Le Seigneur des Anneaux : Les anneaux de pouvoir – saison 1 : Une série pour les décevoir tous

C’était la série événement de cette rentrée 2022, dotée d’un budget record de 465 millions de dollars, à la fois crainte et attendue par les fans du monde entier. Le Seigneur des Anneaux : Les anneaux de pouvoir a finalement révélé l’intégralité de sa première saison (la deuxième est d’ores et déjà commandée) à travers huit épisodes, déchaînant un engouement médiatique assez tonitruant parasité par autant de questions débiles (les elfes peuvent-ils avoir la peau noire ?) que de craintes et de réflexions sur la pertinence d’un tel projet et la nécessité d’avoir une réelle liberté sur le matériau originel quitte à faire hurler les puristes. Maintenant que la saison s’est achevée, il est temps de se pencher tranquillement dessus et le moins qu’on puisse dire, c’est que le bilan est mitigé.

D’abord il nous faut reconnaître qu’en faisant cette série, Amazon et son équipe créative réunie autour du projet avaient déjà tendu le bâton pour se faire battre. Les films de Peter Jackson sont tellement entrés dans l’inconscient collectif (et à raison, on n’avait jamais vu aussi épique à l’écran avant et on n’a jamais vu mieux depuis) et tellement célébrés que Les anneaux de pouvoir ne pouvait, en un sens, que décevoir. De fait, l’approche d’Amazon, qui a d’ailleurs séduit les héritiers de Tolkien (HBO et Netflix s’y sont cassés les dents) est la meilleure, permettant de s’éloigner de l’ombre de Peter Jackson (même si elle n’est jamais très loin). Il s’agit en effet d’un préquel, se déroulant à peu près trois mille ans avant les événements décrits dans Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux, de quoi prendre suffisamment de distance et permettre aux scénaristes d’imaginer d’après les écrits de Tolkien ce qui s’est déroulé durant le Second Age de la Terre du Milieu : la création des anneaux de pouvoir sous l’influence de Sauron, la chute du royaume insulaire de Númenor et la dernière alliance entre les Elfes et les Hommes.

La série commence donc alors que Galadriel est encore une guerrière pleine de fougue. Persuadée que Sauron (qui a tué son frère) reviendra, elle tente de prévenir les siens mais se heurte à leur incompréhension tandis que dans les terres du Sud, des orques font leur apparition. Pendant ce temps, chez les Elfes, Elrond est mandaté par son roi pour se rendre dans la Moria sceller un partenariat avec les Nains et chez les Piévelus, une espèce de Hobbits nomades, l’arrivée d’un étranger tombé mystérieusement du ciel attire la jeune Nori vers de potentiels ennuis…

Difficile d’en dire plus sans déflorer l’intrigue principale même si celle-ci est loin d’être palpitante. En effet, alors que la série est visuellement impeccable sur le plan visuel avec une approche des décors et des personnages dans la droite lignée des films de Peter Jackson (nous n’avons aucun mal à nous dire que cela se déroule dans le même univers et c’est un plaisir de le retrouver) et que le budget est clairement allé vers la direction artistique (avec en prime des orques faits de prothèses et de maquillages comme on les aime, quel bonheur !), on ne pourra en dire autant sur le plan de l’écriture.

Certes, Les anneaux de pouvoir était vouée à décevoir d’une façon ou d’une autre mais elle tend tout de même le bâton pour se faire battre. Le problème vient d’abord d’un surplus de personnages rendant le rythme inégal. Pour une relation amicale et fraternelle touchante entre Elrond et le nain Durin IV (le cœur émotionnel de la série jusque-là), on doit se farcir toute une tripotée de personnages dont on se moque éperdument et on compte sur les doigts de la main ceux qui présentent un réel intérêt à nos yeux mais également à celle de l’intrigue générale qui se serait bien passée de la moitié de ses sous-intrigues sans que le rythme et la compréhension du spectateur en pâtissent. L’univers est vaste c’est entendu mais il aurait été habile de justement se resserrer sur une poignée de personnages pour vraiment nous impliquer émotionnellement. Au lieu de ça, c’est un véritable défilé qui se déroule sous nos yeux sans qu’on ne retienne la moitié des noms et sans que cela ait la moindre conséquence pour la suite. La lenteur du rythme est certes quelque chose qui a déjà été pratiquée par Tolkien (les 100 premières pages de La Communauté de l’Anneau restent ardues quoiqu’il arrive) mais ici les scénaristes sont bien en peine d’arriver à créer des personnages pour lesquels on éprouve réellement quelque chose et il faut soit l’investissement d’une actrice (Morfydd Clark, découverte dans Saint Maud, compose une solide Galadriel pleine de rage guerrière) soit un vrai soin d’écriture (la jeune Nori, Elrond et Durin IV) pour nous accrocher quand la plupart du temps, les scénaristes semblent à la ramasse, incapables d’insuffler le moindre enjeu à un récit parasité par de sacrées fautes de rythme.

Il faudra ainsi attendre le dernier épisode de la saison pour que Sauron fasse son apparition (et c’est assez habile, on en conviendra) et que les premiers anneaux de pouvoir soient forgés. En attendant, J.A. Bayona aura assuré la réalisation des deux premiers épisodes donnant envie d’y croire avant que l’ensemble ne sorte de son coma dans un épisode 6 plutôt épique (même si composé de raccourcis assez grossiers) et à travers un huitième épisode lâchant tout le fan-service et donnant envie de voir la suite, que les showrunners ont déjà promis comme ‘’plus sombre et plus effrayante.’’ Technique facile que de lâcher les chevaux en fin de saison pour donner envie au public de revenir malgré un ensemble laborieux. Force est de constater que nous sommes faibles car nous sauron serons au rendez-vous pour la suite tant les défauts majeurs constatés rendant l’ensemble profondément inégal n’empêchent pas un certain plaisir, celui de l’amateur de fantasy retrouvant un univers tant aimé et souhaitant réellement dire du bien de la série même si les puristes et amoureux de Tolkien s’arrachent encore les cheveux sur les nombreuses incohérences du show, la plupart d’entre elles étant d’ailleurs difficilement compréhensibles. Espérons donc que cette deuxième saison à venir (mais pas avant un petit moment apparemment) rectifie le tir et apprenne de ses erreurs pour enfin nous donner le divertissement que l’on attendait. L’attente démesurée sur le projet et la pression rencontrée par l’équipe créative nous font avoir plus d’indulgence que d’habitude sur cette première salve d’épisodes, il faut bien le reconnaître mais la suite devra se montrer à la hauteur…

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