La Ligne Verte : Miracles à Cold Mountain

La Ligne Verte est un chef d’oeuvre. Sous cette affirmation pompeuse se cache un sentiment subjectif total pour un film dont on ne se lasse pas de revoir. Malgré ses trois heures de métrage, La Ligne Verte réalisé par Frank Darabont en 1999 est une merveille de 20 ans d’âge – et des poussières – qui passe le poids des années avec une aisance déconcertante. Il est un film naviguant entre les écueils de l’abattement comme certains autres peuvent le subir avec le temps. La Ligne Verte est loin de cela, bien au contraire, il fait un bien fou aujourd’hui de revoir ce film « parfait » devenant progressivement un « classique » qui bénéficie d’une ressortie classieuse en 4K-UHD chez Warner Bros. 

Cette nouvelle ressortie en vidéo est une merveilleuse opportunité pour revoir une énième fois ce grand film de cinéma. Découvert à l’époque en VHS, revu à la TV, acheté en DVD puis en Blu-Ray, La Ligne Verte est un long métrage qui nous suit inlassablement. Peut-être trouve-t-il l’édition ultime dans ce coffret regroupant une série de photos, un livret (dossier de presse) et un Steelbook du plus bel effet pour être possédé au sein de sa filmothèque et de le revoir encore et toujours. Le film de Frank Darabont – tiré du roman-feuilleton écrit par Stephen King – est de ces œuvres qui se regardent en plein milieu d’une semaine morose ou un dimanche après midi pluvieux pour revigorer l’esprit. Le film nous transporte vers un ailleurs où les miracles font foi sans la moindre naïveté, où la bienveillance opère tout en côtoyant la pire vilénie. Le spectateur ne quittera – ou très peu – le bloc E du pénitencier de Cold Mountain en Louisiane. Là sont amenés les prisonniers en attente de leurs exécutions orientée par la ligne verte, surnom du bloc par son revêtement au sol de ladite couleur. L’histoire suit une bande de gardiens dirigée par Paul Edgecomb dans leurs tâches jusqu’à l’arrivée particulière de John Coffey, un géant gaillard noir bienveillant et simplet accusé du meurtre de deux fillettes. Commence alors une série d’événements qui va bousculer la vie des hommes du bloc, notamment celle de Paul.

Et si le premier miracle avec ce long métrage n’était pas sa propre existence ? La Ligne Verte prodigue des instants merveilleux à chaque visionnage. Le monde s’arrête de tourner pendant les trois heures de métrage, plus rien n’existe autour étant aspiré au cœur d’une histoire fascinante. La Ligne Verte résulte d’une combinaison prodigieuse assurant un mécanisme parfait. Un film bien huilé pour l’image, mais surtout une œuvre fantastique. Cinq années après Les Evadés – film préféré de beaucoup trop de monde – Frank Darabont adapte de nouveau Stephen King et investit à nouveau les quartiers d’une prison. Après avoir pris le point de vue des prisonniers de Shawshank, le réalisateur/scénariste prend le parti des gardiens ayant la lourde tâche d’accompagner les prisonniers à la chaise électrique. Frank Darabont réussit son approche bienveillante, mais jamais mièvre, à coller au plus près du conte pragmatique pour adultes. Frank Darabont intime son oeuvre d’une infinie poésie traitant ses personnages avec beaucoup de cœur. Les Évadés et La ligne Verte possèdent des traits similaires dans le traitement des personnages. On prend un plaisir fou à les apprécier, à les côtoyer, les écouter. Deux œuvres aux faux airs permanents, complémentaires, d’une flamboyance rare et bouleversante à chaque visionnage. 

La Ligne Verte bénéficie de cette poésie merveilleuse montrant la cruauté humaine avec tact. Frank Darabont distille ses éléments avec parcimonie et justesse prenant son spectateur par l’épaule pour le rassurer. Il s’enfonce alors dans son fauteuil pour un voyage lointain de cinéma sans que l’histoire nous emmène bien loin. Nous restons à arpenter cette fameuse ligne verte fréquentant les prisonniers et Mister Jingle, une souris savante qui va être l’élément déclencheur miraculeux. Un fait dû à John Coffey, surprenant gaillard de 2m15, masse douce, illettrée et incomprise, victime d’un système discriminatoire bête et méchant. Au contact de John Coffey, nous sommes bouleversés à jamais par un être qui ne peut laisser insensible représenté par sa réplique culte. Coffey est incarné par Michael Clark Duncan, rôle phare d’une carrière assez classique ensuite, l’acteur jouant de sa carcasse tout en rentrant dans le rang. On avait pu le voir dans Armagueddon de Michael Bay, puis en Wilson Fisk dans le marrant Daredevil incarné par Ben Affleck.
On parlait de combinaison miraculeuse plus haut, il faut souligner et surtout applaudir la prestation de Tom Hanks alors au firmament de sa carrière après Philadelphia, Forrest Gump ou Il Faut Sauver le Soldat Ryan. La Ligne Verte est l’un des derniers grands faits de gloire de l’acteur, sa carrière prenant une pente descendante ensuite, même si nous prenons tout autant de plaisir à le suivre aujourd’hui pour des seconds rôles ou des films mineurs pour les plateformes SVOD. Le long métrage bénéficie de la prestation et de la prestance d’un acteur en état de grâce, fabuleux Tom Hanks incarnant un gardien-chef bienveillant souffrant d’une infection urinaire carabinée. Une séance « caféinée » et l’homme sera sur pieds puis sur madame pour des galipettes inespérées. Dame Edgecomb est incarnée par la solaire Bonnie Hunt, second rôle fort déjà aperçu en mère de famille dans les deux premiers opus de la série Beethoven et/ou dans Jumanji aux côtés de Robin Williams et de Kirsten Dunst. Une actrice merveilleuse dont la carrière n’a jamais vraiment dépassé l’Atlantique, fameuse showoman à la TV US depuis presque 40 ans.

La Ligne Verte ne serait rien sans le talent inné de Frank Darabont. Responsable de seulement cinq longs métrages en 40 ans de carrière, on ne comprend pas aujourd’hui comment ce metteur en scène n’a pas été autant sollicité avec une carrière plus fournie. Fameux script doctor à Hollywood, sa carrière est jalonnée de projets inaboutis. Mais au regard des qualités indéniables de sa petite filmographie, la rareté du bonhomme en termes de cinéma est incompréhensible. Les Évadés puis et surtout La Ligne Verte sont les exemples démontrant tout le talent d’un réalisateur tirant le meilleur de ses projets, de ses acteurs, tant la réputation auprès du public est le constat d’un gâchis déplorable. Les Evadés est LE film préféré de tous, La Ligne Verte marque les esprits passant remarquablement l’épreuve du temps se transmettant de génération en génération. Les longs métrages de Frank Darabont défient le poids des années, à l’image de The Mist, l’homme étant le réalisateur/scénariste qui a saisi au mieux la démarche d’adaptation d’une œuvre de Stephen King avec l’approbation du maître de la littérature américaine. De son court métrage The Woman in the Room en 1983 jusqu’à The Mist en 2007, Darabont est l’adaptateur maître du style « King » pour une filmographie cohérente et enivrante. Une petite carrière fait de grands films dont on vous intime de (re)plonger. On revient inévitablement vers Les Évadés, La Ligne Verte ou The Mist dans un autre style tout aussi complémentaire.

2 Rétroliens / Pings

  1. Carrie au bal du diable : Possédée par la Vengeance -
  2. Ariaferma : Centre mou... -

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*