My Kid : Sa raison d’être !

Le Festival de Cannes est l’un des plus grands (pour ne pas dire le plus grand) festivals de cinéma au monde. Chaque année la Croisette devient une niche qui englobe des films de tous genres et toutes nationalités. L’occasion de jeter un œil sur les nouveaux projets de réalisateurs confirmés tout comme de s’intéresser à ce qu’il se passe au sein de pays moins représentés dans nos salles. Le cinéma israélien n’est pas forcément l’un des moins diffusés par chez nous, mais c’est bel et bien de lui que nous allons parler aujourd’hui. Présenté en sélection officielle lors de Cannes 2020, My Kid de Nir Bergman ne connaîtra une sortie dans nos salles qu’en décembre 2021. Désormais disponible dans nos bacs vidéos en DVD, il nous semblait essentiel de revenir sur ce film aussi discret que la charge émotionnelle qu’il déploie est immense.

Aaron a consacré sa vie à élever son fils autiste, Uri. Ensemble, ils vivent dans une routine coupée du monde réel. Mais Uri est à présent un jeune adulte avec de nouveaux désirs et de nouveaux besoins. Alors qu’ils sont en route vers l’institut spécialisé qui doit accueillir Uri, Aaron décide de s’enfuir avec lui, convaincu que son fils n’est pas prêt pour cette séparation.

Ce qui saute aux yeux dès l’ouverture du film provient de la capacité de Bergman à savoir nous plonger immédiatement au cœur du cocon que se sont créé ses personnages. En l’espace de quelques plans et quelques répliques, Bergman annonce la couleur : My Kid est une comédie douce-amère. Jouant clairement dans la même cour de récréation qu’un Little Miss Sunshine, My Kid parle de thèmes forts et bouleversants tout en n’omettant jamais d’y ajouter de vrais moments de bonheur. A l’image de la vie, Bergman imprègne ses personnages d’un quotidien aussi pesant que passionnant dans lequel la routine peut virer au drame ou à l’émerveillement dès l’apparition d’un élément perturbateur.

Le film est indissociable de sa scénariste, Dana Idisis, qui s’est grandement inspirée de la relation qu’entretient son père avec son frère autiste. Lorsqu’elle a constaté le lien indéfectible entre les deux hommes, elle s’est posée une question, légitime : qu’adviendra-t-il de mon frère lorsque mon père sera en incapacité de s’occuper de lui ? C’est par ce postulat qu’elle décide d’écrire son scénario. Sujet fort et poignant que de mettre en scène une relation paternelle avec un enfant autiste. Si les exemples de films poignants ne manquent pas, My Kid possède une saveur particulière qui le rend différent de ses homologues. A commencer par les deux acteurs principaux au diapason de leur art. Le père, interprété par Shai Avivi, confère à son rôle une vraie part de son humanité, dans le sens où nous n’avons jamais l’illusion qu’il joue un rôle, il est ce père. La manière dont il prend tout à cœur, ne remet jamais rien en question (même quand il a tort) dans le seul but d’assurer le confort de son fils est tout à fait stupéfiante. Il pose un regard sur Uri qui est d’une tendresse absolue. Une relation paternelle de la sorte est extrêmement aussi rare de vérité pour le souligner. Mais celui qui bluffe littéralement demeure Noam Imber. Comment composer un personnage aussi complexe que Uri sans jamais tomber dans la caricature malsaine ? Tout simplement en focalisant l’attention là où vous ne l’attendez pas. Imber a passé son enfance entouré d’enfants autistes, ce qui lui permet de savoir parfaitement comment se mouvoir, comment sortir les bons mots au bon moment… Quelle performance hors du commun !

Outre les deux fantastiques acteurs, il faut souligner la mise en scène très habile de Nir Bergman. Usant de plans serrés, il enferme le père et son fils au centre de ses cadres. Rarement le monde extérieur vient s’ouvrir à eux. Ils s’isolent au cœur d’une bulle complètement hermétique amenant le spectateur à interpréter les actions uniquement par le prisme de leur ressenti. Il y a évidement une énorme part de protection dans le sens où Aaron doit supporter le regard d’autrui en permanence, mais tente de ne pas y prêter attention. Lorsque son fils entre en crise en pleine gare, que les passants se permettent de juger ses fonctions paternelles, jamais il ne faiblit. Son fils compte plus que tout. Lorsqu’il décide de confronter un vendeur de glaces à la réalité de son quotidien, il s’expose à un déferlement de violence car il n’a plus les mots pour répondre calmement à l’ignorance blessante des autres. Le road-trip dans lequel Aaron embarque son enfant va lui permettre de se mettre face à ses erreurs, mais également d’amener le monde extérieur à réfléchir à leurs bêtises. Et au milieu de toutes ces remises en questions, le film nous offre de belles bouffées d’oxygène parmi lesquelles une scène de danse fabuleuse sur le Gloria de Umberto Tozzi ou encore les échappées de Uri devant le cinéma de Charlie Chaplin. D’ailleurs, soulignons une partition musicale de Matteo Curallo absolument magnifique au cœur de laquelle le compositeur réinterprète le thème musicale de The Kid dans une version moderne terriblement délicieuse. Avec autant de belles prouesses devant comme derrière la caméra, nulle doute qu’il vous faut impérativement vous ruer sur My Kid dès à présent.

My Kid est un film aussi bouleversant qu’il fait un bien fou. Nir Bergman accouche d’une œuvre puissante comme on en voit rarement. Parvenir à nous faire verser autant de larmes tout en nous montrant qu’avoir un enfant autiste n’est absolument jamais une fin en soit relève d’une délicate attention que Bergman nous sert de la plus belle des manière. My Kid est clairement le coup de cœur vidéo de ce mois-ci, à n’en point douter.

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