Firestarter : Avant Stranger Things, il y avait Charlie…

S’il y a un auteur que le cinéma et la télévision aiment adapter par-dessus tout c’est bel et bien Stephen King. Des mastodontes intemporels comme Ça, La Ligne Verte, Misery, Shining ou encore Les Évadés aux films plus intimistes, mais non moins inoubliables comme Dead Zone, The Mist, Les Vampires de Salem ou bien Peur Bleue, quiconque s’intéressant au cinéma fantastique s’est déjà retrouvé confronté à une œuvre adaptée du maître. De 1976 et la première transposition au cinéma par Brian De Palma de Carrie à 2019 et la sortie de Doctor Sleep dirigé par Mike Flanagan, Stephen King n’a jamais cessé de sillonner le paysage horrifico-fantastique. Ces dernières années, des remakes plus ou moins réussis ont vu le jour afin de conquérir une nouvelle génération de spectateurs. D’une nouvelle mouture tout juste correcte de Carrie en 2013 au très oubliable Simetierre en 2019, difficile de trouver un vrai regain d’intérêt pour des œuvres qui ont acquis une aura culte pour énormément de gens. En dehors d’un remake énervé et ambitieux de Ça, Stephen King a malheureusement été relégué au rang d’auteur tout juste bon à alimenter les contenus des plates-formes de SVOD (1922, Jessie). Alors, quand survient dans nos salles une nouvelle adaptation du maître sous l’égide de Keith Thomas (dont nous avions énormément apprécié son premier long métrage, The Vigil) et qui plus est, d’une des histoires qui revient rarement au sein des discussions autour des bouquins de l’auteur, nous ne pouvions que courir le découvrir. Firestarter avait déjà été adapté en 1984 par Mark L. Lester et jouissait d’une belle réputation dans la sphère des fans de King.

Après avoir développé des dons de pyrokinésie, la jeune Charlene McGee, surnommée Charlie, âgée de 11 ans, est menacée par une agence gouvernementale voulant utiliser ses aptitudes comme arme. Elle doit constamment déménager et fuir avec ses parents, Andy et Vicky, jusqu’au jour où les membres du personnel de l’agence les retrouvent, assassinent Vicky et manquent de kidnapper Charlie. Face au danger et n’ayant plus la possibilité de fuir, ni de faire marche arrière, Charlie n’a d’autre choix que d’apprendre à canaliser son pouvoir et accepter son destin.

Produit par Blumhouse, dont il est inutile de vous présenter une fois encore le credo (petit budget pour un max de rentabilité), Firestarter se targue de jolis noms pour séduire toutes les générations. Avec un casting emmené par Zac Efron (impeccable dans le registre) et une bande-originale composée par Daniel Davies, et surtout John et Cody Carpenter, impossible de ne pas titiller la corde nostalgique des parents qui risquent d’accompagner leurs enfants dans la salle. Mais comme chacun le sait, des noms prestigieux ne font pas la qualité d’un film. Est-ce que Firestarter en a dans le ventre ? Oui et non… Autant il se pose comme une porte d’entrée honnête pour les jeunes têtes désireuses de se lancer dans une culture horrifique, autant il souffre d’un défaut inéluctable et propre à n’importe quelle adaptation : il sacrifie des passages importants à la bonne progression de l’histoire. En effet, le film décide d’éluder le passé des parents de Charlie pour se focaliser uniquement sur son ultime croisade, celle qui venait clore le récit de King. Pas un seul instant le spectateur ne saura qui est l’agence qui traque Charlie et son père ou encore qui est le tueur lancé aux trousses de la famille. De plus, le film décide d’annihiler totalement la conclusion ouvertement positive du roman de King pour laisser le récit sur une fin ouverte tout juste opportuniste à une éventuelle suite (on te reconnaît bien là dans ta logique de business plan Jason !). En dépit du fait qu’il est réducteur d’analyser une adaptation en fonction du matériau de base, on ne peut pas nier le fait que le scénario développé par Scott Teems s’appuie lourdement sur les écrits de King sans jamais sortir des sentiers battus. De facto, il tranche impunément dans le lard et l’on se retrouve devant un film qui doit composer malgré lui avec le peu d’éléments qu’il décide de garder en son sein. Il y a un vrai soucis de narration qui entache à la bonne compréhension du film, et c’est fort dommage car Firestarter ne manque pas de qualités.

En dehors du fait qu’il pâtisse sérieusement d’un scénario plus qu’alambiqué, Firestarter jouit d’une photographie époustouflante. Keith Thomas réitère l’ambiance qu’il a mis en place sur The Vigil. Son film est pâle, jouant sur diverses nuances grisâtres pour symboliser le désespoir ambiant dans lequel vit Charlie. Bien évidemment, le film contrastera avec les couleurs primaires (beaucoup plus chaudes et vives) lorsqu’il libérera les pouvoirs de son héroïne, mais ce n’est pas une simple lubie de son réalisateur. En effet, Thomas prend bien le temps de s’accaparer le malaise qui habite sa jeune actrice afin de séduire les plus jeunes spectateurs qui s’y identifieront plus aisément. Il se permet d’ailleurs de dresser un constat alarmant sur le harcèlement scolaire et l’impuissance des autorités du corps enseignant qui préfère se débarrasser des problèmes plutôt que d’avoir à les gérer. En ce sens, toute la première moitié du film est une vraie réussite. Seulement, difficile de laisser Keith Thomas exprimer pleinement ses ambitions, bien trop tiraillé entre un scénario charcuté et les contraintes imposées par la charte des studios Blumhouse. Fort heureusement, il peut compter sur la très belle complicité qui émane entre Zac Efron et Ryan Kiera Armstrong ainsi que la musique très marquée du duo père/fils Carpenter. Efron étonne dans son rôle de père en proie à des démons intérieurs insaisissables. Évidemment, il aurait été judicieux de revenir sur les raisons de son mal-être afin de mieux cerner ses décisions, mais on ne peut pas lui enlever ses bonnes intentions. Ryan Kiera Armstrong, bien qu’elle n’efface pas le souvenir de Drew Barrymore (qui tenait le même rôle en 1984), parvient à nuancer les états d’âmes de son personnage. Chaque débordement est justifié et dosé à la perfection. Elle apporte la parfaite intensité à chacune de ses scènes, c’est un vrai régal. Et la corde sensible sera indéniablement touchée lorsque les Carpenter nous offriront des musiques directement sorties des 80’s. En ce sens, Firestarter maîtrise la nostalgie des films cultes avec un vrai sens du modernisme. Mais ce ne sera que passager tant le bonheur du moment ne se gravera pas dans la mémoire de manière indélébile pour donner envie d’aller chercher la bande-originale afin de se la repasser en boucle.

Vous l’aurez compris, Firestarter s’apprécie en demi-teinte car il est balancé entre un scénario incomplet, une réalisation maîtrisée mais pas sublimée, un casting impeccable et une musique marquante sur le moment mais loin d’être inoubliable. Keith Thomas prouve qu’il peut être un solide artisan à la botte d’un studio qui entend faire appliquer sa charte coûte que coûte. Ne reste plus qu’à lui confier un projet à la hauteur de ses ambitions la prochaine fois. En ce qui concerne cette nouvelle adaptation de Stephen King, elle aura au moins le mérite de donner envie de se (re)plonger dans le bouquin afin de dénouer toutes les questions demeurant en suspens ici. Firestarter aura le mérite de lancer les hostilités des films à voir entre potes cet été au cinéma, et il s’en tire assez honorablement…du moins, il est à ranger clairement sur le haut du panier des productions Blumhouse, et c’est déjà pas mal.

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