Édito – Semaine 30

Dans une interview récente donnée dans le cadre de la promotion de leur film The Gray Man, blockbuster à 200 millions de dollars réalisé pour Netflix, les frères Russo ont déclaré assez brutalement que  »la sacralisation de la salle de cinéma c’est des conneries. » Voilà bien une phrase qui résume la tournure opportuniste de la carrière des deux frangins, eux qui il y a quelques années étaient loin de déclarer la même chose lorsque leurs films Marvel, notamment Avengers : Infinity War et Avengers : Endgame dépassaient des records au box-office en sortant uniquement… au cinéma ! Passés maintenant de l’autre côté du spectre, il est normal que les Russo défendent la SVOD mais on ne peut qu’être consternés par la façon dont ils le font, jugeant la salle de cinéma élitiste alors que ce même public soi-disant élitiste a été celui qui a porté leurs films réalisés pour Marvel en triomphe.

Il est vrai que le Covid a créé (entre autres) une crise dans le secteur du cinéma, on l’a bien vu, à la fois en Amérique et en Europe où les salles de cinéma ont subi une sacrée baisse d’affluence (mais la France s’accroche, restant le pays d’Europe ayant le moins chuté dans ses taux de fréquentation). Dans ce contexte où les cartes sont perpétuellement rebattues (le cinéma est en crise mais Netflix aussi, la plate-forme au N rouge ayant perdu un million d’abonnés depuis le début de l’année), on ne s’étonnera pas de voir les frères Russo jouer un jeu qu’ils connaissent bien, à savoir surfer sur un effet du moment pour mettre en valeur leur travail. Producteurs au nez fin capables de déceler ce qui pourra plaire au public de façon immédiate (Tyler Rake, Everything Everywhere All At Once), ils sont cependant de bien faibles cinéastes, se montrant perpétuellement incapables de transcender les enjeux de leurs récits par la mise en scène. C’est ainsi que leurs films Marvel tout comme leur tentative ridicule de faire un film plus sérieux avec Cherry ou encore leur dernier en date The Gray Man sont tous des films fonctionnant au moment où on les voit mais qu’on aura déjà oublié au bout de quelques jours, les frangins aimant, pour pallier leur manque de savoir-faire, multiplier les plans sans queue ni tête pour titiller la rétine du spectateur. On pense notamment aux plans au drone de The Gray Man, utilisés sans raison simplement pour faire cool là où quelques mois plus tôt, Michael Bay en faisait une partie intégrante de sa mise en scène dans Ambulance.

On ne peut donc que doucement rire face aux propos des frères Russo qui dénoncent la sacralisation de la salle de cinéma, eux qui se montrent de toute façon incapables de faire du cinéma et qui n’ont visiblement jamais compris sa grammaire. Dans cette optique, bien évidemment que leurs films sont faits pour Netflix, ils ne font que procurer un plaisir immédiat sans conséquence. Qu’ils laissent donc la salle à ceux qui sont dignes de faire des films vus sur grand écran (car, sans revenir sur l’éternel débat de ces derniers temps sur les salles de cinéma versus les plate-formes SVOD, oui clairement certains films méritent plus la salle que d’autres) et arrêtent de dire des conneries pour faire des bons films, ça nous changera un peu.

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