Lords of Chaos : TRVE BLACK METAL LEGACY

Cette semaine, la séance Shadowz sera élitiste ou ne sera pas. En effet, il est grand temps de laisser parler notre seconde passion, à savoir les musiques extrêmes. Fils de hard rocker, nous avons été biberonné aux douces mélodies des pionniers du hard rock, une musique qui ne nous quitte jamais et qui accompagne chaque rédaction de chaque chronique. Difficile de passer une seule journée sans notre dose de rock (pour la faire courte, nous ne sommes pas ici pour vous parler de tous les dérivés qui nous font nous lever chaque matin) comme il nous est impossible de considérer une bonne journée sans un bon film. Pourtant assez hermétique au black et death metal qui ne nous ont jamais attiré, nous avouons avoir toujours été curieux de toute l’imagerie que le courant se donne tant de mal à préserver. Cette semaine, Shadowz met en lumière le fameux Lords of Chaos réalisé par Jonas Akerlund. Autant les amateurs de black metal norvégien savent déjà de quoi nous allons parler, autant les néophytes se demandent encore s’il s’agit de lard ou de cochon. Basé sur le livre éponyme écrit par Michael Moynihan et Didrik Søderlind, Lords of Chaos retrace les grandes lignes de l’histoire du black metal, son évolution, les membres actifs qui ont contribué à le populariser via divers actes sataniques ainsi que les conséquences que cela a engendré. Afin de mettre en scène son histoire de la manière la plus compréhensive possible, Jonas Akerlund décide de focaliser son film par le prisme du guitariste et membre fondateur du groupe Mayhem. Lords of Chaos n’a pas pour but de rétablir une quelconque vérité, mais plutôt de jouer avec les faits réels et les mythes qui constituent la réputation de Mayhem et des membres qui gravitent autour afin de construire un véritable drame horrifique poignant, dérangeant et, de fait, indispensable.

En 1987, à Oslo, Øystein Aarseth, alias Euronymous, âgé de 17 ans, se concentre sur la création d’un vrai courant black metal norvégien avec son groupe Mayhem. Il monte des cascades publicitaires choquantes afin de mettre le nom du groupe sur la carte. Après le violent suicide de son chanteur, Per Yngve Ohlin, alias Dead, Øystein fonde son propre label, Deathlike Silence, et ouvre sa boutique de vinyles. C’est alors qu’il fait la rencontre de Varg Vikernes, dit Count Grishnackh, homme solitaire et mystérieux derrière le projet musical Burzum. Leur rencontre les amènera à commettre l’irréparable.

Quiconque n’étant pas aux faits de l’histoire du groupe Mayhem peut se plonger sans problème au cœur de Lords of Chaos. Le film de Jonas Akerlund (accessoirement ex-batteur de Bathory, un des groupes les plus influents de la scène metal scandinave) possède cette capacité à nous plonger dans les ténèbres avec une aisance déconcertante. Qu’on se le dise, Lords of Chaos contemple la mort et la destruction de manière frontale, il en va de votre capacité à pouvoir encaisser le choc ; et particulièrement la première demi-heure qui revient sur la descente aux enfers de Dead jusqu’à ne rien nous épargner de son suicide virulent. Il en va également de votre capacité à pouvoir départager le vrai du faux. En effet, le film s’ouvre sur le carton ci-contre : « Basé sur la vérité, les mensonges et ce qu’il s’est réellement passé ». Si le suicide de Dead a bel et bien eu lieu; une photographie immonde de son cadavre ayant été utilisée pour parfaire la pochette d’un des albums bootlegs de Mayhem; c’est à partir de cet événement malsain que les témoignages digressent. Il s’est souvent dit que les membres du groupe auraient dévoré des morceaux de la cervelle de Dead au cœur d’un rituel inspiré des vikings et que chacun des membres du groupes possèderaient un pendentif avec un morceau du crâne de ce dernier. Et des histoires folkloriques de la sorte, Euronymous en a sorti tout un tas afin d’alimenter la controverse autour de son groupe et du courant musical qu’il entendait défendre. Plus qu’un style, le « vrai » black metal norvégien est un mode de vie et une religion qui puise ses origines dans le satanisme et divers autres idéaux parmi lesquels quelques préceptes nazis. Une minorité d’illuminés aura suffit à alimenter une croyance populaire qui perdure encore aujourd’hui selon laquelle un amateur de musique metal demeure un satanique convaincu. Aussi vrai que tous les amateurs de rap ne sont pas des gangsters, un metalleux ne vénère pas automatiquement Satan. Seulement, Lords of Chaos n’entend aucunement rétablir les convictions de chacun, mais plutôt de nous plonger au cœur d’un quotidien dans lequel le folklore et la provocation sont devenus une réalité pour une poignée de jeunes en mal de reconnaissance.

Lords of Chaos distille en substance un parti pris qu’il faudra aller chercher au-delà des séquences provocatrices et de violence extrême. S’il y a un profond respect pour la musique en tant que telle, il semblerait que Jonas Akerlund veuille rendre un vibrant hommage à Euronymous. Tête pensante du mouvement, ses rejets des conservationnistes et de la religion chrétienne ont fait des adeptes qui ont pris ses provocations pour argent comptant. Pour Euronymous, tout ce qui comptait était de promouvoir son groupe. Il souhaitait sortir Mayhem de l’anonymat et imposer la Norvège comme berceau d’un mouvement aussi puissant que n’ont pu l’être les punks au Royaume-Uni. Lorsqu’il somme de brûler les églises ou qu’il encourage un de ses amis à planter un couteau dans le corps d’un homme pour voir l’effet que cela procure, il motive une forme de rébellion, un soulèvement des consciences et une pensée satanique comme simple réponse aux dictas qu’il rejette en bloc. Jamais il n’encourage le passage à l’acte, il soumet seulement les idées. Pris au piège de ses propres pensées, il se montre très vite dépassé lorsqu’il constate que ses amis mettent en application ses paroles. Au fur et à mesure que le film avance, Jonas Akerlund place son héros en position de victime. Il est victime de son succès et des souffrances qu’il alimente chez ses interlocuteurs. Seulement, lorsqu’il parviendra à faire reconnaître Mayhem comme un groupe influent, il sera trop tard pour lui puisqu’il aura engendré une bête immonde en la personne de Varg. Son plus grand fan et disciple est devenu un monstre qui ira jusqu’à commettre l’irréparable. S’il y a bien un rejet des religions et des conventions qui vont de pair avec la popularité du mouvement, Lords of Chaos est avant tout un biopic à la fois sur Dead, Euronymous et Varg.

Dead, bien qu’il ne soit présent que pendant une demi-heure, imprime indéfiniment la rétine pour laisser planer son ombre malfaisante tout le reste du film. Campé par un Jack Kilmer (fils de Val) totalement transformé et habité, Dead ressuscite son mal-être putrescent qui va conditionner toute la dégringolade malsaine dans laquelle va se retrouver son acolyte Euronymous. En l’espace de quelques plans iconiques, Akerlund dresse un portrait authentique du chanteur via le prisme de plusieurs de ses rituels qui l’ont rendu célèbre. Dead enterrait ses vêtements de scène près des tombes afin qu’ils s’imprègnent des âmes des morts. Il n’hésitait pas à se mutiler sur scène ou a encore planter des têtes de cochons sur des pieux. Tout était bon pour jouer de provocation, jusqu’à son suicide qu’il marquera d’un sceau ironique puisqu’il laissera un bout de papier sur lequel il marquera : « Désolé pour tout le sang ». En s’ôtant la vie, il savait pertinemment qu’il offrait une occasion en or aux autres membres du groupe de devenir célèbres. Jack Kilmer possède littéralement le film. Lorsque la lumière se focalise sur Euronymous, le spectre de Kilmer n’est jamais bien loin et l’on assiste également à l’émergence d’un Rory Culkin pleinement habité. Ce dernier parvient autant à créer l’effroi lorsqu’il entend convaincre ses disciples qu’à provoquer le rire lorsqu’il se montre ironique. Et pourtant, il semble que seul le spectateur soit en capacité de palper cette ironie. Tous les membres de sa secte boivent ses paroles avec un premier degré à faire peur, et particulièrement son premier fidèle, Varg, campé par Emory Cohen. Si Kilmer et Culkin doivent entrer dans la peau de personnages déjà torturés, Cohen, quant à lui, obtient le rôle le plus difficile. Ce dernier doit susciter la sympathie, puis l’admiration, pour enfin nous laisser dans un effroi à faire pâlir la Mort elle-même. L’acteur offre une prestation ahurissante. Son basculement vers la violence ne sera pas sans rappeler Orange Mécanique pour son approche « ludique » des faits. Son personnage est complètement déconnecté de la réalité. C’est un jeu pour Varg que de profaner des églises ou enchaîner les conquêtes comme de vulgaires morceaux de viande. Inconscient d’une paranoïa qui le ronge de l’intérieur, le fondateur du projet Burzum entrera tristement dans la légende lorsque la police mettra fin à sa déchéance meurtrière. De fait, l’épilogue du film que nous attendions devient pesant. Jonas Akerlund fait monter la pression crescendo et son ultime confrontation est un déchaînement de violence à faire passer n’importe quel slasher pour un tome des aventures de Martine.

Lords of Chaos est un film hyper riche qui transcende les frontières entre simple biopic et film d’horreur poignant. Jonas Akerlund retrace les origines d’un mouvement qui a défrayé la chronique avec un premier degré qui suscite autant l’admiration que le rejet. S’il ne remet jamais en cause la musique qui, elle, reste inoffensive et n’engage que les musiciens qui la joue, il apporte son appréciation autour d’une mascarade ayant pris une ampleur tristement célèbre. Il doit également énormément à ses acteurs qui s’impliquent corps et âme au sein du projet. Le suicide de Dead demeure l’une des séquences brutales les plus difficiles que nous ayons eu à voir depuis des lustres. Lords of Chaos tord également le cou aux préjugés qui gangrènent la musique metal en général et pointe du doigt que la radicalité des propos ne concerne qu’une infime partie de la communauté. Lords of Chaos s’octroie une place émérite au sein du catalogue Shadowz et nous vous invitons chaudement à découvrir ce film choc que vous n’oublierez pas de sitôt.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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