Édito – Semaine 38

Ça y est. This is it. Il est parti, comme ça. Mardi 13 septembre dernier l’homme au crâne savamment dégarni, mégot de cigare au bec et lunettes aux montures prononcées a préféré choisir par lui-même de son jour et de l’heure de son dernier souffle… À bout d’une filmographie vertigineuse s’étalant sur plus de six décades il nous a donc quitté, lui, le trublion de la Nouvelle Vague et le prétentiard hermétique au commun des mortels… Qu’il soit le critique acerbe arborant le pseudonyme de Hans Lucas ou l’auteur auto-biographique signant ses films de la paraphe JLG le nonagénaire suisse était, demeure et restera l’une des grandes exceptions culturelles du Cinéma français, tributaire de près d’une centaine de films allant du format le plus court aux prodigieuses Histoire(s) du Septième Art, documentaire fleuve de plus de quatre heures plaçant le montage filmique au rang du plus beau des soucis

Il aimait le Cinéma au point de placer l’Oeuvre devant l’artiste. Il haïssait le petit écran au point de lui prêter des intentions d’oubli et même de lâcheté. Il envisageait le travelling comme une affaire de morale, le cadrage comme un renoncement à l’encadrement, les mots comme une constellation susceptible de nourrir d’incessants aphorismes passionnants jusque dans leur vacuité. Il révéla Jean-Paul Belmondo, sublima Brigitte Bardot, aima même Anna Karina ; il tourna en couleurs, en Noir et Blanc, en Scope, en vidéo et même dans le langage fascinant de la 3D quelques années avant de nous faire ses adieux… Il milita au nom de ses pairs jusqu’à parfois s’en éloigner radicalement, défendit la Palestine à renfort de raccourcis parfois mal interprétés par ses détracteurs, poétisa l’horreur de Sarajevo, redécouvrit même Johnny Halliday à l’aune des années 80… Il faisait des films comme les autres, comme ça, infatigable de contradictions systématiques, provocateur en diable au point d’en devenir sympathiquement détestable.

Capable de sortir sa caméra dans la rumeur des Champs-Élysées pour mieux filmer en toute liberté et modernité (A bout de Souffle…), de magnifier l’anatomie de Camille paresseusement commentée par Paul sur fond de musique de Georges Delerue (Le Mépris) et de vanter et de chanter la ligne de hanche d’une Marianne « aux yeux gris Velasquez » (Pierrot le Fou, Le Petit Soldat…) il était le réalisateur du contre-champ, le professeur de la pensée cinématographique comme aimait à le nommer un certain Gérard Depardieu… Désormais parti en Week-end pour une durée indéterminée l’auteur des Carabiniers, de Tout va Bien et de Soigne ta droite passe et conserve l’arme d’une pensée en constance arborescence à gauche des sentiers battus. Comme ça. De choses et d’autres son nom, unique et mémorable, restera. Forever Godard.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*