Super : Beware the crime !

Si aujourd’hui tous les fans de Marvel connaissent le nom de James Gunn, il fut longtemps chouchouté par une niche bien particulière de cinéphiles. Poulain des écuries Troma, il s’est forgé au cœur de la filière gérée par Lloyd Kaufman dans laquelle il a su faire exploser toute sa folie créative. Fort d’un Tromeo & Juliet jouissivement gore en 1996, il s’est vite tourné vers de plus gros studios. Seulement, James Gunn n’est pas de ceux qui renient leur famille. Qu’importe qu’il tourne pour Marvel ou DC désormais, il y aura toujours une place pour ses anciens camarades de jeu. En 2006, il sort Horribilis et expose aux yeux d’un certain public mainstream tout le savoir-faire de la Troma. Mais James Gunn, en dépit d’un humour ravageur et d’un attrait certain pour le mauvais goût et le body horror, possède d’autres ambitions. En 2010, il enfonce le clou avec Super qui synthétise à merveille toutes ses envies. Passé très inaperçu par chez nous (sorti directement en vidéo), beaucoup pensaient qu’il n’avait rien fait entre Horribilis et Les Gardiens de la Galaxie, et pourtant, au regard de sa filmographie actuelle, Super marque définitivement le grand tournant de sa carrière. Le prestige et la reconnaissance médiatique sont à remettre aux Gardiens de la Galaxie, certes, mais l’imposition de son style, sa fameuse patte, il la doit avant tout à Super. Désormais disponible sur Shadowz, il est grand temps pour vous de faire connaissance avec Éclair Cramoisi.

De son existence de cuistot loser, Frank d’Arbo conserve deux souvenirs heureux : son mariage avec Sarah et le jour où il a dénoncé un malfrat à la police. Il a immortalisé ces deux précieux souvenirs dans deux dessins infantiles qu’il a accrochés au mur de sa chambre. Bientôt, Sarah, ex-toxicomane, quitte Frank pour Jacques, le charismatique propriétaire d’un club de strip-tease qui la fait replonger dans la drogue. Frank sombre dans la dépression et a une vision dans laquelle Dieu touche littéralement son cerveau. Il croit alors que Dieu l’a choisi dans un but très spécial : devenir un super-héros.

Un débat revient souvent lorsqu’il s’agit d’évoquer Super : est-ce un plagiat de Kick-Ass ? Les deux films ont été tournés la même année et James Gunn s’est toujours défendu que cela relevait d’un pur hasard. Ami proche de Mark Millar (le créateur de Kick-Ass), Gunn craignait surtout que son film passe à la trappe compte-tenu de son petit budget. Quant aux similitudes avec Kick-Ass, le réalisateur les balaie d’un revers de main. Certes, les deux films évoquent un super-héros qui n’a pas de pouvoirs. Mais chez Gunn le costume sert de catharsis à un homme qui n’est vraiment pas heureux dans sa vie là où chez Millar, le héros fait l’apologie des personnages des bandes-dessinées qu’il adule. Super porte notamment sa critique sur les relations entre les individus quand Kick-Ass se moque des stéréotypes du genre. En résumé, l’un s’intéresse à l’homme dans le costume quand le second se focalise sur le pouvoir du costume. Fermons la parenthèse de ce débat sans fin puisque les deux films possèdent leurs propres atouts et intérêts. Super est le genre de défouloir anti-conformiste comme on rêverait d’en voir plus souvent. Le cinéma indépendant américain a tenté quelques essais plutôt fructueux lors d’une vague productive à l’orée des années 2010 parmi lesquels on ne peut que vous conseiller de (re)voir God Bless America de Bobcat Goldthwait qui irait à merveille en double-programme avec Super. James Gunn explore des thématiques chères au pays de l’Oncle Sam et tape durement sur les institutions, la religion, le puritanisme ou encore la violence ordinaire. Bien évidemment, nous sommes chez James Gunn, tout est toujours envoyé avec un humour de sale gosse et ne sera pas au goût de tous, nous en convenons. Seulement, à partir du moment où le doigt de Dieu est celui de Rob Zombie, nous estimons pouvoir avaler n’importe quoi tant le niveau d’audace est élevé.

Nous vous le disions en introduction, James Gunn n’oublie jamais les copains. Entre un caméo de Lloyd Kaufman en piéton témoin d’une action violente du justicier et son acolyte, Nathan Fillion en Vengeur Sacré envoyé par Dieu et Michael Rooker en homme de main, il y gravite une sacrée brochette d’acteurs comme Liv Tyler et Kevin Bacon. Mais Super n’aurait pas la même saveur sans son duo de tête : Rainn Wilson et Elliot Page (alors encore crédité en tant que Ellen Page). L’éternel Dwight de The Office campe un Frank à la fois meurtri, désabusé et terriblement attachant. On se surprend à voir l’acteur dérouler un jeu tout en retenu. Il ne sombre jamais dans le surjeu qui le rend si drôle en temps normal, bien au contraire. Il parvient à donner du corps à son personnage et explore toutes les failles de ce dernier non sans céder par moment à des gags visuels qui nous font profiter de ses talents humoristiques. James Gunn parvient à extirper toute la substantifique moelle de son acteur principal et le dirige au firmament de ses capacités, c’est un vrai régal. Le rôle du pitre, il le concède à Ellen Page qui est totalement en roue-libre. Hargneuse, vulgaire et violente, elle devient l’acolyte idéale grâce au tonus et à la fraîcheur qu’elle amène dans le monde de Frank. Page prouve, une fois encore, l’énorme étendue de son talent et nous gratifie de séquences inoubliables à graver au panthéon de ses meilleures prestations. Dès lors que la symbiose entre le duo de tête se montre élémentaire, il ne tient qu’à James Gunn de laisser le champ libre à son imagination. Visuellement, Super tente de très jolis plans. Gunn pâlie son manque de budget par une inventivité folle qui emprunte superbement les codes de la bande-dessinée. Super, par-delà ses discours politiques, est un pastiche emplit d’amour pour le 9e art…avec une exagération des scènes sanglantes qui fait du bien par où elle passe.

James Gunn n’a donc rien inventé lorsqu’il a sorti son gore et distrayant The Suicide Squad, il l’avait déjà expérimenté à merveille sur Super. Encore plus nécessaire que Horribilis, Super se pose définitivement comme la sémantique de tout le travail de James Gunn. Il est impossible d’apprécier un tant soit peu l’univers du bonhomme sans avoir vu Super. Encore une acquisition qualitative pour le catalogue Shadowz qu’on vous ordonne de voir impérativement.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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