Les Traqués de l’An 2000 : Punishment Camp

On ne va pas réitérer nos propos sur tout le bien que nous pensons de la ligne éditoriale de Rimini Éditions, nos précédents articles parlent d’eux-mêmes. Seulement, une fois n’est pas coutume, l’éditeur nous a gratifié d’un film que nous n’espérions jamais voir honoré du format blu-ray. Les Traqués de l’An 2000, sorti en plein âge d’or de la Ozploitation et réalisé par Brian Trenchard-Smith (L’homme de Hong Kong) est typiquement le genre de film d’exploitation que l’on aurait adoré découvrir installé confortablement dans une Cadillac au cœur d’un drive-in en train de siroter une bonne mousse et de déguster des pop-corn bien chauds. Film à ne surtout pas confondre avec Les Révoltés de l’An 2000 (excellent film au demeurant, mais au sujet radicalement différent), Les Traqués de l’An 2000 est un film de chasse à l’homme qui emprunte les codes du film de prison autant que ceux de l’anticipation. Véritable fourre-tout absolument jubilatoire pour lequel vous risquez de tomber follement amoureux…et vous serez bien les seuls, on vous explique pourquoi ci-dessous.

Dans un futur proche, un gouvernement totalitaire fait arrêter les citoyens considérés comme déviants et les interne dans de terribles camps de rééducation où se pratiquent humiliations, sévices et tortures. Que vous soyez à peine soupçonné de prostitution ou bien que vous vous exprimiez un peu trop librement, vous serez internés. Charles Thatcher, le directeur de l’un des camps à la réputation la plus sévère, décide d’organiser une chasse à l’homme pour quelques clients fortunés. Certains prisonniers seront lâchés dans une forêt proche et serviront de gibier sous réserve de leur rendre leur liberté à la condition de survivre.

Les Traqués de l’An 2000 est qualifié par son propre réalisateur de pire film qu’il n’ait jamais réalisé. Il rejette en bloc son projet et s’estime heureux de s’être fait un nom avant la sortie de celui-ci, sans quoi il n’aurait pas donné cher de sa carrière. Si le rejet s’arrêtait à Brian Trenchard-Smith, nous pourrions conclure à une simple erreur de jugement, mais c’était sans compter sur la quasi-totalité du casting qui n’aime pas du tout le film non plus. Oser proposer une édition blu-ray, dans un master vraiment somptueux, d’un film que les principaux intéressés dézinguent en bloc relève d’un génie qui nous fait encore plus aimer Rimini Éditions. Il y a, bien évidemment, des raisons concrètes à la dépréciation du film. Pour Brian Trenchard-Smith, cela vient du fait qu’il s’est vu couper drastiquement le budget du film ainsi qu’une semaine en moins de tournage sur son planning. On ne lui allouait plus que 30 jours pour tout boucler (il le fera en 28). De fait, il sacrifia les quinze premières pages du scénario, pages cruciales qui devaient mettre en place toutes les bases de son histoire. Ainsi, Les Traqués de l’An 2000 entre directement dans le vif du sujet et plonge immédiatement le spectateur aux côtés des trois héros du film que l’on va interner contre leur gré. Mais les sacrifices ne s’arrêtent pas au charcutage du scénario : aucuns cascadeurs ne pouvaient être présents, obligeant les figurants à se mettre eux-mêmes en danger; les effets pyrotechniques étaient assurés par l’un des acteurs ; l’entente entre les membres du casting était froide… Entre Steve Railsback qui appliquait la méthode « actor studio » et était exécrable sur le plateau, les deux actrices principales à qui l’on a imposé de la nudité sans leur consentement et les divers autres comédiens qui jugeaient le scénario abominable, parvenir à boucler le tournage relevait du petit miracle. Et pourtant… pourtant… Les Traqués de l’An 2000 est très loin d’être un navet éhonté. Bien au contraire, le film transpire l’art de la débrouille et les envies de mise en scène de son auteur.

En dépit du sacrifice des pages censées poser l’univers de l’histoire, Les Traqués de l’An 2000 ne souffre aucunement d’un manque de cohérence. Par le biais de quelques scènes astucieusement choisies, Brian Trenchard-Smith parvient à nous embarquer au cœur de sa dystopie, on y croit dur comme fer. Bien sûr nous concevons la frustration qu’il a du ressentir, mais en aucun cas son film est incompréhensible. De plus, le premier acte du film fait preuve d’une mise en scène imaginative avec des plans qui impriment sacrément la rétine. Il y a un travail exemplaire sur la mise en image, c’est loin de ressembler à un navet intersidéral, c’est même plutôt tout le contraire. Compte tenu de son budget ridicule et du temps de tournage vraiment minime, Trenchard-Smith témoigne d’un sang-froid assez magistral afin de parvenir à contenir toutes ses ambitions et les réaliser coûte que coûte. Lorsque le film décide de lâcher les chiens et de se la jouer « Délivrance du futur », toutes les obsessions gores du réalisateur son mises en avant. Le film bascule dans un survival hargneux qui en inspirera plus d’un par la suite. De Chasse à l’Homme à Battle Royale au tout récent The Hunt, tous doivent un petit quelque chose aux Traqués de l’An 2000. La partie de chasse amorce un troisième et dernier acte particulièrement violent et qui prévaut à lui-seul la (re)découverte du film. Quel pied incroyable que de voir les personnages faire sortir leur rage. Non seulement il y a la rage contenue par les héros, mais aussi celle contenue par les acteurs qui subissaient plus qu’ils ne s’amusaient ainsi qu’un discours à peine dissimulé contre la politique de Margaret Thatcher, alors première ministre du Royaume-Uni. Ce n’est pas anodin si le grand méchant de l’histoire porte le même nom qu’elle. Question subtilité, on a connu mieux, mais qu’importe, Les Traqués de l’An 2000 est le genre de film dévergondé qu’on ne regarde pas pour sa finesse d’écriture, mais bien pour les images les plus crades qu’il a à nous offrir et qui sont conditionnées par une pensée anarchique probante.

En dépit du fait qu’il soit renié en bloc par presque tout son casting, Les Traqués de l’An 2000 est un ovni comme on n’oserait plus en faire aujourd’hui. Totalement politiquement incorrect et, de facto, absolument génial, Rimini Éditions propose de nous replonger vers une sacrée page de la Ozploitation où aucuns tabous n’étaient trop extrêmes pour être montrés. Quand bien même Brian Trenchard-Smith s’est rendu compte qu’il envoyait une image très sexiste de sa vision des femmes, Les Traqués de l’An 2000 est à apprécier en faisant fi d’un quelconque révisionnisme. Le film baigne encore parfaitement dans son jus. Un jus constitué de tripes, de sang, de mains coupées, d’un homme-loup dégénéré, de flèches explosives et d’une idéologie nazie nauséabonde qu’on explose sans vergogne à grands coups de bazooka. Un classique du bis définitivement indispensable !

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