Charlie Mon Héros : Un anti-héros au coeur tendre

Nous vous avions annoncé lors de notre chronique sur Rock-O-Rico la ressortie imminente de Charlie. Autre film culte de Don Bluth, Charlie débarque sous l’embême de Rimini Éditions dans un master flambant neuf. Inutile de répéter combien la copie est superbe tant il suffit de relire de ce que nous avions pensé des éditions de Fievel et le Nouveau Monde et de Rock-O-Rico. Assurant une pérennité certaine pour un auteur de talent, Rimini fait de plus en plus grimper le suspense. Parce que la question qui nous brûle les lèvres. Celle qui ne nous fait pas dormir la nuit. Celle que l’éditeur doit sûrement se manger trente fois par jour. A quand la sortie du Petit Dinosaure et la Vallée des Merveilles ? Il y a probablement des droits un peu plus difficiles à négocier sachant que le film est produit par Amblin. Mais si Rimini parvient à négocier une partie du catalogue Amblin pour sortir le film de Don Bluth, alors soyez certains que nous seront en première ligne pour également réclamer une édition en bonne et due forme des Quatre Dinosaures et le Cirque Magique. Mais trêve de rêvasseries et revenons au film du jour. Charlie Mon Héros est le quatrième long métrage de Don Bluth. Sorti en 1989, soit un an après Le Petit Dinosaure, il ne rencontre pas un succès fulgurant en salle. Le film souffre de son concurrent direct de l’époque, Disney, qui écrase tout avec La Petite Sirène. Cependant, Charlie connaîtra un succès populaire en VHS et vidéo-club et trouvera une place de choix dans le cœur des enfants. Ces derniers ne l’ont décidément pas oublié vu la joie qu’il a provoqué dans les couloirs de notre rédaction lors de sa réception.

En 1939, à La Nouvelle-Orléans, Charlie B. Barkin, un chien roublard, espiègle et avec un charme d’escroc, travaille avec son partenaire d’affaires et gangster, Carcasse, dans un casino construit à même une épave de pétrolier. Carcasse, peu disposé à partager les bénéfices, fait emprisonner Charlie à la fourrière, mais Charlie s’échappe avec l’aide de son meilleur ami Gratouille. Pour Rayer Charlie du décor pour de bon, Carcasse et son acolyte, Zigouille, organisent son assassinat.

Qu’est-ce qui fait la force d’un bon film de Don Bluth ? C’est une question à laquelle les fans du réalisateur peuvent répondre aisément, mais elle demeure essentielle afin d’aborder correctement Charlie. Qu’est-ce qui rend son cinéma si impactant ? Don Bluth est de ces auteurs qui ne considèrent pas les enfants pour des imbéciles. Une œuvre comme Charlie serait totalement interdite de nos jours. On y voit des chiens qui boivent, fument, se battent, volent et s’insultent. Le film est à des années des codes conservationnistes actuels. Et pourtant, le film n’en demeure pas moins beau, touchant et drôle. Ainsi reposez-vous la question susmentionnée et vous comprendrez pourquoi Charlie vieillit tout aussi bien que ses concurrents de l’époque. La force dramaturgique de Bluth n’est pas de plonger allégrement son jeune spectateur au cœur des noirceurs de la vie. Sa force réside en sa capacité à faire naître du beau au sein d’univers qui ne s’adressent pas aux enfants. Avec Charlie, il entend convier le film noir (et particulièrement le film de gangsters) afin de poser les fondations de son histoire. Bien qu’il situe son film en 1939, Don Bluth s’inspire nettement plus des années de prohibition (1920-1933) que de l’époque où les États-Unis qui ne savent pas encore s’ils doivent prendre part à la Seconde Guerre Mondiale ou non. En effet, dans Charlie, Don Bluth nous plonge au cœur de beuveries nocturnes interminables et des paris sportifs illégaux sur des courses en tout genre (souris, crapauds, chevaux…). L’argent coule à foison et Bluth nous présente deux personnages (Carcasse et Charlie) franchement antipathiques. Difficile d’éprouver de l’attachement pour le héros du film tant Bluth ne lui confère rien de sympathique. Il ne s’agit que d’un gangster en quête de vengeance. Gratouille, son meilleur ami, possède bien plus de nuances. Mais alors, pourquoi nous attachons-nous autant à Charlie au fil des minutes ?

Par l’intermédiaire d’un anti-héros, Bluth livre une morale imparable. Il nous invite à ne pas juger une personne sur son apparence ni à nous conforter dans un seul avis. Si au premier abord Charlie se montre aussi détestable que Carcasse, Bluth va nous apprendre une leçon fondamentale : celle du pardon. Ainsi, il prendra bien soin d’étayer sur tout le récit plusieurs actions. Prises à part, plusieurs des actions de Charlie sont anodines. Mais lorsque tout est rassemblé en fin de métrage, on se rend compte du parcours effectué et surtout du génie de Bluth à ne jamais forcer les bons sentiments. Charlie positionne son spectateur au sein du regard de Anne-Marie, la petite fille. Cette dernière parvient parfaitement à distinguer le bien du mal et confronte plusieurs fois Charlie à ses torts. Sans jamais donner des leçons de morale, elle amène Charlie à faire des choix et à en payer les conséquences. La dernière séquence arrachera inévitablement les larmes puisque Don Bluth sait comment jouer avec les émotions. Seulement, Don Bluth (comme souvent) ne s’y attardera pas et préférera conclure avec légèreté au regard de la tristesse infinie qui englobait sa production. En effet, la jeune Judith Barsi, qui prête sa voix à Anne-Marie, est morte assassinée par son père un an avant la sortie du film. Le morceau du générique de fin, Love Survives, lui est dédié. Ainsi, les derniers adieux du film sonnent terriblement sincères tant, l’espace d’un instant, on peut croire que Don Bluth dit personnellement « au revoir » à son actrice. Et rien que pour cette démonstration d’amour si pure, Charlie Mon Héros mérite toute votre attention.

Disponible dans une édition blu-ray somptueuse, Charlie Mon Héros se trouve un superbe écrin définitif sous l’égide de Rimini Éditions. Don Bluth livre l’un de ses meilleurs films en n’hésitant pas à aller frontalement au-devant de sujets tendancieux afin d’en tirer la plus belle des morales. Un film à voir et à revoir sans aucune modération.

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