MUBI : Une plate-forme à (h)auteurs de Cinéma…

Énonçons d’emblée l’évidence à laquelle les cinéphiles d’aujourd’hui et de demain doivent et devront fatalement se rendre pour une durée encore totalement indéterminée : le Cinéma et ses moyens de diffusion les plus répandus depuis quelques années désormais semblent inéluctablement se loger dans les contrées à la fois prolifiques et vertigineuses du système peer to peer et du Tout-numérique, délaissant en quelque sorte le confort traditionnel, ritualiste pour certains (et à notre sens irremplaçable) de la salle du cinéma. En a alors découlé le développement exponentiel de plates-formes VOD et/ou SVOD consacrées au Septième Art et ses intarissables productions filmiques dès le milieu des années 2000, et encore davantage depuis une petite dizaine d’années ; Netflix bien entendu, qui a résolument installé son hégémonie en pariant sur la consommation de masse et les productions standardisées au coeur desquelles rien ne dépasse (ou si peu, ou du moins très rarement…), service ultra-puissant étant allé jusqu’à récupérer certains de nos plus grands réalisateurs de l’Histoire du Septième Art à dessein (Martin Scorsese et son décevant The Irishman ou encore David Fincher pour son copieux et très référencé Mank ainsi que son prochain projet sobrement intitulé The Killer, ndlr). Bien d’autres institutions virtuelles tentent et tenterons encore avec conviction et ligne éditoriale de rigueur de noyer le gros poisson sus-cité, allant se nicher dans le genre pur et dur dans le cas de la plate-forme Shadowz (fidèle partenaire de Close-Up depuis plus d’un an maintenant, suivi de façon pratiquement hebdomadaire par notre passionnant et passionné rédacteur et cinévore Anthony Verschueren) ou dans les tréfonds du monde mésestimé du direct-to-video avec l’exemple de Outbuster

Gabe Nevins dans Paranoid Park de Gus Van Sant (2007)

Parmi les plates-formes exigeantes et pleinement éclectiques une se démarque des autres de façon suffisamment éloquente pour mériter quelques bons mots : il s’agit de MUBI, prodigieuse vidéothèque se métamorphosant de jour en jour à raison d’un nouveau film par jour et disponible pour trente, et ce pour la somme mensuelle de 9.99 euros après une période d’essai de 7 jours gracieusement offerte par le site. Vieille de plus de quinze ans la plate-forme que constitue MUBI a dès ses origines mis un point d’honneur à défendre le cinéma d’auteur, orientant son public principalement vers les pépites du cinéma européen à travers les âges ou encore certains classiques incontournables de l’Histoire du Septième Art. Fière de sa politique culturelle à la fois classique, fédératrice, audacieuse et spécifique ladite plate-forme instaure son originalité dans son impermanence délibérée, amenant le cinéphile à suivre quotidiennement son offre pour mieux (entendons intelligemment) le fidéliser sur le long terme.

Timothy Spall dans All or Nothing de Mike Leigh (2002)

Imaginez vous un peu le musée imaginaire moderne et faramineux que propose mensuellement le site britannique, allant jusqu’à télescoper des univers filmiques aussi disparates que les visions éthérées d’un certain Gus Van Sant et son cinéma poseur et protéiforme (le beau et très dostoïevskien Paranoid Park est encore disponible sur la plate-forme une petite dizaine de jours au moment où vous lisez ces lignes, ndlr), les cas de conscience délibératoires des familles iraniennes du cinéma de Asghar Farhadi ou encore les documents manifestes et clairement écologiques de la cinéaste Colline Serreau (ses Solutions Locales pour un Désordre Globale sont en exclusivité sur MUBI depuis le 10 juin, ndlr)… Par quoi, comment appréhender alors cette fameuse notion de « cinéma d’auteur » au regard du bouquet évolutif dudit site ? Rien de moins qu’en acceptant de recevoir une vision d’artiste, authentique et ouverte vers d’autres mondes, allant des sublimations plastiques d’un Terrence Malick (la diffusion fugace de la version moyen métrage en IMAX de son somptueux Voyage of Time nous avait littéralement cueilli en décembre de l’année dernière, ndlr) aux visions tortueuses du finlandais Jukka-Pekka Valkeapää (son rare et superbe Dogs don’t Wear Pants compte parmi les plus belles fables masochistes et suggestives de ces cinq dernières années) en passant par d’autres facettes plastiques telles que le cinéma un rien suranné de Louis Malle (Au revoir les Enfants, petit chef d’oeuvre bouleversant des années 80, est à revoir d’urgence ce mois-ci), les mises en forme rêches et peu aimables d’un Robert Bresson ou encore la misère du quotidien filmée avec rigueur et tragi-comédie par le chantre du cinéma social britannique Mike Leigh (All or Nothing, également au programme de ce mois de juin 2022, n’a rien à envier à un film tel que Secrets et Mensonges du même auteur…).

Raphael Fetjö et Gaspard Manesse dans Au revoir les enfants de Louis Malle (1987)

Si l’éphémérité du catalogue marque l’une des (petites) limites de la plate-forme sa diversité et son souci de brasser tous les types de cinéastes dès lors qu’ils témoignent d’un regard à la fois éclairant et passionnant sur le monde font de MUBI l’un des sites de SVOD les plus riches et les plus inépuisables de la sphère internet. Sans remplacer le sanctuaire de la salle obscure ladite plate-forme en constitue néanmoins le parfait complément, vidéothèque idéale pour tout cinéphile digne de ce nom.

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