Peacemaker : les States par-dessus la troisième corde

Alerte à toutes les unités, Objet Cinématographique Non Identifié en approche. Impact imminent le 30 décembre sur Amazon Prime. Nom de code : Peacemaker. La série spin off du film The Suicide Squad créée par James Gunn et d’abord diffusée sur HBO Max est un hybride à la croisée des genres. Pas vraiment un film de super-héros, un peu de road movie et beaucoup de science-fiction, le réalisateur des deux volets des Gardiens de la Galaxie n’a pas chômé en mettant le personnage de Peacemaker à l’honneur dans cette série.

La série prend place quelques temps après les événements survenus dans The Suicide Squad. Christopher Smith, alias Peacemaker, (interprété par la superstar du catch John Cena) est recruté par une organisation secrète luttant contre une invasion de petits aliens appelés les « Papillons », sorte de grosses libellules qui viennent prendre possession des corps humains pour dominer la planète. Accompagné d’une équipe de bras cassés et manquant cruellement de moyens financiers (on est clairement pas sur un budget Bruce Wayne) Peacemaker n’a qu’un seul objectif : sauver l’humanité. Sous ses airs de pitch simple  la série est loin d’être simplette. Le spectateur qui a aimé The Suicide Squad appréciera le retour d’un des personnages emblématiques du film, dans sa combinaison rouge criarde et son casque rutilant. Dès le départ, James Gunn lance un défi de taille : comment rendre ce meurtrier de masse déguisé en défenseur de la justice assez sympathique pour que le public suive ses aventures sur une saison ? Il aurait pu appliquer les recettes assez classiques de l’anti-héros : soit un mec sombre et badass qui est méchant mais torturé donc on l’excuse (Peaky Blinders), soit un loser qui reprend sa dignité en main en devenant un cerveau du crime (Breaking Bad). Rien de tout ça chez James Gunn : Peacemaker est un concentré de plouquerie machiste doublée d’un tueur sanguinaire qui se définit lui-même selon les termes suivants : « Je chéris la paix de tout mon cœur. Je me fous de combien d’hommes, de femmes ou d’enfants je devrais tuer pour l’obtenir. ». Épaulé d’une équipe de collègues tous plus immoraux les uns que les autres, exceptée la nouvelle Leota Adebayo (Danielle Brooks), le monde s’apprête à être sauvé par une sacrée bande de raclures.

C’est à ce moment-là que James Gunn nous surprend au tournant. En plus d’avoir une intrigue efficace, la série est aussi un moyen visuel et narratif de donner un bon bain d’acide à ce que les Etats-Unis font de pire, c’est-à-dire les suprématistes. Pas de divulgâchage ici, mais sachez que sous couvert d’un bon divertissement, alliant action et comédie loufoque, James Gunn ne fait pas de quartier à la tendance radicale qui sévit aux USA en intégrant à sa série un regard sans concession sur le danger que représentent les groupuscules néo-nazis. Suivant ce propos, il va visuellement à contre-courant du genre très en vogue de super-héros qui focalise généralement son action dans un territoire très urbanisé. Au contraire, Peacemaker se range du côté de l’arrière-pays, en filmant les petites villes isolées et la campagne américaine profonde, nous rappelant qu’elle est un territoire tout aussi cinématographique. Ce choix de discours et ce choix spatial va déjà nous mettre dans une atmosphère délicieusement inhabituelle pour une œuvre se plaçant au sein de l’univers DC Comics, nous prouvant aussi que parfois, le studio de The Batman, Joker et Justice League, continue ses petites tentatives en dehors des sentiers battus.

Mais là où James Gunn frappe vraiment un grand coup, particulièrement avec ce genre de personnage, c’est dans son traitement de la représentation de la masculinité. Tout au long de la série, le réalisateur va nous faire découvrir par fragments les origines du personnage de Peacemaker et son passé, questionnant d’une façon extrêmement délicate la construction de l’identité masculine et les conséquences désastreuses du machisme. En effet, James Gunn va parfois nous mettre devant un Peacemaker en état de grâce et il va notamment utiliser un ensemble de classiques de glam rock pour révéler les fêlures de son personnage. Même si cet aspect apparaît comme mineur sur l’ensemble de la série, il est un élément essentiel qui, combiné à sa critique des suprématistes, insuffle à Peacemaker un vrai discours actuel sur les Etats-Unis. Masculinité toxique et racisme sont des maux qui vont souvent de pair et James Gunn nous propose un personnage qui refuse d’en faire une fatalité et de laisser ces fléaux le définir. La manière dont le réalisateur va filmer l’ambivalence du corps de son personnage nous amène sur le dernier point important de cette série : and his name is JOHN CENA !!!

Le choix de la star de la WWE pour le rôle de Peacemaker est plus qu’approprié. Même si on ne le comparerait pas forcément à Adam Driver ou Joaquin Phoenix, John Cena n’a pas à rougir de sa performance dans Peacemaker. Au contraire, il fait partie de ces acteurs qui ont eu la chance de tomber sur le rôle qui leur était parfaitement adapté. Il correspond à ce tendre balancier entre balourdise testostéronée et volonté d’émancipation des carcans sociaux. Son corps est un matériau brut travaillé par la caméra de James Gunn qui vient imprimer sur ses muscles les maux profonds des États-Unis (qui devraient peut-être d’abord se préoccuper des émeutes au Capitole avant de s’inquiéter d’une invasion extraterrestre). 

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