prend alors la dimension d’une parabole philosophique, au même titre que celles que l’on enseigne au lycée comme L’Allégorie de la Caverne de Platon ou Candide de Voltaire. Qu’est-ce qu’un chien domestique, un être à la fois si proche et si éloigné du genre humain pense-t-il de nous ? Mais le récit doit aussi adopter une forme. C’est par une mise en scène ascétique, oscillant entre les couleurs ternes et grisâtres d’une décharge aux papiers peints pastel des maisons françaises des années 1980, que le discours trouve son enveloppe. De nombreux gros plans sur le bull-terrier viennent illustrer ses pensées en voix-off, le réalisateur prenant le temps de laisser durer ses prises afin de laisser le spectateur entrer dans cet esprit canin. Vous l’aurez compris, Baxter est un film caractérisé par une certaine lenteur contemplative tout à la fois malsaine, qui instille doucement mais sûrement un malaise de plus en plus lourd. Bien éloignée d’une contemplation poétique comme on trouve dans certains films français ou japonais, celle de Baxter tient davantage du voyeurisme. On regarde attentivement et on juge les actes des autres, contaminés par le dégoût du bull-terrier pour ces bipèdes stupides et immoraux, passant d’un extrême à l’autre et sans considération pour ce qui les entoure.

Baxter est un film qui mériterait qu’on s’y attarde beaucoup plus. Il fait partie de cette galaxie d’ovnis cinématographiques qui sont à deux doigts de tomber dans l’oubli alors qu’ils proposent une vision et un discours révélateurs sur l’humanité. Sans vanité ni fioritures, le film tourmente et nous laisse hésitant à propos de nos semblables. Si vous avez un chien, n’hésitez pas à lui demander ce qu’il en pense.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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