Elvis : Une légende en cage

Baz Luhrmann nous expose à nouveau un monde superficiel à travers un personnage hors normes. Après Gatsby, le Magnifique (2013) incarné par Leonardo DiCaprio, personnage mystérieux nageant dans la fortune et la célébrité, il va réitérer la formule, en rendant hommage à la légende absolue : Elvis Presley interprété par Austin Butler. Ce personnage correspond parfaitement au style du réalisateur, car comme Gatsby, le Magnifique, Luhrmann va sublimer la frénésie indissociable à Elvis dans son récit, à travers un montage ultra dynamique, évoluant sur le tempo imposé par Presley. Le découpage sera accentué par les couleurs vives qui vont permettre de traduire la richesse et le côté bling-bling de la star, ce qui par conséquent va permettre avec succès de nous faire prendre conscience du choc que va apporter ce phénomène, possédé par la musique, la sienne.

Forrest Gump (1994) nous embarquait dans l’Histoire des Etats-Unis et ses nombreux évènements : l’un d’eux fut l’apparition d’Elvis Presley. L’œuvre de Robert Zemeckis se servit de la fiction afin de permettre à son personnage, incarné par Tom Hanks, d’être l’auteur du déhanché légendaire d’Elvis. 28 ans plus tard Tom Hanks se retrouve à nouveau lié à ce personnage iconique. Il n’incarnera plus pour l’heure le bienveillant Forrest Gump mais un manager malveillant qu’il interprétera sous le nom de Tom Parker. La narration de l’antagoniste est originale, dans la mesure où le narrateur est le personnage avec lequel on s’attachera pendant toute la durée du film. Mais Parker s’avère être un arnaqueur, et cette façon qu’il aura de nous prendre à parti va en quelque sorte nous envoyer de la poudre aux yeux, pour qu’on soit pris d’empathie à son égard afin de nous faire ressentir l’escroquerie qu’aura vécu Elvis Presley.

La légende d’Elvis certes est marquée par l’impact de son talent mais aussi par les frontières qu’il va franchir. Dans un premier temps la politique va être bouleversée par une société loin d’avoir trouvé toutes les solutions au problème du racisme… Là où la discrimination culturelle va diviser, Elvis va quant à lui se servir de sa musique pour unir, ce qui va provoquer le scandale. Elvis est un homme de couleur blanche mais la musique qui le possède est néanmoins nourrie par le blues, le gospel ou le rock nés de la culture afro-américaine. Il va se servir de ce qui l’habite, tout comme les afro-américains, pour pouvoir s’exprimer librement, comme l’illustre cette phrase du révérend qui dit : ”Si c’est trop dangereux de le dire, chante-le !”.

Dans un second temps, la manière d’exprimer son art va scandaliser les détracteurs. Son déhanché choque la société. Mais les légendes bousculent les codes, les a priori, bouleversant la société qui va finalement idolâtrer ce personnage porteur d’évolution. D’autres chefs d’œuvre ont également choqué la société par les codes qu’ils enfreignaient comme Le Sacre du printemps (1913) écrit par le compositeur russe Igor Stravinsky qui illustrait son ballet par une danse très particulière, disgracieuse, incomprise. Au cinéma, une œuvre va également faire scandale en 1971, à travers le chef d’œuvre Orange Mécanique de Stanley Kubrick, qui fit polémique en raison de son exposition d’une violence crue.

Outre son statut de biopic, Elvis est également un film musical nous embarquant à travers le répertoire d’Elvis Presley. La caméra va se positionner dans l’espace de manière à mettre en valeur la star, sans pour autant oublier les musiciens qui harmonisent l’énergie véhiculée par Presley. La célèbre chanson d’Elvis, Can’t Help Falling In Love peut éventuellement faire office de berceuse. Comme quoi une bête de scène peut apporter de la fragilité à son éventail d’atouts musicaux. De plus, ce morceau va être la chanson, arrangée soit pour cordes, soit orchestré par l’union des sections instrumentales, afin d’habiller la psychologie du personnage éponyme au métrage.

Tom Parker, l’antagoniste et agent d’Elvis, ne va pas libérer sa conscience pour pouvoir enfermer sa création, sa plus belle attraction. Ce n’est pas la musique qui va l’intéresser mais l’argent qu’il va lui rapporter, faisant de cet être humain une marque internationale. Pourtant la métaphore de la perdition va être exposée à travers une galerie de miroirs afin d’exprimer la sensation d’égarement d’Elvis. La représentation de la perdition de Presley va être illustrée par une scène dans laquelle il se perd à travers ses multiples reflets, cette même scène dans laquelle le perfide Tom Parker va gagner la confiance du jeune rockeur, en lui ouvrant la porte qui accède à la sortie de cette galerie des glaces afin de l’enfermer et de le garder dans sa propre cage ; une prison va alimenter Elvis de l’amour superficiel véhiculé par ses fans. Elvis va établir un constat de son passage sur Terre en relevant le fait que malgré sa carrière d’acteur, il n’aura rempli en réalité aucun rôle, ni celui de père, ni celui de mari. Il va, à la place, plonger l’Amérique dans le deuil tout comme Martin Luther King et John Kennedy avant lui en disparaissant et ce sans avoir eu la réelle occasion de s’accomplir, le drame d’une vie et d’une légende que Luhrmann montre parfaitement.

1 Rétrolien / Ping

  1. Rimini : L'éternel retour des rimes intimes -

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*