Adieu Monsieur Haffmann : L’Occupation, le retour

Cet article accompagne la sortie en DVD de Adieu Monsieur Haffman, retour de Fred Cavayé dans un registre plus dramatique après des comédies au destin pas forcément heureux. Le réalisateur de Pour Elle, A bout Portant ou Mea Culpa, fers de lance de ce qui aurait pu servir de modèle au film d’action à la française, n’a malheureusement pas eu la carrière qu’il méritait. Avec Adieu Monsieur Haffmann, on sent la volonté de Cavayé de retourner à ses origines par un moyen détourné, celui de l’Histoire, et pas n’importe laquelle puisque c’est bien l’Occupation pendant la Seconde Guerre Mondiale qui est convoquée. Et même si la nature théâtrale du récit empêche parfois une libération de la caméra, le réalisateur n’a pas perdu la main quand il s’agit de gérer la tension. Les Américains l’auront d’ailleurs bien compris puisqu’ils n’ont pas attendu trop longtemps pour adapter ses précédents films à leur propre cinéma.

Les nazis sont entrés dans Paris. Monsieur Haffmann (interprété par Daniel Auteuil), joaillier de père en fils, a bien compris que sa nature de juif rendrait la vie impossible voire dangereuse dans la capitale. Il décide donc de fuir avec sa famille et de vendre son commerce à son employé joué par Gilles Lellouche avec la promesse de le lui racheter une fois que la guerre sera finie. Malheureusement, Haffmann ne réussira pas à passer la frontière et se retrouvera obligé de se cacher dans la cave de son propre commerce. Accompagné par sa discrète et douce femme interprétée par Sara Giraudeau, cet employé qui n’avait rien, ne s’arrêtera plus avant d’avoir tout, comme le résume très bien un dialogue régulièrement cité dans les bandes-annonces.

Pauvre, sans talent, infertile, le personnage de Gilles Lellouche a tout de l’homme insatisfait, dont la masculinité a été dérobé par un accident le laissant boiteux. La relation qu’il entretient avec son patron n’a rien d’amical, tout juste polie, avec la possibilité d’être renvoyé à tout moment. Monsieur Haffmann désire tout ce qu’il n’a pas, ce qui lui manque pour se sentir complet et qu’il va constamment chercher à travers tout le film, mettant à nu le monstre qui se tapissait au fond de lui. Les possibilités que lui offre la guerre lui montent rapidement à la tête pour laisser place à un névrosé prêt à faire coucher sa femme avec son patron qu’il séquestre dans l’espoir d’avoir finalement l’enfant qui désire tant. Rapidement, son rapport intéressé avec les officiers SS venant lui acheter des bijoux se fait trouble, plus opportuniste qu’antisémite, même si l’on sent que la barrière peut être franchie à tout moment. 

Il est malheureux de savoir à quel point le tournage a souffert de l’épidémie de COVID, nous empêchant ainsi d’avoir accès à la partie plus “épique” du récit avec de grandes scènes de foules reconstituées avec précision. Les cicatrices de cette situation se font ressentir. Le film n’est finalement plus qu’un huis-clos plutôt banal malgré le triangle malsain qui se crée entre les personnages principaux. Heureusement, Fred Cavayé arrive à insuffler de la vie mais ce n’est pas suffisant pour rattraper un rythme dramatique laborieux et des retournements attendus. La direction d’acteurs (ou les acteurs eux-mêmes ?) reste en-deçà de ce qu’on pourrait attendre d’un film se basant à ce point sur les personnages. Que ce soit Gilles Lellouche ou Daniel Auteuil, le théâtre l’emporte sur le cinéma ou le jeu nuancé.

Adieu Monsieur Haffman mérite d’être rattrapé, au moins pour rendre hommage au travail de Fred Cavayé. Il ne faut cependant pas compter sur les bonus pour vous donner un nouveau point de vue sur le film puisque cette édition ne dispose que d’une rapide scène coupée dans laquelle le couple va au théâtre accompagné par leurs amis SS, scène qui a néanmoins le mérite de citer quelques grandes vedettes pas inconnues de nos oreilles et de se finir sur un glaçant rappel de la réalité de l’époque. Cette édition contient aussi une pastille making-of bien trop succincte et trop promotionnelle pour apporter quoi que ce soit. La seconde guerre mondiale, même si rendue à nouveau actuelle par les informations qu’on nous abreuve à longueur de journée, n’a-t-elle pas été trop traitée ? Que reste-t-il à dire sur cette époque qui n’a pas été mieux raconté auparavant ? Ne faut-il pas passer à autre chose ?

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*