L’Origine du Mal : Concours d’intrigues à Porquerolles…

Jeune, brillant, retors et particulièrement malin le cinéma de Sébastien Marnier nous avait déjà conquis au gré de deux longs métrages au scénario solide et jubilatoire. Après un premier film des plus prometteurs sobrement intitulé Irréprochable au coeur duquel Marina Foïs excellait dans un rôle trouble et un rien démesuré de perverse manipulatrice le réalisateur français avait accouché d’un second long métrage redoutablement anxiogène : ce fut L’heure de la sortie, thriller social porté en grande partie par un Laurent Lafitte en très grande forme et impeccable dans la peau d’un professeur quadragénaire persécuté par une classe d’élèves surdoués en mal de collapsologie…

Revenant cette année avec son troisième essai Sébastien Marnier confirme une fois encore qu’il est et restera un cinéaste à suivre de très près, prouvant encore et toujours sa formidable capacité à instiller une certaine malice à des scénarios tour à tour tortueux, ambigus et pleinement efficaces. Récit d’une femme entre deux âges amenée à renouer les liens avec un père biologique l’ayant abandonné aux abords de sa naissance et désireuse de s’intégrer à sa « nouvelle » famille L’Origine du Mal est de ces mille-feuilles scénaristiques capable de jouer sur une corde humoristique inspirant autant de malaise que d’excitation et de narrer une fable mêlée de personnages à la fois humainement médiocres, antipathiques et pittoresques dans le même mouvement de panache. Nous suivrons donc la trajectoire de Stéphane, jeune manutentionnaire dans une poissonnerie industrielle arborant le visage pétillant d’une Laure Calamy ici littéralement redécouverte, pas loin d’être extraordinaire dans la peau de cette femme partageant son temps entre son travail, sa compagne tuant le temps entre les murs d’une cellule et sa nouvelle vie de fille aimante et – peut-être – plus intéressée qu’elle ne le semble de prime abord.

Tenant lieu dans le faste rutilant d’une propriété bourgeoise de l’île de Porquerolles l’intrigue de L’Origine du Mal se mue peu à peu en un formidable jeu de massacre au sein duquel chaque membre de la famille « adoptive » de Stéphane va progressivement dévoiler sa facette la plus sombre ; sous des dehors fantasques et ingénus l’ouvrière va donc infiltrer ce microcosme familial pétri de rancœur et de vices cachés n’ayant rien à envier au plus carnassier des films de François Ozon. Entre un patriarche moralement immonde incarné par un Jacques Weber au meilleur de sa forme, une Dora Tillier parfaite en grande soeur vacharde et perfide et une Dominique Blanc idéale en belle-mère intrigante et rancunière ledit groupuscule va pas à pas intégrer l’électron libre et insaisissable que représente Stéphane, au risque et au péril de chaque personnage d’un récit aux enjeux conséquents et habilement perlés par le réalisateur.

« La famille, c’est ce qu’il y a de pire au monde. C’est comme un poison qu’on a dans le sang. Ça contamine. Ça rend malade. » commente la figure de Jeanne interprétée par Céleste Brunnquell au coeur du métrage. Sujet principal d’un thriller aux allures de comédie noire la famille n’est – au regard du scénario développé par Sébastien Marnier – rien de moins qu’une authentique origine du mal , carrefour de tous les maux sociaux et existentiels des membres la constituant. Pervers et caustique l’humour dudit film n’est pas sans rappeler certains films tels que Sitcom ou même 8 femmes réalisés par Ozon, Sébastien Marnier perpétuant à sa guise et à sa façon le maniérisme et les effets artificieux et plein de faux-semblants du réalisateur pré-cité. Remarquablement écrit et réalisé L’Origine du Mal finit de hisser l’auteur de Irréprochable au rang des artistes francophones sur lesquels il faudra résolument compter dans les années à venir. Une belle réussite à voir dès à présent, visible dans nos salles obscures à partir de ce mercredi 5 octobre…

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  1. Édito – Semaine 41 -

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