Menteur : Tel est pris qui croyait prendre

La comédie française est depuis quelques mois en pleine effervescence. Séquelles à foison de franchises en roue libre ou tentatives au pitch accrocheur et au titre concis, plus que jamais, le genre phare du cinéma hexagonal est irréductible, entraînant avec force les salles de cinéma vers la faillite… quoique le dernier long métrage réalisé par Jérôme Commandeur est actuellement un succès, profitant des trois jours de La Fête du Cinéma de cette année 2022. La production française tourne inlassablement en rond, se mordant la queue tel un chien des rues pris d’une crise hémorroïdaire. Exemple fait des sorties en attente pour cet été, notamment Menteur, nouveau long métrage d’Olivier Baroux après Les Tuche 4, qui adapte pour le public français un succès éponyme du cinéma québécois réalisé par Emile Gaudreault sortie en 2019.

Adapter est un grand (gros ?) mot au vu du travail effectué pour transposer le film de Emile Gaudreault pour le public français. Transposer est un mot bien plus approprié pour marquer la production de cette commande de la Gaumont à Olivier Baroux, metteur en scène en verve qui a fait les joies du box-office plutôt que des écoles de cinéma pour l’étude de sa mise en scène. La remarque est gratuite mais juste, tant Olivier Baroux est loin d’un Gérard Oury ou un Claude Zidi. Il a eu les bonnes idées au bon moment (merci Les Tuche) tout en étant un bon collaborateur pour les studios français. Outre la série autour de la famille Tuche dont nous avouons volontiers un attrait particulier, regarder la filmographie de Baroux réalisateur peut relever d’une épreuve de Koh Lanta. Et malgré tout la sympathie d’une bande-annonce efficace montrant les grandes lignes du film, la crainte de saigner des yeux face à Menteur est fort probable.
Transposant le scénario original avec deux ou trois péripéties et autres blagues lourdes en plus, Olivier Baroux repart en terrain conquis sur la côte niçoise pour narrer les tribulations d’un menteur invétéré, à savoir Jérôme qui insupporte sa famille et ses proches avec ses mensonges quotidiens. Ils font alors tout pour qu’il change d’attitude. N’écoutant pas ce qu’on lui reproche, Jérôme s’enfonce de plus en plus dans le mensonge jusqu’au jour où une malédiction divine le frappe : tous ses mensonges prennent vie. Commence alors pour lui un véritable cauchemar.

La malédiction de l’histoire est une fumeuse excuse pour mettre en scène les gags et les situations les plus improbables à l’écran. Le film commence chez des moines qui sentent le mal arriver à force des mensonges répétés de Jérôme. Ils décident donc d’agir en attaquant le personnage incarné par Tarek Boudali. Après deux apparitions, les moines disparaissent du film sans la moindre justification d’un scénario ficelé comme une cagole niçoise de 70 ans un samedi soir estival. Tout est maquillé pour cacher les moindres défauts d’un scénario flétri. Menteur est une excuse commerciale regroupant ses meilleurs atouts pour faire remplir les caisses de la Gaumont. Un casting attrayant et « à la mode » accompagne une histoire simple et attrayante, vendeuse via une affiche rassurante et une bande-annonce amusante. La Gaumont réussit son pari tant ce film rance qui s’oubliera après deux rediffusions sur TF1 est aussi efficace que nul.
Les péripéties sont ainsi toutes présentes dans la bande-annonce martelée à tire-larigot depuis quelques semaines. On rit certes de bon cœur mais la trame est cousue de fil blanc, accompagnant son héros vers une rédemption salvatrice pour son propre bien et celui de son entourage. On ne fera pas étalage ici des différentes tribulations de Jérôme vous laissant le soin de regarder les spots promos. Tarek Boudali est pour sa part charmant en Jérôme, menteur compulsif et beau gosse arrogant. Si La Bande à Fifi joue en permanence sur l’image de l’acteur, Olivier Baroux ne cherche jamais à se défaire du cliché Boudali. Sûr de lui et charismatique, il renvoie l’image de l’acteur dans LOL, infaillible face aux énormités racontées tout le long d’un film qui s’appuie entièrement sur lui. Artus est également en roue libre n’échappant pas à cette image débonnaire dans le rôle du frère. Affublé d’une chemise de toutes les couleurs et toujours trop sympathique, Artus fait du Artus avec talent. Bizarrement, il y a une fraternité qui se crée conduisant le film sans volant, mais avec un réel engouement. Le film fonctionne grâce à la ferveur des comédiens tous au diapason. Si Bertrand Usclat est présent grâce à sa popularité sur Internet coché par la direction du casting, il en est de même pour la jolie et singulière Pauline Clément. Fidèle complice de Bertrand Usclat dans Broute, elle est la révélation de ces derniers mois. Qu’il s’agisse d’internet, de la télévision ou du cinéma elle est partout, affichant un talent certain, actrice malléable et talentueuse de son état. À l’image d’une Anémone, elle laisse percevoir une carrière ample, Pauline Clément étant en parallèle Sociétaire de la Comédie-Française, prouvant tout le talent d’une actrice sur laquelle il va falloir compter à l’avenir. Elle est le rayon de soleil de ce petit film où elle prend l’affiche pour son bien. Elle assure dans un rôle deux en un, love interest de Tarek Boudali qui perd pied face à elle. Et c’est à raison, Pauline Clément est formidable.

Menteur est un remake pas bien finaud prouvant tout le manque de talent de la comédie française actuelle. Le film est le symbole de tous les maux d’une industrie en manque d’idées. Pourtant ce n’est pas les scénaristes qui manquent en France, des dizaines sont récompensés tous les ans par des écoles hors de prix. Mais le constat est que la Gaumont a besoin de piquer les idées dans le cinéma des autres pour exciter un marché en mort cérébrale. Malheureusement pour elle on doute que le film d’Olivier Baroux soit l’oeuvre d’un messie, tant la superficialité de cette production fait peine à voir. Menteur est une accumulation de facilités où seule Pauline Clément prend la lumière pour être le soleil d’un divertissement mécanique, voire basique.

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