Maison de Retraite : Ils nous parlent d’un temps que les moins de 20 ans…

Issu d’un orphelinat, Milann Rousseau ne fait rien de sa vie. Hébergé par son avocat et ami d’enfance, ce dernier le pousse sans cesse à se bouger. Après avoir causé des dégâts matériels qui ont manqué de tuer une vieille dame dans un supermarché, Milann est condamné à une peine de deux mois de travail d’intérêt général. Engagé comme manutentionnaire dans la maison de retraite Les Mimosas, c’est un véritable cauchemar pour Milann qui ne supporte pas les personnes âgées. Malgré ses maladresses et son manque de motivation, Milann va s’attacher peu à peu aux pensionnaires. Il sympathise notamment avec Lino, un ancien boxeur, qui va lui apprendre à se défendre et prendre sa vie en main.

Très cher Anthony,

Voilà bien longtemps que nous ne nous sommes pas parlés d’homme à homme à bâtons rompus. Le moment n’est peut-être pas le plus opportun, mais qu’importe, les lecteurs comprendront ce besoin de faire un point toi et moi. En cause ? Le choix du film du jour…mais plus globalement ton attrait pour les comédies françaises populaires. Pourquoi t’évertues-tu à vouloir donner la chance à ce genre de projet ? Tu le sais pertinemment que ça équivaut à partir en croisade contre cette bien-pensance que tu exècres au plus haut point. Qui sont ces gens qui s’estiment légitimes pour choisir quels sont les films qui valent le coup d’être mis en avant ? Ce que tu aimes chez Close-Up réside en cette pluralité éditoriale et notamment le fait qu’on puisse autant défendre le dernier Jérôme Commandeur tout comme revenir sur les chefs d’œuvre de Kinuyo Tanaka. Parce que le cinéma ne se résume pas en un simple genre. Parce que tu aimes autant vibrer devant le dernier nanar à la mode que devant le dernier lauréat de Sundance. Parce que la gueule de ta collection vidéo ravit autant l’érudit fan de Truffaut que ton petit frère qui ne jure que par Marvel. Parce que tu es toi tout simplement et que jamais tu n’as renié tes goûts affirmés. Pourquoi as-tu l’impression de tourner en rond lorsqu’il s’agit d’aborder Maison de Retraite ? Parce que tu te rends compte que tes arguments demeurent les mêmes et qu’il devient inutile de convaincre le cinéphile extrémiste qui rode dans l’ombre et qui te dégoûte par son esprit étriqué. Parce que partir en croisade contre des cerveaux obtus demande un temps que tu ne peux plus te permettre de perdre.

Ainsi lorsque tu te lances dans le dernier film de Thomas Gilou, tu n’y vas pas dans l’optique de bouffer la nouvelle poule aux œufs d’or de Kev Adams (acteur et humoriste pour lequel tu as toujours eu un avis neutre), mais bien pour voir le dernier film de Thomas Gilou, le mec qui t’a fait tant rire avec sa trilogie La Vérité Si Je Mens ! D’autant que le fantasme de voir s’y côtoyer des noms tels que Gérard Depardieu, Mylène Demongeot, Marthe Villalonga, Jean-Luc Bideau ou encore Daniel Prévost te ramène inévitablement vers tes souvenirs d’enfance lorsque tu regardais en boucle L’inspecteur La Bavure, Fantomas ou encore Fantôme Avec Chauffeur. Des acteurs qui t’ont accompagné dans toutes les étapes de ta vie et qui te renvoient indéniablement vers une introspection que tu te fais régulièrement : la vieillesse, ce fardeau inévitable. Quel souvenir de toi souhaites-tu laisser ? De plus, l’état des maisons de retraite te préoccupe particulièrement. Constater la déchéance de ces personnes âgées que l’on parque dans des instituts qui (la plupart du temps) malmènent leur intégrité physique et le récent scandale ORPEA font parti intégrante de ton quotidien (vis ma vie professionnelle). Alors tu y crois, tu te dis que faire une bonne comédie populaire qui n’a pas peur de se mouiller en mettant en évidence la maltraitance des personnes âgées est chose possible. Avec un casting aussi qualitatif pour embrasser le sujet, tu te dis que c’est le moment ou jamais. Et évidemment que tu termines le visionnage déçu. Évidemment qu’il n’est pas encore né celui qui n’aura pas peur d’aller au casse pipe pour constater la réalité des faits. Quand bien-même Maison de Retraite aborde des sujets qui te tiennent à cœur, le film reste bien trop en surface. Et pourtant tu n’arrives pas à lui en vouloir ni à t’énerver de vivre un film qui enfonce des portes ouvertes avec de gros sabots parce que tu sais que le public ne vient pas en salle pour qu’on lui dégueule au visage à quel point l’être humain peut être vicieux. Le public paye pour voir Jarry pérenniser le cliché de l’homme gay enfermé dans La Cage Aux Folles et en rire. Le public paye pour voir des gens des banlieues parler un verlan daté et banal. Le public paye pour rire de la maladie d’Alzheimer parce que c’est bien connu qu’une vieille personne qui pense coucher avec Madonna c’est rigolo (pas sûr que ce soit le même public qui ira se manger la mandale qui l’attend devant The Father). On a les comédies qu’on mérite…ce n’est pas une fatalité, juste un constat.

Du coup, mon cher Anthony, comment peux-tu expliquer et convaincre les gens que, malgré tous les défauts que tu relèves, tu n’as pas boudé ta séance ? Impossible ! Puisque tout cela ne tient qu’à un seul sentiment qui t’est propre : ton rapport aux comédiens. Le film titille ta corde sensible et le bonheur que tu as à retrouver ces acteurs qui ont fait de toi le cinéphile que tu es. Alors ne doute plus de ta légitimité à choisir de défendre des projets comme Maison de Retraite parce qu’ils font parti intégrante de ton ADN. Tu aimes ce genre de projet non pas pour l’écriture bancale et frigide, mais bel et bien pour le simple plaisir nostalgique qui te ramène de nouveau dans tes pantoufles d’enfant à l’effigie des tortues ninjas. Ce petit garçon qui n’avait que faire d’un corpus scénaristique riche tant que les images lui apportaient un vrai moment de divertissement.

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