Contes cruels du Bushido : La corruption d’un code d’honneur

Nous proposant régulièrement des découvertes filmiques venues du Japon, Carlotta a de nouveau frappé très fort le 20 septembre dernier en sortant en blu-ray et DVD Contes cruels du Bushido, film réalisé par Tadashi Imai et récompensé de l’Ours d’Or à la Berlinale en 1963. Soit une totale découverte pour nous qui n’avions jamais entendu parler du cinéaste (pourtant sacrément prolifique), le film ouvrant pour nous de nouveaux horizons sur une carrière et tout un pan du cinéma japonais qu’il nous reste encore à explorer, témoignant de sa superbe richesse.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Contes cruels du Bushido porte bien son nom. Le film s’ouvre alors que Iikura vient d’apprendre la tentative de suicide de sa fiancée. En rentrant chez lui, il découvre les écrits de ses ancêtres samouraïs et comprend alors que depuis des générations, toute sa famille a enduré des atrocités au nom du code d’honneur du bushido. En effet, soumis à leurs seigneurs, les samouraïs accomplissaient des actes de violence sur leurs ordres mais se retrouvaient souvent à être les premières victimes de ce code détourné à des fins cruelles…

Le film va alors s’appliquer à nous montrer le parcours de cette famille sur sept générations (avec à chaque fois le brillant acteur Kinnosuke Nakamura dans les rôles des chefs successifs de la famille) et à montrer comment ses membres ont souffert de la cruauté des seigneurs, au nom de vertus et de traditions utilisées à des fins tout à fait personnelles… Loin de l’imagerie noble de ce code habituellement véhiculée par le cinéma japonais, Tadashi Imai va montrer combien le code du bushido est vicié et corrompu, permettant aux seigneurs de commettre en toute impunité de nombreuses exactions. C’est ainsi que, un à un, les héros du film connaîtront un destin tragique. Entre le servant soumis aux pulsions et à la jalousie de son seigneur ou encore le samouraï condamné parce que sa femme a refusé de se donner à son seigneur, c’est un enchaînement de récits cruels auxquels nous assistons, parfois médusés par l’audace d’un cinéaste qui tape sur tout le monde, autant sur la corruption des puissants agissant en toute impunité que sur la soumission aveugle et presque stupide des samouraïs refusant de déroger à un code obsolète, préférant mourir plutôt que de vivre dans le déshonneur ou pour la vengeance.

La dernière partie du film, racontant comment la fiancée de Iikura en est venue à essayer de se suicider se montre encore plus féroce. Désormais, les puissants seigneurs ont troqué leurs kimonos d’apparat pour des costumes de grands patrons d’entreprises mais si le monde a évolué, leurs méthodes restent identiques, s’immisçant jusque dans la vie privée de leurs employés pour repousser un mariage ou donner leur avis sur leur couple. Tadashi Imai brosse alors le portrait d’une société corrompue par un système traditionnel favorisant les injustices et les abus de pouvoir, où le fameux code peut être brandi dès que cela arrange les puissants. Un regard acéré, que le cinéaste transcende par une mise en scène dépouillée de tout romantisme, n’hésitant pas à montrer la violence sans artifices dans un noir et blanc épuré auquel la restauration 4K rend parfaitement justice. Un indispensable du cinéma japonais en somme, une fois de plus dégoté par un éditeur au catalogue riche et pertinent !

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