Le Diable n’existe pas : Seuls les humains sont responsables de leurs actes

Sorti en salles en décembre dernier alors que les propositions cinématographiques pullulaient sur grand écran, nous n’avions pu aller voir Le Diable n’existe pas, film iranien de Mohammad Rasoulof, en dépit des premiers retours enthousiastes de nos confrères dessus (le film a remporté à l’Ours d’or à Berlin lors de son édition 2020). Grâce à sa sortie en Blu-ray et DVD le 5 avril dernier chez Pyramide Vidéo, nous pouvons réparer cette erreur et enfin nous pencher sur le film, véritable cri d’alarme d’un cinéaste profondément engagé contre la dictature de son pays.

Assigné à résidence pour ses positions jugées ‘’dissidentes’’ par le régime établi, Mohammad Rasoulof a tourné son film dans la clandestinité. Puisque celui-ci se compose de quatre segments différents, il a soumis à la censure quatre scénarios de courts métrages afin de pouvoir la contourner puisque le comité de censure en Iran ne s’intéresse guère à ce format, ciblant avant tout les longs métrages. C’est ainsi qu’il a pu livrer ce film, d’une durée de 2h30 et qui trace donc le parcours de quatre personnages différents dans l’Iran d’aujourd’hui, le cinéaste confrontant ses personnages à leurs choix moraux et à leur responsabilité individuelle dans une société où suivre ses convictions peut vous mener vers la mort.

Il y a ainsi Heshmat, mari et père de famille exemplaire au mystérieux travail ; Pouya, jeune conscrit (le service militaire est obligatoire en Iran et nécessaire pour ensuite trouver du travail ou obtenir un passeport) se refusant à tuer un homme comme on lui ordonne de le faire ; Javad venu à la campagne demander sa bien-aimée en mariage et se retrouvant confronté aux conséquences de ses actes durant son service militaire et Bharam, médecin interdit d’exercer qui décide de révéler à sa nièce le secret de toute une vie.

À travers ses quatre récits, Le Diable n’existe pas entend donc brosser le portrait d’une société iranienne étouffante et autoritaire, forçant les hommes à faire ce qu’ils ne veulent pas, les confrontant à leur sens moral, qu’il leur faut suivre au péril de leur vie ou ignorer tout en acceptant les conséquences que cela peut avoir sur leurs consciences. Mohammad Rasoulof a le mérite de filmer le tout sans esbroufe, avec une mise en scène d’une limpidité exemplaire et un sens du cadre acéré, captant avec sobriété les sentiments animant ses personnages.

Il est dommage que le scénario ne soit pas aussi subtil, l’absence de liant (outre celui thématique) entre les histoires créant la sensation d’enchaîner justement quatre courts métrages sans que l’ensemble n’ait l’air de former un tout entièrement enthousiasmant. La façon dont Rasoulof termine chacun de ses récits, presque didactique, empêche également l’émotion d’affleurer en dépit du talent du casting. Si Le Diable n’existe pas affiche une rigueur et un engagement forçant l’admiration (impossible d’être insensible à son cri de révolte), c’est justement cette même rigueur qui coince le film, celle-ci la contraignant à avancer sans prendre son envol, tout semblant ici trop contenu. Cela n’empêche pas Le Diable n’existe pas d’être une intéressante proposition de cinéma, à la force vitale étonnante dont la découverte vaut tout de même que l’on s’y attarde, pour l’humanité qu’il explore dans ses contradictions.

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