Le Petit Piaf : Rencontre avec Gérard Jugnot et Marc Lavoine

Le nouveau long-métrage signé Gérard Jugnot trouve enfin le chemin des salles de cinéma. Un an et demi après avoir été présenté en grande pompe lors de la 7e édition du Festival du Cinéma et Musique de La Baule, le public hexagonal va pouvoir enfin entendre la voix du Petit Piaf incarné par le solaire Soan Arrihmann. Révélation du film aux côtés de ses joyeux camarades, il trouve en Marc Lavoine un soutien de poids pour participer à un concours de chant. Sans être le film de cette fin d’année 2022, Le Petit Piaf est un divertissement ensoleillé pour une séance bienveillante. Suite à la projection lors du festival, il était hors de question de louper la possibilité de discuter du film en compagnie de son réalisateur star et de son acteur principalement chanteur star au cœur d’un instant joyeux au centre du célèbre hôtel Hermitage de la ville balnéaire qui nous accueillait pour l’événement.

Comment est né ce Petit Piaf ?

Gérard Jugnot : Quand j’ai lu la première version du scénario, j’ai retrouvé des thèmes forts que j’apprécie beaucoup comme la transmission et l’adoption. Puis ensuite l’opportunité de travailler avec Soan que je connaissais à peine qui m’a inspiré. Puis retrouver Marc avec qui je devais faire un film depuis des années et nous avons trouvé enfin le bon projet avec Le Petit Piaf. Puis faut pas se cacher mais tourner une si belle histoire à La Réunion, on ne se donne pas un coup de pied au cul tous les matins (rires)

Vous intéressez de nouveau au destin d’un jeune enfant via ce nouveau film, que recherchez-vous dans cette jeunesse, dans cet espoir de l’avenir ?

Gérard Jugnot : Je me projette dans qui j’étais étant enfant avec ce destin qui aurait pu être contrarié d’un rien, de cette passion que j’avais de faire du cinéma et ça me touche de voir un petit môme comme ça qui d’un coup explose à l’écran, au centre de cette histoire. C’est étonnant car je n’ai pas écrit le scénario à la base et finalement c’est presque autobiographique tant je me retrouve dans le rôle et cette passion dévorante qui l’anime. Le film est devenu personnel alors que je suis arrivé bien après dans sa production, dans sa conception. C’est un film que j’ai adopté. Vous savez, ce qui est marrant, parfois les enfants adoptés ressemblent, même presque physiquement, à leurs parents, et cela s’est passé avec ce film et moi.

Ce qui est fort car Le Petit Piaf est un film miroir de vos films Meilleur Espoir Féminin, Monsieur Batignole dont on capte des connexions…

Gérard Jugnot : Oui c’est vrai, puis ce mélange de rire et d’émotions, de bons sentiments et de bienveillances qui jalonnent tous mes films et se retrouvent ici de nouveau.

Vous avez ce don pour trouver les « Meilleurs Espoirs » entre Bérénice Béjo, Jules Sitruk, Damien Jouillerot ou Soan avec ce film…

Gérard Jugnot : Alors pour le coup ce n’est pas moi qui est trouvé le jeune Soan, mais avec le petit Zakarie ou la petite Ornella, ce sont deux autres enfants qui sont assez épatants. Vous savez c’est magique les enfants. Il faut les trouver et c’est tout l’un ou tout l’autre, on ne peut pas leur apprendre à jouer, ils jouent ou ils ne jouent pas. Après il faut les diriger, faire un travail dessus et c’est passionnant.

Justement quel est votre travail avec eux pour les appréhender, les diriger ?

Gérard Jugnot : D’abord on leur explique ce qu’ils jouent, on leur fait comprendre le personnage, les mots, les sentiments et les motivations. Puis ensuite c’est un mélange de rigolade, de sérieux, avoir parfois un petit coup de gueule pour les recadrer tout en restant gentil, ne jamais les lâcher sans les épuiser, trouver le meilleur en eux… C’est de l’élevage (rires) 

C’est votre première collaboration ensemble au cinéma, comment s’est déroulé l’expérience ?

Marc Lavoine : On en avait envie tous les deux. On avait envie de travailler ensemble depuis des années, il est un acteur que j’adore, mais aussi et surtout un metteur en scène. J’ai vu tous ses films et je les ai adoré. À travers tous ses films on comprend l’homme qu’il est, ils ont une architecture bien définie, les thèmes changent, mais jamais le fond. Il raconte des histoires et j’aime les gens qui racontent des histoires. Donc j’avais envie de travailler avec lui, j’avais été te voir au théâtre il y a 10-15ans et déjà je t’avais dit avoir une attirance pour ton travail et donc je suis content d’avoir réalisé ce rêve. Pour moi un plateau de cinéma avec Gérard Jugnot me rappelle celui que j’ai connu avec Claude Chabrol. Ce n’est pas le même cinéma, mais c’est du cinéma, ils racontent des histoires avec leurs axes propres, leurs propres sens sur des thèmes qui se ressemblent malgré tout. Mais c’est surtout l’atmosphère du plateau, Gérard a réussi de façon génial à créer une adhésion de l’équipe autour de l’histoire, du film lors du tournage. On le suit, on l’aime, on mange tous ensemble, on rit avec lui et tous les acteurs, le moindre rôle a un contact avec lui. Il suffit parfois de travailler un ou deux jours sur un film avec un metteur en scène pour que cela change votre vie. Et je pense que Gérard fait partie de ces gens-là. 

Le Petit Piaf a beaucoup de ressemblance avec Meilleur Espoir Féminin 

ML : C’est un super film que j’aime beaucoup avec Bérénice Béjo. Et Gérard qui a une transformation physique incroyable. J’aime beaucoup son Boudu aussi. Ce qu’il fait de ce nouveau film, Le Petit Piaf, qui n’est pas un film de Gérard au départ, mais il le fait sien au final, c’est assez fort. Le Petit Piaf s’inscrit parfaitement dans sa filmographie de réalisateur, mais aussi d’acteur. Il fait de moi un personnage typique de son cinéma ni bien ni mal, un peu fatigué, un peu râleur et il est transformé par quelqu’un dans le film, à l’image de Monsieur Batignole. Les enfants révèlent toujours le meilleur chez l’homme dans ses films. Et cela fait du Petit Piaf un film signé Gérard Jugnot parce qu’il a habité ce film. Au départ le film se tournait en Afrique et Gérard avait un petit rôle puis quand il en a récupéré la mise en scène, il en a fait un film propre, mais totalement. Ça signifie beaucoup de choses. 

Gérard Jugnot : Mais vous avez raison tous les deux raison, je n’avais pas fait attention. On réalise le film puis ensuite on communique autour du film et on fait comme une psychanalyse de l’oeuvre et effectivement j’aurais pu incarner ce personnage si j’avais été chanteur. Mais Marc le fait formidablement. Il a accepté d’incarner un personnage à la ramasse, alors que c’est un grand chanteur d’une classe folle avec un beau succès. Et au fur et à mesure grâce à cette transmission, il donne mais il va recevoir et il va retrouver l’énergie. C’est cela qui me plaisait dans le film et ses thématiques avec la dépression qui se guérit avec la vie et l’espoir. Le Petit Piaf ramène de la vie chez cet homme seul.

Et comment s’est passé le travail ensemble justement autour de ce personnage ?

Gérard Jugnot : Sans problème, Marc est un type sympa, drôle, généreux… un chanteur quoi ! (rires) parfois il est râleur, parfois hors sol – tu as du mal à te faire un café tout seul (rires) – mais à part ça, il est généreux, mais surtout drôle, très drôle. D’ailleurs j’ai beaucoup ri parce que je crois que tu es la personne que je connais qui sait le plus d’histoire drôle. Il m’en racontait 2/3 par jours et ce n’était jamais les mêmes, c’est fou. Et il les raconte très bien aussi. 

Une petite blague Marc ? (rires)

ML : Pour redevenir sérieux, j’ai appréhendé le rôle comme Gérard me l’a demandé, je me suis laissé faire. Il m’a dit « fait-ci / Fait-ça » j’ai fait-ci et j’ai fait-ça (rires). Il n’y a qu’à suivre le patron, apprendre son texte, et c’est lui qui rythme. L’équipe était extraordinaire, on a jamais refait un plan pour la netteté par exemple. Ce qui est très rare sur un film, cela arrive souvent ailleurs, mais sur celui-ci tout le monde était au point. Une équipe composée de femmes, beaucoup de femmes, notamment à la technique ce qui change et est plutôt rare. C’était assez étonnant. Gérard était un chef d’orchestre et il n’y avait jamais la moindre fausse note. Ce qui est bien pour faire un film sur la musique (rires). 

C’est un rôle proche de vous, enfin dans la position du juré/coach que vous avez été dans The Voice.

ML : Alors bizarrement on m’a proposé le rôle dans ce film avant que je sois dans The Voice. J’avais refusé plusieurs l’émission avant, je ne pensais jamais le faire, puis on m’a proposé ce film et j’ai trouvé cela intéressant. C’est donc grâce au Petit Piaf que j’ai fait l’émission ensuite, que j’ai enfin accepté The Voice. On utilise un code d’aujourd’hui dans ce film et ce n’est pas la première fois que cela se fait, notamment dans Les Choristes. On accepte un rôle et l’histoire nous rattrape dans la réalité. 

Parce que finalement vous n’êtes pas qu’un coach, mais le pivot/soutien de cet enfant qui va réaliser son rêve.

ML : Est-ce l’enfant qui est soutenu ou l’enfant qui est le soutien de cet homme qui chute doucement ? C’est la rencontre entre deux personnes, leurs yeux se croisent et d’un coup se créé quelque chose qui est plus grand que vous-même. Vous êtes abattu, vous êtes dans une sorte d’habitude que vous avez prise, la vie se passe…puis quelqu’un vous regarde et vous fait confiance. De cette confiance, vous reprenez confiance en vous. Le Petit Piaf est un excellent film pour tout cela.

Plus le film avance, plus son personnage s’ouvre au monde extérieur et à cet enfant et plus il devient drôle. La comédie s’installe alors au centre des interactions des personnages

Gérard Jugnot : Oui personne ne le soupçonne, puis il y a le personnage incarné par Philippe Duquesne qui est truculent, amusant. Dans le scénario au départ le film se déroulait en Afrique, mais je ne me sentais pas légitime pour faire un film sur l’Afrique et j’ai eu l’idée de faire d’Hubert qui était Black d’en faire un blanc qui se vit comme Johnny Clegg, comme un Afrikaner. Alors on lui a mis des Deadlocks et il fait un personnage truculent.

Le film devait se tourner en Afrique au départ ? Qu’est-ce qui vous fait pencher pour l’Île de La Réunion, de vous exporter là-bas, de vous inscrire dans cette culture ?

Gérard Jugnot : Quand on m’a passé les rênes du film je ne me sentais pas légitime de faire un film Africain. Je suis français, blanc et on a eu un moment l’idée de le tourner à La Réunion en faisant croire en un pays imaginaire africain. On s’est vite aperçu que c’était une belle connerie. C’était impossible de faire croire en un pays africain avec les paysages de La Réunion. Puis c’est devenu formidable quand on l’a adapté à La Réunion, c’était beaucoup mieux, ça touchait le plus grand nombre, on n’a pu métissé le film avec des Hindous, des chinois, des Français, des Réunionnais, etc. C’est un sacré bordel La Réunion (rire). 

Justement le travail, vous parlez de Philippe Duquesne, comment vous avez travaillé avec lui pour incarner ce chauffeur de taxi nommé Hubert assez succulent, hilarant.

Gérard Jugnot : Philippe a une fibre comique assez épatante. J’avais déjà tourné plusieurs fois avec lui, pour moi c’est un Jean Carmet avec une fibre comique forte. Vous savez la fibre comique ne s’apprend pas. Il faut la « vis comica », après il y a des curseurs à moduler. Si je n’avais pas été metteur en scène, c’est ce personnage là que j’aurais choisi, car il est drôle. Preuve hier à la présentation du film il a cartonné. 

Dans ce nouveau film, vous vous mettez de côté avec un rôle pour fois discret.

Gérard Jugnot : Oui c’est vrai, j’ai le rôle du metteur du scène tout en étant le directeur de l’hôtel où se déroule film. C’est la première fois que j’ai un rôle en retrait dans un de mes films. Il n’y avait pas forcément de place non plus, mais j’aime beaucoup mon rôle de type un peu sage, bienveillant. C’est lui qui arrange les choses, mais il est aussi dans la merde en essayant de préserver l’héritage familiale. C’est un personnage différent et attachant, j’ai eu beaucoup de plaisir à le faire. Vous savez je n’attend rien de plus de faire des choses différentes qui m’amuse. J’ai maintenant passé l’âge de l’ambition et du plan de carrière. J’ai moins peur de certaines choses. Le but est de prendre du plaisir et d’en procurer aux gens.

Merci à Gérard Jugnot et à Marc Lavoine pour ce moment agréable.
Remerciements à Marion Seguis et Jérôme Barcessat de l’Agence Déjà pour la possibilité de cet entretien.

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