Peaky Blinders : Le fardeau de l’ambition

C’est dans 28 jours plus tard (2002), de Danny Boyle que Cillian Murphy interpelle l’attention des spectateurs, avant de véritablement nous intriguer dans Batman Begins (2005) de Christopher Nolan, interprétant l’Épouvantail. Le réalisateur britannique va repérer le talent de l’acteur irlandais en lui donnant différents rôles, dans ses films : The Dark Knight (2008), Inception (2010), The Dark Knight Rises (2012) ou Dunkerque (2017). Avant de lui donner enfin son premier rôle dans sa nouvelle production : Oppenheimer (2023). Biopic qu’il incarnera à travers le créateur de la bombe atomique. Le prestige d’avoir fait partie de ces films a permis à Cillian Murphy d’obtenir une notoriété importante. Mais l’œuvre qui le hisse au rang de star parmi les acteurs les plus marquants de son époque sera son rôle dans la série Peaky Blinders où il incarne le gangster Thomas (Tommy) Shelby lors de 6 saisons réparties sur 9 ans, de 2013 à 2022.

Peaky Blinders est une série historique créée par Steven Knight se déroulant majoritairement à Birmingham à partir de 1919, après la Première Guerre mondiale. La guerre va bien évidemment résonner encore dans les esprits des anciens soldats. Tommy Shelby fait partie de cette longue liste de victimes du traumatisme de la Grande Guerre. Mais il va devoir faire abstraction de ce qu’il a vécu en France afin d’atteindre son objectif qui est de dresser sa famille au sommet du pouvoir.

Pour y arriver, les Shelby, membre du gang des Peaky Blinders, vont façonner leur empire en partant de trucages de courses hippiques au monde de la politique par le biais de Tommy, qui passe donc de bookmaker à député. C’est lui l’atome qui va faire graviter toute l’intrigue du récit et ces personnages autour de lui.

Cette série est historique, retraçant des moments de l’Histoire comme l’entre-deux-guerres, la prohibition, le krach de la bourse de Wall Street en 1929 ou la montée du fascisme, le tout accompagné par des figures de l’Histoire comme Charlie Chaplin, Winston Churchill, ou l’énonciation d’Al Capone, Mussolini ou Adolf Hitler. Peaky Blinders va raconter l’ascension de la famille Shelby dans un monde aussi malveillant qu’eux.

Peaky Blinders se veut historique mais la série est en réalité un western moderne. Rien qu’avec la typographie du générique, avec ce blanc sali, nous avons le ton du style de la série qui sera inspiré par le genre glorifié par John Ford et Sergio Leone. Mais surtout par le style avec lequel sera icônisé le gang de Birmingham. La première apparition de Thomas Shelby va l’illustrer à dos de son cheval noir dans cette rue qu’il rend déserte.

Ainsi le premier épisode de la saison 6 qui est un véritable hommage au western, avec cette entrée de Thomas, tel un cow-boy, qui rentre dans un saloon, avant de se faire accoster par les habitants de l’île et de rentrer en conflit avec ces derniers.

La musique va également appuyer ce ton propre au western, par ses sonorités rock (la chanson Red Right Hand de Nick Cave ouvrant chaque épisode), rendant emblématique l’entièreté de la série, exposée par les plans de personnages marchant majoritairement dans la rue, n’hésitant pas à pousser la fréquence d’images par seconde afin de pouvoir dévoiler de somptueux ralentis sublimant le charisme des Peaky Blinders.

L’une des plus grandes qualités de la série est la photographie, tenant simplement du chef d’oeuvre. Une teinte mêlée de gris et de marron va habiller l’aspect sale des rues ou des terrains boueux. Elle sublime en outre de somptueux décors, accompagnés par de nombreux plans transpercés par les diffusions de lumières récurrentes, venant généralement des fenêtres. Ce qui va par conséquent apporter du relief à la photographie de la série. 

Même si le décor est gris et sombre, une couleur va venir contraster et apporter de la lumière à l’atmosphère de la série. Cette couleur sera ce vert brillant porté par Grace (Annabelle Wallis). L’utilisation de cette couleur va, certes, indiquer l’arrivée d’un personnage qui diffère de la tonalité de la série, mais elle va surtout apporter la lumière dans la froideur de Tommy ainsi que dans l’ambiance générale de la série dictée par ce dernier. Cependant, quiconque rentre dans la vie de Thomas Shelby sera condamné à graviter autour de lui. Cela se prouve une nouvelle fois par la couleur de la veste de Grace, avant qu’elle quitte la ville, qui ne va plus être vive et colorée mais marron, terne. Conséquences du rapprochement avec Tommy et l’atmosphère de Birmingham qui sont les deux éléments qui ont déteint sur le personnage matérialisé par sa veste, passant donc d’un vert coloré à son arrivée à ce marron terne à son départ.

Thomas Shelby contrôle sa famille pour mener à bien les affaires et hisser son image de Business man au sommet de la société. Il va se servir d’elle en unissant par exemple son frère, John (Joe Cole) à Esme Lee (Aimee-Ffion Edwards) afin de pouvoir créer une alliance avec le clan des Lee. Le contrôle qu’il l’aura dans la famille va également être illustré lors de la scène qui illustre Tommy payant Linda (Kate Philips) afin qu’elle continue d’aimer Arthur (Paul Anderson), frère de Tommy afin de pouvoir le maintenir psychologiquement. Il s’alliera avec ses ennemis pour pouvoir, par la suite, les détruire, comme Billy Kimber (Charlie Creed-Miles), bookmaker influant, ou Oswald Mosley (Sam Claflin), défenseur du nouveau parti fasciste Britannique.

La Guerre n’est jamais finie. Les affaires passent devant la famille, et cela convient à Tommy, surtout après avoir trahi sa propre famille. Mais sa rédemption va le contraindre à rencontrer de nouveaux ennemis, tout en continuant à véhiculer de la haine au sein de sa famille par le biais de la rancune de Polly (Helen McCrory) ou de la prochaine menace du fils de cette dernière : Michael (Finn Cole).

Chaque membre de la famille sont des soldats membres de l’armée des Peaky Blinders, dirigés par Tommy qui en est donc le leader. Il tisse les stratégies, planifie les meurtres qu’il exécute, pour certains, lui-même. Polly va être la seule à pouvoir tenir tête à son neveu. Arthur sera son bras droit tandis que John complétera le trio principal du gang, pour cette première moitié de série. L’arme principale de Tommy ne sera ni un revolver, ni un couteau ou la lame dissimulée dans son béret, mais les mots qu’ils manient face à ses interlocuteurs, les écrasant, les convainquant, ou les humiliant avec le simple maniement de sa parole et son charisme. Mais quand la parole manque, il est désarmé, comme en témoigne la fin de la saison 2 au coeur de laquelle, à court d’arguments, il s’apprête à être abattu.

La mise en scène va évoluer lors des deux dernières saisons, car même si les deux premières saisons se terminent par un plan séquence, l’apport de nombreux autres plans uniques vont se glisser dans le récit de ce western moderne. Comme la lente agonie de la victime d’Arthur ou ce long plan de tension qui patiente intensivement avant le déclenchement de l’exécution de Tommy sur son vis-à-vis. Des plans séquence accompagnés par quelques travelling compensés, qui vont compléter le style de réalisation par l’apport de ces distorsions d’images.

Mais la mise en scène va se dresser à son apogée dans l’ouverture de l’épisode 2 de la saison 5, qui est le sommet de la série. Dans le silence, une brume envahit le décor, vaste, isolant Tommy qui s’est enfermé dans un piège. Une scène qui met en scène le mystère, la tension, la folie, la vulnérabilité et la violence provoqués par l’atmosphère et la psychologie de Tommy Shelby.

A force de battre plus fort que soit, et d’éviter miraculeusement chaque tentative de meurtre, la notion de mortalité semble révolue pour Thomas Shelby, tous comme de nombreux gangsters, dont le plus célèbre d’entre eux, qui est Al Capone. Décédé non pas par le biais d’une quelconque arme, mais d’une crise cardiaque. Comme quoi, même les plus puissants sont aussi vulnérables que les plus modestes. Morale que l’on retrouve dans Capone de Josh Trank qui expose avec humanité ce gangster intouchable périssant par la maladie.

Le fardeau que porte Tommy est son ambition de vouloir battre chaque adversaire qui va se dresser sur sa route. Mais comme il le dit lui même si bien, en parlant de ses 3 jardiniers : « Trois générations d’hommes sans ambition, plus heureux que je ne le serai jamais…” Phrase qui résume la lourde conséquence de son ambition tout en prenant conscience de l’identité de l’adversaire que Thomas Shelby ne pourra pas battre, qui n’est autre que lui-même. Rongé par la culpabilité véhiculée par son amour éternel envers Grace, ou ce qu’il a fait endurer à son entourage, tout en ayant la hantise du traumatisme de la Grande Guerre qui façonnera ce personnage autodestructeur.

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