Les passagers de la nuit : Que celle-ci porte conseil…

Nous l’avions loupé en salles au mois de mai, la sortie vidéo du film Les passagers de la nuit chez Pyramide Vidéo depuis le 6 septembre dernier nous permet enfin de le rattraper et de continuer notre exploration du cinéma discret et singulier de Mikhaël Hers dont Amanda nous avait beaucoup séduit en 2018.

Nous sommes dans la France des années 80. Tout juste quittée par son mari, Elisabeth, mère de deux adolescents, doit trouver un moyen d’assurer son quotidien. Elle trouve du travail à la radio dans une émission nocturne animée par Vanda Dorval. Là elle y rencontre Talulah, jeune fille désœuvrée, oiseau de nuit un peu perdu trouvant pour la première fois depuis longtemps la douceur d’un foyer quand Elisabeth la prend sous son aile. Et alors que l’amour frappe entre Talulah et Matthias, le fils d’Elizabeth, cette dernière se sent revivre, prenant pour la première fois de sa vie son destin en main…

Doté d’un très beau titre et d’un beau sujet pouvant vite tourner au mélo surfait, Les passagers de la nuit bénéficie de l’approche délicate et sensible de son réalisateur et co-scénariste. Ne surlignant jamais rien, aucun effet, aucune émotion, Mikhaël Hers se contente de filmer avec tendresse ses personnages. Des personnages pansant en douceur les blessures de leurs vies respectives, tâchant de se construire et de se reconstruire dans un pays en mutation. Il fallait beaucoup de grâce pour raconter une telle histoire avec finalement si peu d’enjeux et s’en sortir avec les honneurs, avec l’impression d’avoir assisté à une formidable tranche de vie et d’avoir partagé beaucoup avec les personnages en l’espace d’1h50. Évitant les dialogues surexplicatifs, laissant à ses acteurs la possibilité d’exprimer beaucoup sur leur visage (à nous d’interpréter le reste), Les passagers de la nuit fait preuve d’une tendresse et d’une mélancolie que l’on pourrait presque palper.

La photographie du film travaille dans ce sens, avec un superbe grain, permettant au cinéaste de créer une atmosphère où la nuit a son importance et de laisser passer quelques fêlures autour desquelles on peut parfois se rassembler, le tout sur une belle partition musicale d’Anton Sanko. C’est aussi l’occasion de réunir deux actrices formidables : Charlotte Gainsbourg et Noée Abita. La première trouve là l’un des plus beaux rôles de sa carrière, incarnant avec douceur et fragilité cette femme réalisant peu à peu que ses enfants vont faire leur vie et qu’il lui faut également faire la sienne. La seconde, révélée dans Ava et confirmée dans Slalom, appose sa présence hypnotique à chacune des séquences où elle apparaît, femme-enfant aux grands yeux dans lesquels on pourrait se noyer, incapable de savoir se poser, jouant à la forte mais aussi fragile qu’un petit oiseau. La capacité du film à ne jamais enfermer ses personnages dans une note et à ne jamais suivre une ligne narrative toute tracée (les enjeux sont minces et finalement peu conséquents), s’arrêtant parfois pour mieux nous saisir au vol dans une émotion confirme la singularité du cinéma de Mikhaël Hers, véritable bouffée d’air frais dans ce monde souvent trop cruel. Un très beau film, comme un moment suspendu dérobé en plein vol, petite bulle de douceur ne cachant pas ses blessures. Bouleversant.

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