British Touch : Envergure de la série anglaise contemporaine

Depuis l’arrivée de la télévision dans les foyers mondiaux, les séries anglaises n’ont cessé de s’imposer comme des références dans l’histoire du petit écran. On pense immédiatement à des œuvres encore présentes et regardées aujourd’hui comme Le Prisonnier (avec un extrait fascinant où l’acteur principal s’énerve tel Howard Beale dans Network lors d’un entretien), Doctor Who ou Chapeau melon et Bottes de cuirs… La série anglaise sert alors de réponse à un cinéma moins ambitieux, souvent privé de ses talents par les appels de pied grandiloquents d’Hollywood. Olivier Joyard livre alors avec British Touch, une vue d’ensemble de ce que la création télévisuelle représente au sein d’un pays plein de contradictions et d’auto-dérision. Néanmoins, l’histoire de cette ascension est finalement assez vite abandonnée pour laisser place aux nouvelles voix d’auteurs (ou plutôt d’autrices) dans une ère post-Metoo où les femmes et les personnes de couleur peuvent enfin s’exprimer. Et de ce point de vue, il y en a pour tous les goûts puisque sont interrogés les créateurs de Peaky Blinders, Sex education, Downton Abbey ou Skins… Il ne vous reste donc plus qu’à vous laisser embarquer à l’intérieur du processus créatif d’une télévision innovante et subversive.

À la vision du documentaire, un des premiers réflexes qui peut nous embarquer en tant que français est la comparaison avec notre télévision hexagonale. Deux grands groupes médiatiques publiques (la BBC pour l’Angleterre et France Télévisions pour la France) financés par l’État permettant la création de contenus originaux. La philosophie de la BBC est la suivante : “Éduquer et Divertir” ou comment allier l’art du divertissement et de l’auteurisme. En France, nous échouons encore trop souvent à mixer les deux, tombant soit dans l’un, soit dans l’autre. Il suffit de voir la place précaire réservée aux scénaristes au sein de l’industrie pour se rendre compte du retard que nous avons encore à rattraper. Cela s’explique par la place dominante du cinéma dans la culture française par rapport à la vénération que peuvent entretenir les Anglais face à leur écran de télévision, sorte de rituel familial immanquable. Il est alors fascinant d’observer que certains soap opéras durent depuis maintenant 40 ans, traversant les âges en même temps que leurs personnages, chose pratiquement impensable chez nous si ce n’est pour des productions telles que Joséphine Ange Gardien ou Louis la Brocante.

Le nom de Phoebe Waller Bridge est sur les bouches de la plupart des intervenants et l’on ne peut s’empêcher de sentir toute l’admiration d’Olivier Joyard pour la Showrunneuse ainsi que toute la frustration de ne pas avoir pu l’interroger. Grâce à son talent incontestable, elle est devenue le porte-étendard d’une nouvelle vague de séries d’auteur en Angleterre qui n’hésitent plus à traiter des personnages féminins excentriques (This Way Up), de la vie de personnages homosexuels (It’s a Sin) ou de personnages noirs (I May Destroy You). Cette notion d’auteur revient régulièrement au cours du documentaire au point d’être brandie avec fierté par les créateurs anglais face à une industrie américaine beaucoup plus coercitive et liberticide. L’influence est telle que des séries américaines singent en quelque sorte la fameuse British Touch en engageant des showrunneurs anglais avec la série Succession commandée par HBO auprès de Jesse Armstrong et de son atelier d’écriture composé par moitié d’anglais et d’américains. Les créateurs ne sont pas les seuls à être récupérés par Hollywood. Comme le soulignent très bien les journalistes françaises interrogées, parmi la multitude d’acteurs plébiscités par le public américain, nombreux sont, sans qu’ils s’en rendent compte, anglais. À l’origine, des écoles d’arts dramatiques extrêmement élitistes et exigeantes dont nous avons la chance de voir les coulisses pendant quelques instants, même s’il ne s’agit pas de la partie la plus intéressante du documentaire.

La télévision anglaise est ce qu’il y a de plus représentative de la société anglaise. Un pays rongé par la question de la classe sociale, de la différence entre prolétaire et noble avec une capacité à travailler ces deux axes par la fiction. Ainsi, on peut aussi bien trouver des histoires de losers sans le sou (Misfits, Brassic…) que d’aristocrates engoncés dans leurs traditions (Downton Abbey, The Crown…). C’est peut-être là que réside l’équilibre dans lequel toutes les industries mondiales devraient aspirer.

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