Sweat : « Suis-moi, je me fuis… »

Pologne, de nos jours. Sylwia possède quelques 600 000 abonnés sur son Instagram consacré à ses conseils de coaching sportif et son modèle exemplaire de quotidien équilibré : influenceuse notoire la jeune femme a fait de son image son principal business et sa seule activité professionnelle, oubliant dans le même coup de prendre véritablement soin d’elle. Sans compagnon ni autre vrai lien social conséquent (à peine une famille s’étant elle-même pliée aux convenances du paraître et des faux-semblants, uniquement retrouvée par Sylwia au détour d’un anniversaire à la fois convenu et un rien embarrassant) Sylwia vit seule dans son appartement avec son chien, visiblement dopée aux nombreux retours de ses followers et cultivant une « exhibition émotionnelle » de plus en plus accaparante. Un jour la jeune instigatrice aux dehors irréprochables et à la facade narcissiquement parfaite poste une vidéo dans laquelle elle s’épanche sur sa solitude et son manque sentimental. Devenu viral le message va peu à peu faire prendre conscience à Sylwia de ses besoins réels…

Deuxième long métrage du méconnu Magnus Von Horn Sweat est le portrait d’un mode de vie devenu littéralement pathologique ; c’est aussi le nom du programme Insta de notre (anti ?)-héroïne promettant acceptation de soi, de son corps et de son énergie vitale mais aussi reconnaissance réciproque de Sylwia et de ses nombreux fans, mode de vie sain et consommation de rigueur. En authentique professionnelle de l’image Sylwia filme son intimité sous (presque) toutes les coutures : séances de fitness, breakfast en bonne et due forme, retour à domicile durant lequel elle commente en direct les bienfaits de l’escalade d’un escalier au détriment des ascenseurs, sessions de maquillage et essayage de toilettes en tous genres… Non réellement éloigné d’un Syndrome de Dorian Gray classique et redoutable le fonctionnement psychique de notre protagoniste (que la caméra du réalisateur d’origine suédoise ne lâchera pour ainsi dire jamais, épousant son point de vue sur le monde l’entourant avec rigueur et pertinence, ndlr) met en lumière les ravages de l’hégémonie des réseaux sociaux et la scission des individus avec eux-mêmes ; seule et apparemment entourée de toutes et de tous Sylwia devra d’un bout à l’autre du récit faire face aux followers devenus fanatiques voire menaçants pour sa personne et la leur, vendre son image et moult accessoires liés à son business sans prendre le temps de se connaître – pour ainsi dire – dans son essence.

D’une tristesse peu commune mais étonnamment lucide sur l’état de notre époque Sweat est de ce point de vue magistralement incarné par la talentueuse Magdalena Kolesnik dont c’est ici le premier rôle important au cinéma (l’actrice tire de sa beauté glaciale et souriante une froideur paradoxalement poignante et meurtrie…). Constat un rien désabusé des nouvelles maladies sociales ayant – depuis plusieurs années désormais – découlé des supports virtuels devenus légion et entièrement encouragés par un système de plus en plus inhumain et proche de la coquille vide le film de Magnus Von Horn sortira donc en salles le 15 juin de cette année. Une belle surprise à ne pas manquer.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*