16 ans : Guerre et Amour…

Il est grand, un rien taciturne, de scolarité médiocre et de culture judéo-chrétienne, issu d’une famille aisée et socialement très intégrée. Elle est une brillante élève d’origine magrébine et de confession musulmane, belle et rayonnante en dépit d’une famille l’empêchant de s’épanouir relationnellement. Ils sont jeunes et viennent d’arriver en classe de seconde d’un modeste lycée de la région francilienne, s’apprivoisent rapidement pour mieux tomber amoureux l’un de l’autre, beaucoup, passionnément, à la folie, passant outre les préjugés de classe et de culture de leur famille respective… S’ensuivra un drame social aux allures de fable shakespearienne incandescente et inoubliable, aux enjeux particulièrement solides et conséquents, drame au coeur duquel cet amour impossible nous réservera l’un des meilleurs films de cette année, visible dans nos salles obscures à partir du mercredi 4 janvier 2023 et d’ores et déjà découvert lors de la dernière édition du Festival du Film d’Angoulême dans la catégorie Les flamboyants.

Dernier long métrage du bienvenu Philippe Lioret 16 ans fait pratiquement figure de – n’ayons pas peur des mots – petit chef d’œuvre de cinéma lyrique, passionnel et passionnant portant l’intégralité de ses interprètes au rang de montagnes dramatiques et dramaturgiques. A partir d’un sujet vieux comme le Monde le cinéaste français actualise le mythe de Roméo et Juliette pour mieux disséquer les dysfonctionnements de notre société au regard de cette idylle pure et juvénile, débarrassée de tout préjugé et de tout ressentiment : déclassement sociétal, mépris bourgeois et racisme ordinaire, intégrisme religieux allant de paire avec une frustration sexuelle destructrice et auto-destructrice, violence suburbaine allant jusqu’à une criminalité montant, hélas, crescendo… Philippe Lioret ne laisse strictement rien au hasard sans pour autant se laisser aller à une quelconque forme de démonstration et/ou de didactisme, au gré d’une mise en scène s’effaçant admirablement derrière les nombreux sujets filmés…

Et pour cause : si ce sont Léo et Nora (respectivement interprétés par Teïlo Azaïs et Sabrina Levoye dans leur premier grand rôle au cinéma, pour le pire – et surtout – pour le meilleur, ndlr) qui habitent principalement cette tragédie contemporaine mâtinée de violence le réalisateur de Je vais bien, ne t’en fais pas met un point d’honneur à faire exister chaque personnage de cette fresque de petite – mais resplendissante – mine de cinéma : entre un Nassim Lyès extraordinaire en grand frère haineux mais paradoxalement attachant (l’une des scènes des premières minutes à travers laquelle son personnage est soupçonné d’avoir dérobé une bouteille de Château Margaux dans le cadre de son job de magasinier installe d’emblée la situation tout en témoignant d’une épaisseur d’écriture redoutable, montrant cette figure mi-ange, mi-démon dans toute sa complexité…), un Jean-Pierre Lorit excellent en directeur de grande surface un tantinet veule et in fine humilié par sa hiérarchie ou encore un Arsène Mosca idoine en paternel intégriste et privatif le casting de 16 ans demeure impeccable en tout point, parfaitement crédible et entièrement au service d’un propos et d’un récit duquel le spectateur ne perdra pas la moindre miette.

Très écrit mais aucunement bavard, brillamment réalisé mais jamais prétentieux ni encombré de fioritures dommageables 16 ans se regarde et se vit tel une fable tour à tour intemporelle, universelle et singulière dans le même mouvement d’évidence. Gagnant sur pratiquement tous les tableaux (interprétation, technique, agencement général, etc…) le dernier long métrage de Philippe Lioret fait figure de véritable tour de force, aussi virtuose dans sa vue d’ensemble que dans ses plus infimes nuances. Un mille-feuille.

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