Les Goûts et les Couleurs : « Tout se vaut, du coup tout se discute… »

Il est parfois dérangeant, frustrant voire fâcheux de constater que certains films nous rentrent par une oreille pour n’en sortir que par l’autre une fois la projection terminée ; des films pas véritablement antipathiques ni même simplement ratés mais qui n’alimentent qu’un plaisir tour à tour modeste et passager, plaisir uniquement cantonné à l’instant de leur découverte et de leur visionnage ; des films à usage unique en quelque sorte, passablement distrayant et plus que tout « dans la moyenne des standards admis », des divertissements façon « ligne molle » ne mangeant pas de pain et ne faisant pas de miettes ni même de vagues, seulement quelques jolis cercles concentriques timides et émoussés avant l’heure…

Réalisé par l’auteur responsable du (plutôt) bon Le Nom des Gens (gros succès public et critique de l’année 2010, ndlr) et du (vraiment) bon La Lutte des Classes sorti il y a trois ans désormais Les Goûts et les Couleurs est de cette trempe de films à la fois gentiment sympathiques à suivre et facilement oubliables. Récit convenu d’une jeune chanteuse tentant de perpétuer l’Oeuvre de son idole de la scène indépendante française à titre posthume par l’entremise de son ayant-droit (et accessoirement petit-neveu) le dernier long métrage de Michel Leclerc a de fait bien du mal à se distinguer de la masse des productions pullulant de drames tendant vers une auteurisation impersonnelle et sans réelles audaces formelles. Nous suivrons donc à la trace (et avec balises narratives et scénarisation traditionnelle à l’appui) la figure de Marcia (Rebecca Marder, également vu dans le récent Tromperie de Arnaud Desplechin) de sa rencontre avec l’icône très rock’n’roll Daredjane (Judith Chemla, qui incarnait déjà une figure féminine à la voix toute particulière dans Mes frères et moi, ndlr) au décès de ladite star en passant par sa confrontation avec Anthony, bénéficiaire du legs artistique de sa grande-tante visiblement épris de la jeune artiste en herbe…

Si les personnages s’avèrent indiscutablement bien écrits et interprétés par l’ensemble du casting (celui de Daredjane n’est pas sans évoquer la savoureuse et impertinente Brigitte Fontaine si l’on en juge par le caractère très grivois voire ordurier de certains titres de son répertoire ; Anthony, quant à lui, est agréablement incarné par un Félix Moati décidément très en forme lorsqu’il s’agit de jouer les gars hautains et imbus d’eux-mêmes) l’ensemble manque cruellement d’aspérités et de véritables prises de risque. Par ailleurs Rebecca Marder semble finalement assez peu impliquée dans ce rôle peu évident d’émissaire artistique devant composer avec les attentes (lucratives, surtout) du métier et de la profession ; c’est finalement le précieux Philippe Rebbot qui tire le mieux son épingle d’un jeu un tantinet plan-plan et téléphoné, excellent en manager à la fois complaisant et usé par le star-system… Demeure toutefois une bande originale assez plaisante à écouter et spécialement composée pour le métrage, succession de chansons aux accents parisiens un rien rétro et nostalgique. Si vous aimez les petits films sans ambitions ni prétentions de rigueur Les Goûts et les Couleurs pourrait éventuellement vous divertir le temps d’une séance, visible dans nos salles obscures à partir du 22 juin de cette année. Comme quoi tout semble pouvoir être – en ces temps de relativisme critique mâtiné de brouillage artistique – affaire de discussion...

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*