Soudain dans la nuit : Femme au bord de la crise de nerfs

Continuant son travail de pourvoyeur de pépites du cinéma prêt à nous faire découvrir des films méconnus, voire oubliés, Carlotta Films a attaqué très fort en cette rentrée avec Soudain dans la nuit, film coréen datant de 1981 et disponible en Blu-ray et DVD depuis le 6 septembre dernier dans une superbe restauration 4K. L’occasion d’explorer un peu plus ce cinéma que l’on a vraiment redécouvert à l’orée des années 2000 mais qui a toujours été très riche et déjà très prompt à mélanger les genres.

En effet Soudain dans la nuit tient autant du thriller paranoïaque que du film d’horreur, du film érotique et même du giallo comme le montrent les expérimentations formelles du réalisateur Go Yeong-nam, cinéaste prolifique dont la carrière ne compte pas moins de 110 films ! L’intrigue se concentre sur Seon-hee, épouse et mère comblée d’un professeur de biologie qui voit son quotidien parfait être perturbé par l’arrivée de Mi-ok, une jeune femme orpheline que son mari a recueilli et engagé comme domestique. Fille de chamane ayant pour seul bagage une étrange poupée en bois censée la protéger contre le mauvais sort, Mi-ok s’attire vite la jalousie de Seon-Hee, persuadée que la jeune femme utilise la poupée pour faire entrer des esprits maléfiques chez elle et détruire son foyer…

Refusant de livrer toutes ses clés, Soudain dans la nuit surprend par son ambiguïté et par le déroulement machiavélique de son scénario. En effet, en collant au point de vue de Seon-hee, le film ne nous livre jamais la vérité : Mi-ok veut-elle effectivement lui faire du mal et séduire son mari ou la présence de la jeune femme a-t-elle simplement exacerbé sa paranoïa ? La mise en scène ne quittant jamais le prisme de Seon-hee, on est en droit de se demander si notre héroïne n’est pas en train de perdre totalement pied. Peut-être est-ce d’ailleurs le propre désir qu’elle éprouve pour Mi-ok (après tout elle la voit nue et affirme trouver son corps superbe) et qu’elle refoule qui la fait complètement vriller ? Les pistes sont nombreuses (et peuvent du coup affirmer ou réfuter la nature fantastique du film) mais Go Yeong-nam nous prive de réponses partiales et objectives, se contentant de suivre jusqu’au bout de la folie sa pauvre femme au foyer qui finalement n’est peut-être pas si heureuse et épanouie que ça.

Maîtrisant toute sa première partie sur le mode du thriller (avec quelques pointes d’érotisme et de la nudité pour appâter le spectateur mâle), Soudain dans la nuit bascule carrément dans l’horreur dans un dernier acte saisissant où l’effroi nous prend par surprise. Et si la mise en scène en fait trop sur certains effets traînant en longueur, force est de reconnaître que la peur ressentie par Seon-hee (filmée dans une nuit bleutée particulièrement splendide) nous est ici totalement partagée, Go Yeong-nam étant visiblement décidé à nous faire traverser la moindre épreuve vécue par son personnage. Formellement ambitieux (effets kaléidoscopiques, couleurs vives) et narrativement ambigu, Soudain dans la nuit n’est pour autant pas complètement abouti (une fois terminé, il laisse une impression de manque) mais n’en demeure pas moins une découverte passionnante, une de plus à ajouter au catalogue impressionnant de Carlotta.  

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