La Conspiration du Caire : le sens du devoir

Tarik Saleh continue sa folle cavalcade de thrillers socio-politiques. Après l’excellent Le Caire Confidentiel, voici La Conspiration du Caire. Contrairement à ce qu’indique le titre, il n’a rien à voir avec son prédécesseur, à l’exception du fait qu’il se déroule en partie au Caire. En réalité le film, suédois cette fois-ci, s’intitule Boy From Heaven – la traduction française détournant le sens premier du titre pour surfer sur la popularité du premier film. Et dans cette veine, nous vous épargnerons un résumé hasardeux traitant d’un sujet aussi complexe que l’organisation religieuse de l’Islam sunnite en Égypte.

Avec La Conspiration du Caire, le réalisateur nous plonge au beau milieu d’un contexte socio-politique complexe au rythme relativement soutenu. On y retrouve l’acteur Fares Fares qui joue ici un enquêteur aux méthodes clivantes. Son personnage s’appelle Ibrahim et il doit guider le jeune Adam durant son parcours au sein de l’université al-Azhar, institution sunnite. Les noms sont totalement ancrés dans cette religion et le titre original en apporte une vision plus claire, par sa dimension céleste, sous-entendue divine.

Une nouvelle fois, Tarik Saleh maîtrise son média. Le long-métrage dégage une vraie force émotionnelle, dirigée par un duo d’acteurs inattendu et particulièrement fusionnel. Fares Fares confirme sa présence et son charisme, mais c’est Tawfeek Barhom qui surprend. Certains le connaissent déjà sûrement au travers de ses premiers rôles dans Mon Fils ou Le Chanteur de Gaza, ou peut-être au travers de second rôles plus populaires dans Marie Madeleine ou Le Rythme de la Vengeance. Pour beaucoup, vous le découvrirez avec ce film, aussi talentueux que touchant. Avec une si belle gestion de la tension, une mise en scène percutante sans être tapageuse et une relation dure et attendrissante entre Adam et Ibrahim, c’est une véritable leçon de l’Islam qui se joue devant nos yeux.

Pour en revenir à l’histoire en elle-même, La Conspiration du Caire explore en profondeur un système socio-politique dans lequel la religion possède une emprise décisionnaire de premier plan. Nul besoin de préciser que si nous n’avions pas précisé plus tôt de quelle religion il s’agissait, personne n’aurait pu honnêtement deviner de laquelle il s’agissait. Sans sarcasmes, le travail d’investigation et de retranscription du réalisateur est particulièrement minutieux et fascinant. Il propose un regard, si ce n’est nouveau, au moins dénué de jugement, sur toute une communauté trop facilement mise au ban. La narration nous offre une vision des choses à la fois honnête et en dehors de toute ironie injurieuse, sans pour autant adoucir et romancer le scénario. Ce qui en fait une œuvre sincère, profonde et complète sur tout ce qu’elle met en scène et la mise à nu de son sujet.

La Conspiration du Caire nous frappe moins violemment que son précédent film, Le Caire Confidentiel, par son sujet plus universel et moins facile à aborder. Pour autant, la maîtrise implacable de la narration de son auteur pousse à être subjugué d’admiration par son approche. Loin des clichés et d’un manichéisme sans états d’âme, Tarik Saleh nous prouve une nouvelle fois que le cinéma peut également être un art intelligent.

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