Beast : Sale temps pour le roi de la savane

Il apparaît audacieux de réaliser des survivals de cet acabit à l’heure où toutes les questions écologiques et animalières sont au cœur de nos problématiques actuelles. Ici, Idris Elba se confronte à un lion devenu totalement incontrôlable, bien décidé à venger sa meute décimée de tout humain encore vivant sur cette planète, et ce sans distinction quelconque. Forcément la bête est dotée de capacités physiques hors du commun, même pour un lion, et d’une volonté d’en découdre infaillible. Beast nous replonge facilement au milieu des plus belles années du genre. Pas sûr, cependant, que les mentalités actuelles suivent docilement le mouvement comme ce fut le cas il y a déjà 20 ou 30 ans.

Disons-le clairement, le rythme est maitrisé, le suspense parfaitement géré et la réalisation est propre. Baltasar Kormakur, le réalisateur, n’est pas novice en la matière, il ne fait que réitérer ce qu’il sait déjà faire. Les codes du genre semblent respectés et les jeux de caméra dignes des meilleurs films d’horreurs savent nous prendre aux tripes. Jamais un lion ne vous aura à ce point fait frémir. Cependant le cadre n’offre que très peu de réelle profondeur de champ. Tous les plans sont bien trop resserrés sur les protagonistes, rendant, certes, le cadre plus intimiste, mais aussi bien moins spectaculaire. On pourrait dire qu’il s’agit d’un huis-clos dans la savane, mais non : ce n’est pas un huis-clos. L’environnement est beaucoup trop ouvert et généreux pour accepter de faire des cadres aussi fermés. L’image ne vit pas. Elle ne souffle pas non plus, appuyant l’ambiance oppressante et urgente de la survie de nos protagonistes. Mais la conséquence est que la caméra ne joue pas suffisamment avec son environnement. On en veut pour preuve l’une des toutes premières répliques : Idris Elba (le Dr. Nate Samuels) intime à ses filles de regarder dehors pour contempler le paysage magnifique, le cadreur, en revanche, ne nous en fait pas profiter. Les raisons peuvent être multiples, il n’en reste pas moins que l’enchaînement des plans parait légèrement paradoxal et frustrant. D’autant qu’en ouverture, un magnifique plan sur l’environnement dans lequel les protagonistes vont évoluer est monnaie courante et permet également de mieux situer l’intrigue. On aimerait nous aussi avoir plus de prises de vues d’ensemble de cet environnement unique que peu de spectateurs peuvent avoir le loisir de voir un jour dans leur vie.

C’est d’autant plus vrai que Martin Battles (incarné par Sharlto Copley) donne une leçon de photographie à Mere (incarnée par Iyana Halley), la fille du Dr. Nate. L’importance du cadre devient alors primordiale dans le film. Par définition, Beast n’est pas exempt de plans d’envergure et impressionnants. Il s’agit surtout de l’action qui ne se détache pas suffisamment des personnages et qui ne permet pas de ressentir le lieu dans lequel elle se déroule. La mise en scène pourrait jouer un peu plus avec l’environnement malgré quelques trouvailles intéressantes. En dehors d’une ingénieuse scène de nuit dans la voiture, on reste sur notre faim à ce niveau là, certains survivals proposant une ambiance, dans la jungle notamment, beaucoup plus travaillée. Kormakur nous empêche d’avoir une réelle vue d’ensemble. Les protagonistes étant isolés, sans personne aux alentours, avec des moyens de communication hors fréquence, nous ressentons pourtant peu cette solitude, cette distance face au reste du monde. Les personnages se retrouvent isolées, aussi bien physiquement qu’émotionnellement, il s’agit là d’une des composantes essentielles qui les caractérise profondément. Cette écriture dramatiquement généreuse des personnages n’est pas subjuguée par une mise en scène trop prévisible et peu inspirante. Par chance, l’action prend le temps de se poser à des moments précis avec une montée de la tension progressive. Kormakur n’est pas en reste, le film se targue en contrepartie de beaux plans-séquence diablement bien orchestrés. On regrettera simplement que la caméra ne soit pas plus au service de son environnement et moins à la merci du genre auquel elle est affiliée.

Le véritable problème réside surtout dans le fond du film. Beast est censé être assez clair dans ses intentions. Ce sont des contrebandiers qui sont à l’origine de la folie du lion et on y parle aussi de tueurs de contrebandiers. Les antagonistes semblent tout désignés et n’importe qui d’un minimum clairvoyant comprendrait que les véritables conséquences proviennent de ces marchands et chasseurs illégaux qui ne respectent aucune loi, qu’elle soit issue de l’homme ou de la jungle. Cependant la finalité reste la même, il s’agit de l’humanité face à un animal. La dure loi de la nature prend une tournure plus dramatique que prévue car le lion demeure l’antagoniste du film. C’est lui qu’il faut abattre si l’on désire sauver sa peau. Ses pulsions résultent d’une pure inhumanité, et il revient à nous, spectateurs, de ne pas simplement résumer le film à : « C’est un lion qui tue des hommes ». Et c’est là que le message perd en fluidité et qu’il ternit l’image du genre et de son média. On sait tout le mal que Les dents de la mer a fait aux requins, prenez garde à ne pas mettre n’importe quel animal dans des situations dangereuses de la même manière. L’être humain est débile, il y en a bien certains qui voient en Jurassic Park un documentaire. Faire d’un animal, surtout un qui peut être aussi dangereux pour l’homme que le lion, l’antagoniste principal de son film peut facilement faire comprendre son intention de départ de travers. Quelquefois, même dans les films, il vaut mieux laisser les animaux là où ils sont et ne pas les déranger dans leur territoire.

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