Kompromat : Imbécile ou fouille-merde ?

Nouveau film de Jérôme Salle, nouveau thriller inspiré de faits réels. En première ligne, un Gilles Lellouche convaincu et convaincant qui ne va pas passer un très bon moment dans cette histoire aussi absurde que ridicule. Il devient par ailleurs de plus en plus compliqué de trouver des histoires vraies à la fois intéressantes et folles, méritant leur narration sur grand écran. Pour preuve, de plus en plus souvent, le panneau d’ouverture garde ses distance vis à vis de la version réelle de l’histoire. Cette fois-ci, il est indiqué « très librement inspirée de faits réels ». De quoi faire taire d’entrée de jeu les petits comiques toujours au courant de tout dans les moindre détails. La vie semble cependant ruisseler d’histoires de ce genre, tantôt folles et absurdes, tantôt consternantes et enrageantes, et les scénaristes en peine d’inspiration devraient avoir encore quelques beaux jours devant eux.

Concernant Kompromat, il s’agit de Mathieu Roussel, campé par Gilles Lellouche, mari d’un couple qui vacille et père d’une fille dont on se demande encore si elle a compris qu’elle devait faire semblant d’être la fille de Gilles Lellouche. Expatrié en Russie pour affaire, il est sur le point d’inaugurer l’ouverture d’un établissement. Il essaie tant bien que mal de se faire une place et de s’en sortir. Manifestement maladroit concernant les us et coutumes du pays, lors de la cérémonie d’inauguration en son honneur, il a le malheur de présenter un spectacle contemporain homosexuel. Très rapidement ses relations sociales et professionnelles se désagrègent, et il voit petit à petit les gens lui tourner le dos jusqu’à ce qu’il se fasse kidnapper chez lui et envoyer en prison. Les services secrets russes ont dressé un Kompromat contre lui, un dossier fallacieux rempli de fausses preuves et accusations dans l’unique but de lui nuire. Son enfer commence.

Dès le début, une erreur de jugement nous chiffonne. L’introduction est claire, presque trop, mais le développement narratif nous laisse sur la touche. Le montage semble nous le confirmer de manière assez limpide, c’est le spectacle homosexuel le nœud du problème. Pourtant, pendant une bonne partie de l’histoire, les enjeux tournent en rond, comme si personne ne connaissait la véritable origine du litige et comme si les Russes eux-mêmes ne voulaient pas en entendre parler. Loin de nous l’idée de juger l’orientation sexuelle des gens. Pour être tout à fait franc l’information nous en touche une sans faire bouger l’autre. Notez au passage que la métaphore est particulièrement bien adaptée. Certes ce n’est pas une habitude de regarder du porno gay, mais il faut bien admettre que n’importe qui d’un minimum sensé comprendrait en quoi ce spectacle est problématique et provocateur. Et ce n’est même pas le contexte socio politique du pays dans lequel ils sont qui change notre vision là-dessus. Tout le monde sait que les questions d’homosexualité et d’identité de genre sont encore très tabous dans de nombreux pays d’Europe de l’est et qu’ils ont une grande difficulté d’ouverture d’esprit à ce niveau-là. Mais le fond du problème n’est pas là, il s’agit d’un spectacle artistique, nous l’accueillons comme tel. Ce qui est inadmissible en revanche c’est qu’il s’agisse d’un spectacle contemporain aussi dénué de sens que d’intérêt. Que ce soit deux hommes vraisemblablement amoureux l’un de l’autre, on s’en fiche. Mais à quoi ça rime de les voir s’entortiller nus dans tous les sens sans autre forme d’explication. Ce n’est pas un Kompromat que Gilles Lellouche subit, c’est simplement la justice. Et Jérôme Salle aurait dû le suivre, de nous avoir forcé à regarder cette personnification des enfers tout droit sortie d’Arte. On ne juge pas les gens susceptibles d’apprécier ce genre de contenu artistique, on s’étonne simplement qu’ils n’aient pas eux aussi subit un Kompromat.

Vous l’aurez compris, le spectacle en question, dont nous subissons de bien trop longue minutes de visionnage, est une faute de goût dont n’importe quel être humain le subissant serait en droit de porter plainte pour atteinte à l’intégrité mentale d’une personne. Plus sérieusement, le retour de bâton pour Mathieu Roussel est salé et disproportionné. Mais une fois cet acte passé, on ne peut s’empêcher de penser que quand on cherche vraiment la merde on finit fatalement par la trouver. Il est clair que toutes les accusations portées à l’encontre de Mathieu Roussel sont graves et inadmissibles, et traduisent de toutes les horreurs dont sont vraiment capables certains organismes d’envergures corrompus et dangereux de pays tels que la Russie.

Le scénario essaie par ailleurs de mettre la lumière sur ce point, bien que le spectateur restera jusqu’à la fin du visionnage impacté par la vision d’horreur de cet étrange spectacle. L’histoire semble tout de même passer à côté de nombreux passages clefs qui sont trop vites expédiés. Son passage à la prison et à tabac par les prisonniers, sa réputation totalement détruite, l’impact international de sa situation. Jérôme Salle se concentre surtout sur la relation qu’il entretien avec Joanna pour accentuer le romantisme. Le problème est que cette relation enferme notre héros dans sa situation perpétuellement plus inextricable qu’elle ne l’était la veille. A différents moments, on l’intime de ne pas faire certaines choses qui aggravent sa situation et le pousse à la dernière solution que ses propres choix l’ont contraint à cet inexorable sort. Il en résulte un profond sentiment de gâchis et de faiblesse scénaristique, comme si le personnage principal ne souhaitait à aucun moment s’en sortir véritablement. Notons cependant que la prise de position se fait perpétuellement du point de vue de Mathieu Roussel qui ne souhaite que s’échapper de cette situation. Sa volonté de survivre justifie donc ses choix même si l’introduction a prouvé qu’il n’était pas la personne la plus apte à réfléchir. En tant que spectateur on est vite soumis à un sentiment contradictoire concernant la situation de Mathieu Roussel, nous obligeant à nous mettre perpétuellement à sa place pour donner un début de justification à ses actes parfois dénués de sens.

D’autre part, lorsque l’on connait le travail et la maîtrise de Jérôme Salle, notamment avec le film Zulu, on ne peut ignorer cet arrière goût d’inachevé au film. Kompromat propose une histoire singulière dont la proposition à le mérite d’exister. On retient cependant un léger manque de rythme, une faute de goût sur plusieurs aspects et une écriture pas assez minutieuse pour faire mouche. Par chance on pourra tout de même se contenter de superbes scènes poignantes riches en émotions, comme l’acte final dans son intégralité par exemple. On laisse peu de place au scénario pour s’enrichir de ses propres rebondissements. Gilles Lellouche propose une véritable performance d’acteur même si son implication jure également avec le jeu de ses camarades qui ne donnent pas tous l’impression de vraiment s’investir. Il y a une sorte de sentiment détaché qui se dégage de l’ambiance générale du film et n’aide pas à se sentir envahi par ses enjeux. Tout l’acte de fuite et de l’extraction est pourtant saisissant, mais il est conclut trop tôt et expédié trop vite pour que la sauce prenne et qu’on ressente l’importance du danger. La plupart des effets de style du film manquent de peu leur objectif et laissent le sentiment que Kompromat n’est qu’une histoire mineure alors qu’il a tous les atouts pour être un film d’envergure. Beaucoup de gâchis pour une histoire qui semblait en valoir la peine au premier abord.

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