Super-Héros Malgré Lui : Batman au pays des bouffons

Lorsqu’il s’agit d’aborder son cinquième long métrage en tant que réalisateur, il faut s’attendre à ce que les gens vous pardonne de moins en moins vos dérapages. En tant que critique, une question nous taraude. A partir de combien de films peut-on déterminer ce qui fait la sémantique du cinéma d’un auteur ? D’aucuns diront qu’elle est palpable dès le premier film, d’autres préféreront attendre de constituer un corpus d’œuvres afin d’avoir de la matière à disséquer. Question épineuse surtout lorsqu’il s’agit de s’attaquer à un auteur qui peine à faire l’unanimité. De notre point de vue, Philippe Lacheau est un réalisateur en lequel nous avons fondé énormément d’espoir. Dès 2014 et la sortie de son premier film, Babysitting, nous nous exclamions avoir trouvé un digne héritier du slapstick à la française. Enfant de la grande époque Canal +, il est évident que Lacheau est un inconditionnel des Nuls (et par conséquent de l’humour absurde hérité des Z.A.Z.). Possédant un sens du burlesque et de la parodie incontestables, Philippe Lacheau est de ces réalisateurs dont nous persistons à aimer le cinéma pour le simple plaisir régressif qu’il nous apporte. Tout comme le travail de comédiens comme ceux du Palmashow, il renoue avec la tradition du film de bande. La fameuse bande à Fifi offre ce décalque savoureux du plaisir que prenait nos aînés à aller voir les films du Splendid au cinéma. Après son adaptation de Nicky Larson loin d’être déconnante, il continue de parfaire ses rêves de gosse en s’offrant un costume taillé sur mesure dans une parodie de films de super-héros. Seulement, à ce stade de sa carrière de réalisateur, Lacheau se doit de se mesurer à de nouveaux challenges. S’il est parvenu sans mal à se créer une fanbase solide, il s’agit désormais de la sustenter, de la garder et de la surprendre. Est-ce que Super-Héros Malgré Lui transcende les ambitions comiques de son réalisateur ?

Apprenti acteur en galère, Cédric décroche enfin un rôle majeur dans un film de super-héros français, Badman. Un soir, il est victime d’un accident de la route à bord d’une voiture du film. Se réveillant amnésique et vêtu de son costume de justicier, Cédric est alors persuadé qu’il est le véritable super-héros et qu’il a une mission très importante à mener.

Le premier tiers du film ne laisse planer aucun doute : nous sommes bien dans l’univers de Philippe Lacheau. Les gags visuels pleuvent dans tous les sens, les personnages sont gratinés à leur paroxysme et les vannes en-dessous de la ceinture pleuvent à n’en plus pouvoir. Il y a bien un héritage du travail des Z.A.Z. qui se dessine en filigrane notamment lorsqu’il s’agit de meubler les arrières-plans. Prêtez bien attention à ce qu’il se passe au fond de l’image, il y a toujours quelque chose de drôle qui s’y passe. Mention honorable pour la vanne mettant en scène un moine qui, si elle est vraiment graveleuse, aura eu le mérite de nous offrir une jolie crampe à la mâchoire. Pour sûr, Super-Héros Malgré Lui démarre sous les meilleures auspices et flatte le fan du travail de Lacheau. Pourtant, vient le moment que nous craignions, le point de rupture évident où nous demandons au film de nous offrir autre chose que des vannes recyclées. En effet, s’il parvient à faire rire, impossible de ne pas replacer le film au cœur de la filmographie de Philippe Lacheau. Des gags avec des gens qui se font mal, des chutes improbables ou encore une énième vanne concernant la virilité de ses personnages masculins demeurent son credo depuis son premier film. La redite devient alors gonflante et Super-Héros Malgré Lui n’évite aucun des poncifs inhérents à ce genre de comédie. S’il peut plaire aux néophytes du cinéma de Lacheau, le fervent défenseur que nous sommes n’a plus suffisamment de poudre aux yeux pour s’en contenter pleinement.

Il y a une lassitude probante qui gangrène le film jusque dans ses personnages. Tarek Boudali et Julien Arruti (les deux comparses de Lacheau) sont totalement effacés. Le premier entretient une relation amoureuse avec la mère du second, et ce sera la seule raison valable de leur existence au sein du film. Non content de sortir toutes les blagues improbables et bas du front sur le fait qu’un ami d’enfance ne devrait pas devenir un beau-père, le scénario ne cache même plus ses facilités d’écriture. Lacheau et Arruti ayant pris l’habitude d’écrire ensemble, ils se complaisent dans un schéma narratif bien trop répétitif pour assurer un spectacle maîtrisé. Et même du côté des séquences d’action le film reste paresseux. Philippe Lacheau était bien plus inspiré sur Nicky Larson et le Parfum de Cupidon lorsqu’il fallait se montrer couillu plutôt qu’ici. Une fois encore, l’engagement n’est pas tenu. Le film offre un training montage constatant l’évolution du travail physique du héros afin de rentrer dans son rôle. Une séquence pleine de promesses qui ne sera jamais plus exploitée par la suite. Lacheau retombant dans ses vieux travers en préférant singer les séquences iconiques de chez Marvel ou DC en ramenant tout autour de la ceinture pubienne de son personnage. Comment peut-on encore décemment proposer de centrer plus de la moitié de ses vannes autour du micro-pénis de son héros et ne pas trouver cela lassant, pour ne pas dire lourdingue ? Super-Héros Malgré Lui tombe excessivement dans l’humour beauf tout juste bon à faire hurler de rire votre tonton perpétuellement bourré aux repas de famille. Le film est aussi inspiré que votre cousin attardé qui vous demande de tirer sur son doigt juste avant d’en larguer une bien grasse. Il serait grand temps de changer de fusil d’épaule sans quoi Philippe Lacheau risque de sacrément foutre en l’air ses ambitions artistiques qui étaient, à nos yeux, jusqu’alors parfaitement maîtrisées.

Super-Héros Malgré Lui est la frasque de trop pour Philippe Lacheau. Son humour corrosif est devenu vulgaire et sans inspiration. De plus, son amour pour ses personnages est inexistant et ne permet même pas de nous faire oublier la surdose de gras qui bouche indubitablement les artères de ses vannes. Mettons cela sur l’incident de parcours et gageons que la bande à Fifi saura renaître de ses cendres lors de leur prochain film…

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